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Rubrique Culture

Le retour d’Ideflawen Liberté sur tous les tons

Avec son nouvel album Abudali (2018), le groupe reconstitué  Ideflawen, mené par l’auteur-compositeur interprète Ali Aït Ferhat (Ali Ideflawen), figure emblématique des années 1980, signe son retour aux studios après une décennie de silence. Abudali (Le vagabond) est le titre de son dernier opus éminemment politique. 
Comme on pouvait s’y attendre, Ali Ideflawen et ses complices rendent hommage à l’inoubliable Muhand U Yehya (Abdallah Mohia), dramaturge, poète et maître des adaptations vers la langue kabyle des œuvres universelles, qui lui avaient offert ses plus beaux textes (Berrouaghia, Oui, oui misou, Muh n Muh, A Mohand  ay agheddu, etc.). C’est ensemble, en compagnie d’autres «maquisards de la chanson», qu’ils ont  façonné dans les années 1970-1980 le répertoire de la chanson kabyle engagée et subversive. Dès le premier titre écrit par le parolier du groupe Hassen Ziani, on entend la voix de Mohia lisant une de ses adaptations de Prévert (Aghrum d lmus), talonnée par celle de Ali qui évoque donc le souvenir du compagnon disparu en 2004 à seulement 54 ans, après avoir accompli une œuvre monumentale, sans doute l’une des plus imposantes de la production intellectuelle kabyle contemporaine. «Pleurez, ô ! Brobros ! Muhend U Yehya est parti», chante l’artiste qui revient également sur un autre texte de Mohia parodiant de façon cinglante le chant patriotique Ghuri yiwen Umeddakel (Le camarade) et exhumé par Ferhat Imazighen Imula en 1979. Un autre hommage est rendu à la troupe  Ikhulaf, apparue dans les années 1970, dont il reprend Iles-iw (Ma langue), qui défie la répression des puissants et promet de chanter la liberté jusqu’au dernier souffle.
 La revisite des classiques se poursuit avec la reprise de Ttir l qefs de Cheikh Hsissen, tandis que pour la chanson Abudali, les Ideflawen choisissent de l’habiller avec la mélodie de Idles Newen (Votre culture) de Ferhat Imazighen Imula (1982), dont le texte est signé par le poète amazigh libyen Saïd Sifaw. Abudali  se veut un éloge de ces personnages archétypaux de la culture orale kabyle qui suscitaient autant la curiosité que le respect tant leur style de vie désentravé et apatride incarnait un besoin absolu de liberté. Et comme la figure de la mère est omniprésente dans la chanson kabyle, le groupe ne déroge pas à la coutume, non sans l’associer à un contexte de combat politique, puisque  dans Yemmas d-mmis, un dialogue s’engage entre une mère éplorée et son enfant parti sur les routes de l’exil pour ne pas subir les pratiques liberticides des gouvernants. 
L’album se conclut sur un poème-tracté déclamé au son de la flûte, où, du vent de la révolte, fusent les gémissements des opprimés, des affamés et des exploités.   
Ce qui est également captivant avec ce nouvel album, c’est la sauvegarde du style musical épuré, sans fioritures, à la fois inspiré des mélodies kabyles anciennes et de la «contest-song» anglo-saxonne, mais possédant ce cachet original et ce «son» reconnaissable, caractéristiques du groupe depuis ses débuts. 
Sarah H.

 

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