Le coup de bill’art du Soir Lui avec lui-même

Lui, il n’est pas comme elle, elle qui quand elle lit, elle lit une revue féminine très connue. Lui, il ne lit jamais, car il n’a jamais le temps de lire.
Lui, on ne le voit jamais passer sans un téléphone portable collé à l’oreille, signe pour lui qu’il est quelqu’un de très important.
Lui, il est tellement important qu’il n’a même pas le temps de manger tranquillement. Au restaurant, il a juste le temps de commander son repas avant que son téléphone ne sonne. Avec un rire et un sourire gros comme ça, il répond très fort au «Si Flen» pour montrer aux autres qu’il est quelqu’un de très important, que tout le monde, surtout les personnalités, sollicite de partout. Les appels se suivent sans discontinuer jusqu'à la dernière cuillère et la dernière goutte de limonade. A la caisse, il paie d’une main et tient son portable collé à son oreille de l’autre. Dans le taxi, le bus ou le train, il passe aussi tout le trajet au téléphone, à palabrer.
Lui, il est tellement important que quand il rencontre des gens qu’il connaît, ils ont tout juste le temps de lui demander «ça va ?», avant que son téléphone ne sonne. Lui, signe que c’est un appel important venant de quelqu’un de très important pour une affaire très importante, a juste le temps de leur faire un signe du pouce, avant de s’éloigner.
Lui, via son téléphone, est tout le temps en train d’insulter, de donner des ordres ou de faire des reproches aux femmes, à défaut de faire des affaires avec les hommes.
Cet homme, «très important», qui n’a jamais le temps de lire, de manger tranquillement, de discuter avec les copains n’a, depuis longtemps, plus de sorties, plus de vie, plus de discussions, plus d’amis et surtout pas d’amies.
Sa vie se résume à ses numéros composés et ses appels en absence ou reçus sur son téléphone, tout le temps à ses oreilles collé.
K.  B.
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