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Rubrique Culture

Jusqu’à la fin des temps projeté à Alger Inoubliable !

Projeté mardi en avant-première à la salle El Mouggar, le premier long-métrage de Yasmine Chouikh Jusqu’à la fin des temps joint à la beauté de son écriture et de ses personnages la singularité d’une réflexion aérienne sur la mort.
Légèreté, beauté et justesse ; voici, en quelques mots, ce qui pourrait le mieux qualifier le film Jusqu’à la fin des temps écrit et réalisé par Yasmine Chouikh qui nous offre ici une œuvre atypique, à la fois apatride et ancrée dans la terre algérienne, et surtout, habitée par une liberté totale tant du point de vue scénaristique que formel.
Faire rencontrer un géant du théâtre avec une comédienne injustement confinée dans le petit écran, c’est là la première idée de génie de la cinéaste. Son histoire originale et troublante est portée en effet par Djilali Boudjemaâ, metteur en scène sulfureux et fondateur du Théâtre El Moudja de Mostaganem, et Djamila Arras, qu’on a tendance à appeler Chafika tant son nom s’est confondu avec le personnage d’un sitcom à succès des années 2000.
C’est dans un cimetière dominé par le mausolée de Sidi Boulekbour (Le saint des Tombes), que Ali le fossoyeur rencontre Djoher venue se recueillir sur la tombe de sa sœur. Nous sommes à l’Ouest du pays, mais peut-être aussi nulle part précisément : un village où la vie est rythmée par la mort, les enterrements, les pèlerinages aux tombes, les veillées funèbres mais qui transpire, paradoxalement, une joie de vivre permanente. C’est ici que Djoher, campée par une Djamila Arras inédite et majestueuse, vient, pour la première fois, visiter la tombe de sa sœur, fugueuse ayant fui les violences de son époux. Elle y rencontre Ali, un croque-mort atypique incarné par Djilali Boudjemaâ qui fait là une entrée fracassante au cinéma.
Enveloppé dans une atmosphère indéfinissable où tout semble hors-du-temps, le récit pénètre le spectateur comme une évidence alors même qu’il s’agit d’une folle histoire d’amour entre deux sexagénaires, dans un village gardé par un imam universaliste (l’excellent Mohamed Belbakriti), quelque part où les gens jouissent d’un bonheur quasi-utopique : celui du contentement et de la simplicité. Djoher est obsédée par l’idée de bien préparer sa mort ; Ali qui veille sur ceux qui sont déjà enterrés s’éprend de cette femme abîmée mais toujours capable de passion. A leurs côtés, évolue une galerie de personnages plus bouleversants les uns que les autres : Amine (Mehdi Moulay), un jeune débrouillard qui veut se lancer dans un business mortuaire ; Djeloul (Mohamed Takiret) secrètement amoureux de Nassima (Imen Noel) qui se dévoue à nourrir les pèlerins du cimetière…
Yasmine Chouikh aime ses acteurs et cela se voit immédiatement dans la façon dont la caméra se pose sur eux mais aussi dans cette direction artistique qui ne donne pas l’air d’y toucher mais que l’on devine rigoureuse et exigeante. La réalisatrice tisse une histoire aux confins de l’irréel, transcendante et généreuse mais surtout ciselée si finement et filmée avec une telle tendresse qu’elle parvient à marquer durablement l’esprit du spectateur. Celui-ci est en effet constamment pris au dépourvu par l’évolution de la trame et la respiration du film : à peine a-t-il le temps de se laisser porter par les tourments existentiels et mystiques des personnages qu’il se retrouve pris par un rire tonitruant devant des scènes et des tirades imprévisibles et renversantes avant de se voir envahi par l’émotion que Yasmine Chouikh a su distiller avec sobriété et pudeur.
On se souviendra également de cette esthétique vaporeuse et de certaines séquences où l’art du cinéma atteint son paroxysme comme lorsque la caméra, en contre-plongée, introduit le spectateur à l’intérieur d’une tombe que les fossoyeurs sont en train de fermer ; ou encore l’inoubliable scène où, bercés par une chanson de Khaled, Ali et Djoher font une balade sur une vieille moto rouillée…
Yasmine Chouikh vient de signer une œuvre qui fera certainement date dans le cinéma algérien contemporain tant elle renferme tout à la fois l’exigence d’un film d’auteur et l’accessibilité des films grand-public, sans jamais verser ni dans le snobisme ni dans la facilité. Pour ceux qui l’ont raté, Jusqu’à la fin des temps sera distribué dans les salles de l’ONCI à partir de ce 26 mars.
Sarah Haidar

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