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Rubrique Culture

DES FIGUES EN AVRIL PROJETÉ À ALGER Rencontre avec une héroïne anonyme

L’Institut français d’Alger a abrité dernièrement une projection du documentaire Des figues en avril, du journaliste Nadir Dendoune, qui filme sa mère, Messaouda, personnage à la fois singulier et emblématique d’une certaine émigration algérienne.
Nadir Dendoune est à la fois journaliste, écrivain, alpiniste et réalisateur. L’enfant de Saint-Denis a toujours porté l’histoire de ses parents comme à la fois un legs culturel et un motif de fierté. Des figues en avril se veut donc un hommage et un message d’amour à une femme exceptionnelle et néanmoins semblable à des milliers d’autres mères courage. Messaouda Dendoune est arrivée en France en 1960, déjà mère de quatre enfants, à l’âge de 25 ans. Elle en aura cinq de plus, qu’elle élèvera quasiment seule pendant que son mari, Mohand, un «chibani» parmi d’autres, trimait dans les usines françaises. Face au caméra, elle racontera, en kabyle, avec les mots simples et dignes d’une paysanne à peine altérée par des années de dur labeur. A 82 ans, le regard espiègle et pénétrant, le sourire permanent, elle évoque son parcours comme on lit un roman ou comme on feuillette un album-photo. Banalisant ses sacrifices et refusant de se lamenter sur les souffrances endurées, elle nous livre un récit flamboyant, drôle et admirable tandis que son fils scrute son visage, ses moindres faits et gestes, son quotidien partagé entre le ménage, les émissions de jeu à la télé, les chansons de Slimane Azem et les visites à la maison de retraite où son mari, atteint d’Alzheimer, séjourne depuis un an. Messaouda est une combattante anonyme, une héroïne inconnue et d’autant plus époustouflante qu’elle n’en a pas conscience. Cette fille des montagnes kabyles estime en effet qu’elle n’a rien fait d’exceptionnel : élever neuf enfants dans le dénuement et la dignité, être arrachée à son milieu naturel et projetée dans un pays étranger dont elle ne maîtrise pas la langue, garder intacte sa capacité de donner de l’amour, de la tendresse et du réconfort, envelopper de pudeur altière les blessures béantes de l’exil, prendre soin seule de son mari malade durant sept ans, avant qu’elle n’accepte, finalement, de le mettre en maison de retraite... Nadir Dendoune boit les paroles de sa mère avec la dévotion et l’émerveillement d’un croyant devant son prophète. Il sait, lui, que la vie de cette femme n’a rien d’anodin, qu’elle frôle le surhumain, le sublime. C’est sans doute pour cela qu’il glisse parfois dans la surenchère, quelques mouvements de caméra et certaines redondances voulant surligner une émotion qui n’en avait guère besoin. On regrettera tout particulièrement ce traveling malvenu sur les yeux de sa mère au moment où celle-ci laisse, enfin, couler ses larmes. Des figues en avril n’en demeure pas moins un film fort et tendre, humble et tranchant, porté par un personnage romanesque, voire christique, qui donne à l’œuvre son sens et sa beauté.
Sarah H.

 

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