Placeholder

Rubrique Culture

15e Festival des Raconte-arts Tiferdoud : la tentation commerciale

Au quatrième jour du festival, les impressions des visiteurs et des participants sont mitigées : autant le programme est passionnant et le paysage enchanteur, autant certaines pratiques étonnent et déçoivent les festivaliers. 
Contrairement aux quatorze autres villages ayant accueilli Raconte-arts depuis 2003, Tiferdoud, l’hôte de cette année, par ailleurs le plus haut village de Kabylie (2 000 mètres d’altitude) et élu village le plus propre en 2017, installe un péage à l’entrée du festival ! 100 DA, c’est le montant que chaque visiteur doit payer pour visiter le hameau et assister aux différentes activités. D’aucuns ont exprimé leur déception quant à cette mesure, indépendante de la volonté des organisateurs et inédite dans l’histoire du festival d’autant que le paiement est renouvelé à chaque visite dans l’absence d’un «passe» pour la semaine. Ainsi, même si vous revenez à Tiferdoud pour la troisième fois, vous devez encore payer ce ticket d’accès. Or, comparaison étant parfois raison : on se souvient des précédentes éditions où il n’était pas question de payer pour un festival dont la philosophie même s’appuie, entre autres, sur la gratuité. 
On évoque également l’hospitalité proverbiale des montagnards et le devoir ancestral d’accueillir dans les meilleures conditions tous visiteurs avec qui l’on partage tout ce dont la maison dispose. Même si la modernité n’a pas réussi à venir à bout de cette tradition, certains n’ont pu résister à la tentation de profiter de l’événement comme aubaine financière. 
En effet, c’est le comité de village de Tiferdoud qui a instauré cette «taxe de passage» : trois ou quatre de ses membres ou bien des jeunes de la localité sont installés sous un petit chapiteau à l’entrée où le visiteur se heurte par ailleurs à des barrières de sécurité ! Au-delà du prix lui-même, c’est la symbolique pour le moins antagonique avec l’esprit du festival qui est décriée.
Autre point négatif souvent relevé par les visiteurs et les participants est les prix exagérés imposés par certains commerçants du village. Cela va de la bouteille d’eau aux sandwichs en passant par les boissons et autres amuse-gueules. A la vue des 450 invités (dont beaucoup d’internationaux) et des flux incessants de visiteurs quotidiens, certains vendeurs n’ont aucun scrupule à doubler les prix, les tripler parfois ! Interpellé à ce sujet, un membre du comité de village dénonce néanmoins cette pratique et promet de la soumettre à la prochaine réunion… Tiferdoud est devenu un village réputé dans toute l’Algérie grâce au modèle d’autogestion dont les médias se sont fait le relais depuis son élection «village le plus propre de Kabylie». Cet exemple idéal de citoyenneté et d’autonomie a probablement suscité de grandes espérances chez ceux qui y venaient pour la première fois. Ce qui explique leur grande déception à la découverte d’un lieu dominé par le commerce, voire l’appât du gain. 
Cette même mentalité conduit certains habitants à se faire aider par leurs enfants face au rush et à la demande grandissante : ainsi, au lieu d’assister aux dizaines d’ateliers artistiques qui leur sont principalement destinés, beaucoup d’enfants s’improvisent vendeurs à la criée, épiciers, serveurs, vendeurs de cigarettes, voire «agents de sécurité» ! Enfin, certains éléments de la «vigilance» affichent la volonté de transformer celle-ci en police des mœurs en instaurant certaines règles «morales» concernant la mixité dans les lieux d’hébergement ainsi que la consommation d’alcool, ce qui est en flagrante contradiction avec la philosophie de Raconte-arts, festival «hippie» et areligieux par excellence.  
Fort heureusement, Tiferdoud ne se résume pas à ces désagréments. Comme dans les autres villages, de nombreux habitants offrent le gîte aux invités et essaient de donner l’image d’un hameau hospitalier et généreux. Ses espaces édéniques et ses ruelles fleuries offrent également un cadre idéal pour les artistes dont certains improvisent des spectacles de musique tandis que d’autres font parler leurs pinceaux et leurs pigments à chaque tournant. 
La 15e édition de Raconte-arts se poursuit jusqu’au 26 juillet avec au programme, des rencontres littéraires chaque matin dans l’ancienne école du village, des pièces de théâtre, projections de cinéma, ateliers multidisciplinaires, concerts en soirée, etc.
S. H. 

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder