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Rubrique Culture

Bilan du Festival d’Oran du film arabe Sofia Djama indésirable chez elle ?

Parmi les nombreuses questions soulevées lors de la conférence de presse tenue lundi par le comité d’organisation du Festival d’Oran du film arabe, le refus de programmer Les bienheureux de Sofia Djama pose une sérieuse problématique. 
Le long-métrage de la réalisatrice algérienne Sofia Djama semble être indésirable en Algérie. Malgré son succès international et sa démarche cinématographique et artistique innovante, Les bienheureux n’a été montré au public que lors de deux projections à l’Institut français d’Alger (IFA)  en janvier dernier. 
Il y a trois semaines, une demande de visa d’exploitation a été déposée au niveau du ministère de la Culture et reste, jusqu’à l’heure, sans réponse. 
Le film a également été inscrit au Festival d’Oran du film arabe mais le comité de sélection a choisi de ne pas le retenir. Lors du point de presse destiné à faire le bilan de cette 11e édition, les membres de l’équipe d’organisation interrogés à ce propos au Forum du quotidien El Hiwar, récusent toute volonté de censure et rétorquent : «Ce film n’a pas été retenu car il n’est pas algérien ni arabe, son financement est exclusivement français. Or, c’est l’une des conditions sine qua none stipulée par le règlement intérieur du festival». Et d’expliquer que la nationalité des producteurs étant française, Les bienheureux est donc un film français. 
Plus loin, un membre du comité d’organisation précise que le long-métrage «n’a reçu aucun centime du ministère de la Culture algérien».   
Ces déclarations ont fait réagir la cinéaste sur sa page Facebook et sur un plateau d’une télévision algérienne privée ; elle déplore le manque de précision, voire les contre-vérités stipulées dans cette conférence de presse. Sofia Djama affirme en effet que le financement de son film n’est absolument pas exclusivement français puisqu’il est coproduit par la boite «Les films de la source» de droit algérien et dirigée par Bachir Derraïs ainsi que par le Doha Film Institute (Qatar) qui est une instance arabe. 
Le film a également reçu des aides algériennes privées, publiques et institutionnelles (mairie d’Alger, Etusa, HMC, ONCV, etc.). Et de pointer du doigt le sous-entendu véhiculé dans cet argument «ce film n’a reçu aucun dinar du ministère de la Culture», et y voit une obligation tacite pour les réalisateurs algériens à être adoubés par la tutelle avant de pouvoir montrer leurs films en Algérie. 
Pour rappel, Les bienheureux tourne autour d’une thématique très peu exploitée dans le cinéma algérien : le traumatisme de la décennie noire, le sentiment de défaite devant la victoire idéologique des islamistes, l’impuissance d’une certaine catégorie sociale progressiste et laïque devant le raz-de-marée de la bigoterie et de l’intolérance, etc. Certains propos, certaines scènes ne laissent pas indifférents et pourraient fortement déplaire aux tenants d’un cinéma apolitique et aseptisé. 
Sans préjuger de l’avenir, la crainte d’une volonté de censure de ce film dans les salles algériennes s’avère aujourd’hui justifiée d’autant que depuis sa sortie en France en décembre 2017, ce long-métrage a été sélectionné dans une dizaine de festivals internationaux mais n’a toujours pas rencontré son public en Algérie (excepté les deux séances largement insuffisantes de l’IFA). 
S. H.

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