A Los Angeles, ville du cinéma par excellence, les militants antiracistes de la nouvelle génération mettent à profit les compétences et techniques acquises à Hollywood pour défendre leur cause.
«Je dis à tout le monde qu'ils sont des super-héros, parce que les super-héros sont ce qui se fait de mieux dans l'humanité», dit Ciera Foster, qui incarne justement l'une de ces héroïnes dans la série web Ninjak vs. the Valiant Universe.
«On vit l'histoire, on la respire en ce moment», dit l'actrice, qui organise des manifestations contre le racisme et les brutalités policières à Los Angeles quand elle n'est pas en tournage. Comme beaucoup de ses camarades de l'industrie du divertissement, Ciera Foster, qui militait déjà depuis des années pour les droits des étudiants et des minorités, est montée au créneau après avoir vu la vidéo de George Floyd, quadragénaire noir asphyxié sous le genou d'un policier blanc en mai dernier.
Grâce à leur savoir-faire, de nombreux jeunes bénévoles créent des images «super-bien produites» des manifestations qui font fureur sur les réseaux sociaux, estime l'artiste, qui a contribué à fonder l'organisation Blac (Black Leadership Allied Coalition).
Une vidéo prise par un drone d'une marche pacifique ayant réuni plus de 20 000 personnes sur Hollywood Boulevard le mois dernier est ainsi devenue un symbole de la mobilisation à Los Angeles. «Nous avons des photographes accrochés aux ponts et aux façades des immeubles pour nous couvrir. Ils envoient ces œuvres dignes du festival de Sundance, c'est formidable», lance Ciera Foster.
«Nous sommes le changement»
De son côté, Tyson Suzuki, jeune monteur noir originaire d'Hawaï, a organisé des manifestations quotidiennes devant les bureaux du maire Eric Garcetti à Los Angeles depuis la mort de George Floyd. «Nous manifestons mais avec harmonie : Eric Garcetti, écoute ! Eric Garcetti, écoute ! Nous sommes le changement. Nous sommes le changement.» Son organisation, Active Advocate, est déterminée à manifester cent jours d'affilée. Mais voici déjà des années que le trentenaire s'est investi dans le militantisme. M. Suzuki a commencé dès l'adolescence, lorsqu'il s'est rendu compte que ses compétences en montage — perfectionnées au fil des vidéos de skate qu'il tournait — pouvaient être utiles à une campagne contre les fabricants de tabac. «Je ne suis pas devenu un militant du jour au lendemain, je suis un organisateur», assure l'artiste, qui compte beaucoup de sympathisants dans le divertissement. «Nous travaillons tous dans l'économie créative. Lorsque vous créez quelque chose, vous développez une idée, une idée nourrie par la passion. Actuellement, la passion c'est éradiquer le racisme», explique-t-il. Pour le cinéaste AJ Lovelace, 28 ans, cela signifie tout simplement «faire des films et des pièces qui ont une portée sociale», et utiliser la technologie et les réseaux sociaux pour aider les militants à toucher au plus près leur cible. «Pour maintenir l'élan, mon plan c'est de continuer à créer du contenu», dit-il. Les militants anti-racistes de Los Angeles n'utilisent pas seulement les ficelles de Hollywood, ils visent l'industrie du cinéma elle-même. Jasmyne Cannick, 42 ans, n'est pas surprise par ce mouvement étant donné le racisme sous-jacent qui règne souvent dans ce secteur. «Tous les gens qui ‘‘adorent les personnes noires’’ à Hollywood n'ont pas fait du bon travail», tranche-t-elle.
«J'ai l'impression qu'il faut que les jeunes arrivent avec cette attitude ‘‘on s'en fiche, finissons-en avec ça’’ pour arriver à un changement», dit la journaliste engagée. Pour Paris Draper, chanteuse de seulement 20 ans, c'est l'empathie qui caractérise sa génération dans la lutte pour le changement. «Nous nous différencions vraiment des générations précédentes par le fait que nous prenons le temps de nous écouter les uns les autres», estime-t-elle.
