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Rubrique Culture

Tiwizi, chants païens de Kabylie Des dieux, des hommes et des lumières !

Tiwizi, chants païens de Kabylie est un coffret de deux disques qui vient de sortir en France. Ce travail collectif, porté par une équipe d’interprètes et de musiciens et par le poète Ameziane Kezzar, est un véritable trésor artistique, historique et «généalogique» !
Vingt-huit chants et autant de périples dans les âges païens de la Numidie composent cet album initié par le Collectif Tiwizi décidé à effectuer «un travail généalogique sur la musique et la poésie sacrée kabyle. Cette musique qu’on a malheureusement confinée dans les mosquées et austères zaouïas des clercs», explique-t-on dans la présentation de l’album.
L’œuvre interroge et fait revivre l’ancrage méditerranéen de Tamazgha, à travers sa dimension païenne et ses liens historiques avec la Grèce et la Rome antiques. 
Les textes sont écrits par Ameziane Kezzar, le virtuose incontesté du verbe kabyle qui réfute, à chaque poème, la thèse selon laquelle cette langue aurait besoin d’une reconfiguration fondamentale passant par l’introduction compulsive des néologismes. 
L’auteur puise non seulement dans le richissime corpus linguistique kabyle mais réussit surtout à en féconder une poétique des plus élaborées. Au fil des vingt-huit chants païens célébrant différents événements de la vie paysanne, on touche en effet du doigt cette incandescence esthétique et cette multitude de possibilités littéraires, soutenues et sublimées par un travail musical des plus éclectiques basé notamment sur l’adaptation des airs traditionnels ainsi qu’une palette de styles d’interprétation à donner le tournis au mélomane.
De l’émotion, du plaisir et un sentiment intense de liberté nous accompagnent à l’écoute de cette œuvre majeure assez ambitieuse pour célébrer à la fois la beauté, l’histoire oubliée (censurée) et l’inénarrable capacité des Anciens à poétiser leur existence. 
Des dieux si humains !
La magie de «Tiwizi» réside également dans son pouvoir de nous faire découvrir une familiarité insoupçonnée avec ces ancêtres lointains dont l’esprit et la voix nous parviennent aisément grâce à l’extrême exigence des textes de Kezzar et à la performance des interprètes que nous citerons intégralement. Kamal Iflis célèbre «Tiwizi» (la solidarité villageoise) ; Kahina invoque la déesse Afrique ; le chanteur «M#» livre un impitoyable réquisitoire contre les monothéismes ; Iddir Salem questionne le souvenir des peuples libyens maîtres des océans ; la cantatrice Myriam Hammani dialogue dans une atmosphère éthérée avec les ogres et ogresses, personnages fondamentaux de la mythologie berbère ; les Frères Houri chantent les louanges de Jupiter (Ubdir) maître des cieux ; Djamel Kaloune évoque la mort, la traversée et la prière pour Hermès (Remch) dans l’une des plus belles chansons de l’album ; Massa Nabeth célèbre le rituel du chêne (Tassaft), arbre protecteur et sacré dont les Berbères se disaient les descendants ; Yugurthen implore l’aigle céleste de transmettre les suppliques des hommes aux dieux (Jupiter, Minerve, Bacchus, Vénus, Diane, etc.) ; Menad célèbre le rituel de l’accueil du printemps ; Tenna convoque le dieu-soleil (Itij) ; Belaïd Branis chante le visage lumineux et les pouvoirs bienveillants de Jupiter ; le poète Rezki Rabia déclame son poème sur la Méduse, courtisée par les dieux, jalousée, pourchassée puis maudite ; Ferhat Mehenni et Zahia Bel dénoncent la dépossession culturelle et historique dont les Berbères sont victimes depuis des siècles ; notre consœur Zira de la Chaîne II récite quant à elle le chant du sacrifice (Ccna n wesfel) pour le dieu de la pluie Anzar ; Saïd Amsiwel appelle les villageois à aller au secours de la montagne menacée par les ogres et les forces maléfiques ; Mohand Ouali récite une prière à Neptune afin qu’il protège les marins ; Youcef Boutaleb demande au Sage de raconter les âges anciens et les gloires des ancêtres ; le groupe féminin Timnayin chante les louanges de la déesse Tifrit (déesse de l’agriculture et probablement ancêtre du mot Afrique) tandis que la baryton Azal Belkadi illustre la force de l’héritage païen par la survivance jusqu’à nos jours du culte d’Anzar ; Lycia nous parle du Hibou, animal sacré, vénéré pour sa majesté et sa capacité de voir dans l’obscurité ; Issad offre un chant nostalgique de l’âge d’or, «époque de lumières et de liberté» où il se voit déjà en épicurien heureux allant «avec Bacchus dans les vignobles à l’ombre des treilles, je boirais du vin sans rougir devant ceux qui s’enivrent de dattes et de petit-lait» ; Djamila Amzal (héroïne du film «La colline oubliée») invoque la protection de la déesse Vesta ; le groupe Ideflawen regrette le temps du polythéisme (At Wattas, qui est resté jusqu’à aujourd’hui le nom d’une confédération de villages en Kabylie) : «Quand les dieux régnaient, nous vivions au-delà du bien et du mal, nous vaquions à nos tâches sans songer au purgatoire. Or, les monothéistes sont arrivés et nous affirment que la vie, c’est la résignation. Ils nous parent de leur linceul et nous traînent en laisse vers le cimetière» ; Kahina chante la joie et la félicité sur le chemin de l’éther ; le slameur Amirouche Amwannas déclame un texte à la gloire de Wnissa (Vénus) ; Houria Cheurfa donne libre cours à sa voix puissante dans une incantation à la terre nourricière, talonnée par Idir qui revient sur le rituel d’Anzar et la cérémonie sacrificielle pour le retour de la pluie… 
Tiwizi, chants païens de Kabylie est pour l’instant indisponible en Algérie. Etant produit par une association kabyle en France (Tisnalalit), les droits sur les ventes lui reviennent puisque tous les artistes participants les lui ont cédés. De plus, les membres du collectif veulent «avoir l’assurance que le produit ne soit pas détourné de son objectif». Pour l’heure, les contacts établis en vue d’une réédition du disque en Algérie n’ont pas abouti. 
Sarah H.

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