Placeholder

Rubrique Culture

Rendez-vous cinématographiques d’Alger Filmer l’opprimé oppresseur

La 2e édition des Rendez-vous cinématographiques d’Alger, co-organisés par le Panorama des cinémas du Maghreb et du Moyen-Orient de Saint-Denis et l’établissement Arts et Culture d’Alger, a pris fin samedi avec la projection de deux documentaires. 
La salle Ibn-Khaldoun a accueilli, samedi, la projection des documentaires Birds de Louiza Beskri et Des moutons et des hommes de Karim Sayad. Le premier, un court-métrage de 13 minutes, traite de la question des réfugiés subsahariens à travers un road-movie suivant la trace d’un petit garçon arpentant les rues de Tipasa à la recherche de quelques âmes charitables. 
Filmé à hauteur de son personnage, Birds s’articule autour des déambulations quotidiennes de cet enfant en quête de la moindre pièce ou nourriture. Débrouillard et persuasif, il fait parfois face à des individus dont l’absence de compassion, voire le racisme, apparaît clairement à la caméra. Humble et tendre, le court-métrage, sans discours ni commentaire, affiche une volonté de rester au plus près de l’humain sans jamais verser dans le misérabilisme ou la sensiblerie. 
Sur un autre registre, le documentaire Des moutons et des hommes de Karim Sayad s’engouffre dans un univers peu exploré par le cinéma : les combats de béliers. A travers les personnages de Habib, un adolescent de 16 ans, propriétaire de «El Boq» et Samir, 42 ans, marchand de bétail, le réalisateur nous introduit dans le monde interlope de ces gladiateurs ovins et de leurs maîtres passionnés. Très vite, on se rend compte qu’il s’agit là d’une juxtaposition voulue et savamment orchestrée par le cinéaste qui fait se confondre le destin de ces moutons martyrisés pour le plaisir et celui de ces hommes traînant et projetant leurs traumatismes et leurs frustrations sur les premiers. Habib, qui a noué avec son bélier une relation à mi-chemin entre l’amour et la cruauté, apparaît alors comme un garçon mélancolique et perdu cherchant à s’accomplir à travers la vigueur et les prouesses de l’animal. Trop jeunes, trop inexpérimentés, les deux peineront, cependant, à s’imposer dans l’arène ! Quant à Samir, qui garde encore vivace le souvenir de son service militaire durant la décennie noire, il peut parcourir des centaines de kilomètres entre deux maigres transactions pour assister ou faire participer ses bêtes à des combats sanglants qui drainent un public littéralement addict à ce genre de spectacles. Karim Sayad regarde tout ce beau monde avec une empathie à toute épreuve, même lorsque certaines scènes confinant à la torture sont simplement révoltantes. La souffrance intérieure et la maigre consolation que ses personnages «bipèdes» trouvent en forçant des animaux à se battre semblent constituer sa principale préoccupation éthique et esthétique. Le calvaire des béliers pris en otage et martyrisés durant de longs mois avant d’être égorgés à l’occasion de l’Aïd el-Kebir n’a qu’une fonction allégorique du tourment des hommes, malmenés par l’Histoire et écrasés par les gouvernants. Rarement, le cinéaste concède un plan ou une séquence à ces yeux hagards, ces corps traînés, entravés, puis jetés dans l’arène pour offrir à l’homme — voire à l’enfant qui grandit dans cet univers désolant — un plaisir aussi superflu qu’immonde. On saisit alors aisément qu’il s’agit là d’une volonté de sublimer et de poétiser le triste spectacle de la victime devenue bourreau avec plus faible qu’elle. Or, dans son insistance et ses redondances, Sayad ne parvient pas à hisser son film au-delà de la laideur du spectacle, malgré quelques plans larges époustouflants et ces rares moments aériens où hommes et bêtes partagent la même misère, la même solitude. 
Sarah Haidar 

 

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder