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Rubrique Culture

Interdiction du film sur Ben M’hidi «Sauf avis d’une commission indépendante, je ne changerai rien à mon film !»

Après plus de cinq années émaillées par plusieurs temps morts, le film biographique sur Larbi Ben M’hidi réalisé par Bachir Derraïs dont la sortie était prévue en ce mois de septembre, fait face aujourd’hui à une volonté non-dissimulée de censure. 
Le réalisateur Bachir Derraïs a fait savoir sur sa page Facebook que son film Larbi Ben M’hidi est officiellement interdit par le ministère des Moudjahidine. 
S’exprimant à travers le Centre national d’études et de recherches sur le mouvement national et la Révolution du 1er Novembre, la tutelle, coproductrice du bio-pic, lui a, en effet, adressé un courrier sans équivoque concernant le visionnage d’une copie de travail du film. Ce document fait état de plusieurs aspects et contenus à modifier, voire à supprimer, au profit d’une refonte totale de l’œuvre faisant la part belle à l’Histoire officielle. La correspondance du ministère des Moudjahidine évoque «des réserves émises par la commission de lecture et de visionnage sur plusieurs scènes du film ; lequel, étant cofinancé par l’Etat, se doit de montrer la grandeur de la Révolution algérienne et de glorifier ses héros dont Larbi Ben M’hidi». Et de trancher : «Votre société de production ne doit en aucun cas projeter ou exploiter le film jusqu’à la levée de toutes ces réserves.» Or, le courrier rendu public par Bachir Derraïs cite également un document joint qui recense toutes les scènes «incriminées», lequel n’a pas été divulgué par le réalisateur. On sait seulement, selon les déclarations de ce dernier, que le ministère exige «un remontage du film et la censure de plusieurs scènes éminemment politiques où il est notamment question de conflits internes et de dissensions au sein du FLN de l’époque». Contacté par nos soins, Bachir Derraïs affirme, en effet, que le rapport envoyé par la tutelle pesait une trentaine de pages où on l’accuse, entre autres, de porter atteinte aux symboles de la Révolution en montrant des scènes de conflit entre le clan de l’extérieur (Ben Bella) et le front intérieur (Abane, Ben M’hidi et Krim Belkacem). Et de préciser qu’en dehors de cette correspondance, on lui a verbalement reproché la langue parlée par les personnages (français ou kabyle). Le réalisateur rappelle, en outre, que la version du film visionnée par cette commission dont personne ne connaît les membres est fidèle au scénario accepté par les pouvoirs publics. Et de marteler : «Je ne changerai absolument rien à mon film. Je le ferai uniquement dans le cas où ils nommeraient une commission indépendante composée d’historiens et d’experts de renommée internationale (Harbi, Djerbal, Stora, etc.) et que ces derniers apportent la preuve de contre-vérités historiques contenues dans l’œuvre.» Le cinéaste affirme, par ailleurs, que ses avocats sont en train d’étudier les possibilités de recours afin de permettre à Ben Mhidi de voir le jour. A ce titre, il précise que le ministère des Moudjahidine a financé le film à hauteur de 29% tandis que celui de la Culture a fourni 40% du budget ; le reste «provient de ma boîte de production «Les films de la source» et de sponsors privés». Enfin, Bachir Derraïs dit être protégé par le contrat dont un article stipule que le contenu et le montage final du film sont du ressort exclusif du réalisateur. 

Des personnages humanisés et émouvants 
Pour sa part, le comédien Idir Benaïbouche qui a campé le rôle de Krim Belkacem décrit son expérience du tournage comme l’une des plus passionnantes de sa carrière : «Le volet politique était prédominant dans le film, ce qui nous a permis, nous comédiens, de construire psychologiquement nos personnages afin de restituer au mieux la dimension intellectuelle, stratégique et diplomatique de la Révolution. Ben M’hidi ainsi que les autres architectes du soulèvement étaient des éminences grises, des politiques de génie. C’est donc normal que le film ne soit pas axé sur des scènes de guerre.» L’acteur estime en outre que le film ne cède rien à la version officielle et dévoile les dissensions internes ayant prévalu au sein de l’appareil politique, notamment le conflit entre Ben M’hidi et Ben Bella, soit entre les combattants de l’intérieur et les acteurs de l’extérieur». Idir estime que les comédiens et le réalisateur étaient sur la même longueur d’onde pour «montrer de beaux personnages, humains, sensibles et émouvants». «Il y a même une scène où on voit Krim Belkacem pleurer à l’issue de la réunion des Six à la veille du déclenchement de la Révolution.» Quant à la crédibilité et à l’historicité du film, notre interlocuteur affirme que tous les comédiens ont effectué des recherches et des entretiens avec des témoins de premier plan pour mieux se familiariser avec leurs personnages :  «C’est ainsi que j’ai appris, par exemple, que Krim Belkacem ainsi qu’Ouamrane et Abane Ramdane s’exprimaient souvent en français ou en kabyle.» Benaïbouche évoque l’une des scènes les plus émouvantes du film : «On y voit Ben M’hidi terminer sa prière, allumer ensuite un disque de musique classique et prendre un livre pour bouquiner. Quelques minutes plus tard, les paras débarquent pour l’arrêter.» Enfin, une séquence du film circule depuis avant-hier sur les réseaux sociaux et dont l’auteur (probablement un membre de l’équipe de tournage) la présente comme la vraie raison de son interdiction. On y voit en effet le personnage de Larbi Ben M’hidi (campé par Khaled Benaïssa) réprimander vertement Ben Bella (incarné par Nidhal El Mellouhi) lors d’une réunion au Caire : «Cela fait deux ans que vous êtes là mais vous ne nous avez rien envoyé en armes. Tu te prends pour le chef parce que tu as pris un café avec Jamel Abdenasser ?»

Des lois liberticides
Le courrier du ministère des Moudjahidine se prévalant de la force de la loi évoque notamment le texte promulgué le 5 avril 1999 concernant le moudjahid et le chahid ainsi que la loi du 17 février 2011 sur le cinéma. Le premier stipule dans son article 57 que «le constat d’authenticité des textes et des œuvres audiovisuelles, écrits, filmés ou techniques ayant trait à la Révolution, obéit avant leur présentation ou publication à l’autorisation préalable du ministère des Moudjahidine». Tandis que la loi sur le cinéma, œuvre controversée de l’ancienne ministre de la Culture Khalida Toumi, apprête tout un arsenal pour brider la liberté de création dont l’article six conditionne la production des films relatifs à la guerre de Libération nationale et à ses symboles par l’approbation préalable du gouvernement. 
A signaler que toutes nos tentatives de joindre le ministère des Moudjahidine sont restées vaines. 
Sarah H.     

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