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Rubrique Culture

Les filles du soleil projeté à Alger Quand la fiction désublime la réalité

Le Varda Film Club poursuit son programme ramadhanesque hebdomadaire. Jeudi dernier, le long métrage franco-kurde Les filles du soleil (2018), d’Eva Husson, a été projeté à la salle Cosmos de l’Office Riad El Feth. 
Comment rendre la beauté, la grandeur et la force politique des bataillons des combattantes kurdes dans le cadre d’une fiction de cinéma ? Eva Husson a relevé le défi et  choisi pour sa fiction les histoires croisées de Bahar (Golshifteh Farahani), commandante du bataillon «Les filles du soleil» (anciennes captives et esclaves sexuelles de Daesh), et de Mathilde (Emmanuelle Bercot), reporter de guerre française, éborgnée par un tir de mortier, veuve et blasée. Cette dernière est venue couvrir l’offensive des combattantes kurdes pour la reprise de la ville de Bahar ; c’est une ancienne avocate, dont le mari fut exécuté et le fils kidnappé et enrôlé de force par les islamistes armés.      Le film affiche sa couleur dès le début : raconter la guerre en Syrie à travers des regards exclusivement féminins et rendre hommage à ces femmes qui ne craignent ni la mort ni le viol et vont, en premières lignes du front, en chantant et en scandant leur sacrosainte devise : « La femme, la vie, la liberté.» 
Après avoir perdu un œil et un mari journaliste tué lors d’un reportage, Mathilde sillonne les zones de conflit pour fuir son vide intérieur. Sa rencontre avec Bahar, authentique fille du soleil ayant pris les armes après des mois de tortures et de viols chez Daesh et espérant retrouver son fils kidnappé. Eva Husson semble avoir toutes les bonnes intentions du monde et porter un discours féministe saillant sauf que, pour étoffer sa fiction, la réalisatrice tombe dans l’antithèse de sa démarche. Certes, elle opte pour le choix judicieux d’éviter les codes classiques du film de guerre, mais elle leur substitue un dispositif narratif et scénique dont les longueurs et les langueurs desservent sérieusement le sujet et, pis encore, le dépolitisent. En effet, les personnages qui peuplent le film peinent à incarner véritablement les guerrières kurdes et apparaissent, à force de stéréotypes et manque de relief psychologique, comme une simple caricature d’une réalité beaucoup plus complexe. 
Cette complexité semble avoir échappé à Husson qui abuse d’artefacts et de mélodrame comme éléments constitutifs de la psychologie strictement féminine de ses héroïnes. Ainsi, loin de toute conviction politique, ces femmes combattent par vengeance ou pour un intérêt personnel. Bahar, pourtant brillamment interprétée par Golshifteh Farahani, est réduite à une simple maman cherchant son fils dans une ville contrôlée par Daesh ; quant à Mathilde, elle oublie son veuvage sur les lignes de front, etc. 
Sur le plan formel, les flashbacks qui occupent une bonne partie du film finissent par simplifier le personnage de Bahar jusqu’à le rendre risible. Les moments de bonheur et d’amour avec son défunt mari et son fils, la joie, la communion des réunions familiales, puis la captivité, la sauvagerie et l’esclavage sexuel… Bahar, schématisée à l’excès comme ses camarades de lutte, n’est donc qu’une simple femme qui ne demandait qu’à vivre normalement avant d’être jetée dans les bras de l’horreur et de choisir les armes comme seule issue à son malheur. Ce profil réduit considérablement la portée éthique et politique du film. 
Le prochain rendez-vous du Varda Film Club est prévu pour ce jeudi, à 22h, à la salle Cosmos.
 A l’affiche, Imitation game de Morten Tyldum, un bio-pic sur le mathématicien et cryptologue anglais Alan Turing, chargé par le gouvernement britannique de percer le secret de la célèbre machine de cryptage allemande Enigma. 
Sarah H.

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