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Rubrique Entretien

Mohamed Djaâfar, auteur de Long... est le chemin : «Je voulais faire revivre la douleur des Algériens d’être soumis»

Entretien réalisé par Mokhtar Benzaki
Mohamed Djaâfar est un auteur totalement atypique. Officier supérieur de l’armée, il trouve le temps de produire un premier roman, les Oiseaux de la nuit, qu’il mettra 20 ans à éditer. Il s’engage ensuite sur un long chemin qui l’amènera à l’écriture d’une impressionnante fresque historique intitulée Long... est le chemin, dans laquelle il veut rendre hommage à une génération d’Algériennes et d’Algériens nés à la fin du XIXe siècle et morts avant le 1er novembre 1954. Le roman, plusieurs fois retravaillé, aborde de nombreuses thématiques : l’inégalité, l’injustice, la place de la femme. Il s’explique sur tout cela dans cet entretien.

Le Soir d’Algérie : Vous venez de publier Long... est le chemin, une fresque historique de plus de 400 pages qui transporte le lecteur dans l’Algérie coloniale pendant plusieurs décennies. Mais avant de parler de votre livre, une ou deux questions sur l’auteur si vous le permettez. Vous êtes retraité du ministère de la Défense, comment êtes-vous venu à la littérature ?
Mohamed Djaâfar
: Très simplement en fait, je dirai même naturellement. J’ai toujours été entouré de livres depuis mon plus jeune âge. La lecture a été pour moi, et elle l’est toujours, un besoin essentiel.

Un refuge ?
Oui, sans doute, une évasion, beaucoup de rêves et de découvertes aussi. J’y trouve énormément de plaisir.

Quelles sont vos lectures préférées ?
Vous savez, chaque étape de la vie nous mène vers de nouveaux rivages, nous ouvre de nouveaux horizons, de nouvelle quêtes, parfois insoupçonnées, de nouvelles explorations, qui nous entraînent vers d’autres genres, d’autres auteurs, d’autres penseurs, d’autres rêveurs qui illuminent le chemin de l’humanité comme des lanternes…

Des auteurs en particulier ?
Ils sont tellement nombreux ! Chaque écrivain, chaque romancier a son style propre, son genre, sa sensibilité, ses excès et ses folies, ses centres d’intérêt et les combats qui l’animent ; ils sont si différents et pourtant ils convergent tous vers les mêmes valeurs universelles parleur sincérité, leur humilité et leur générosité aussi. Bref, tout ce qui fait leur humanité. 

Votre premier roman les Oiseaux de la nuit, paru en 2014, vous l’avez écrit plus de deux décennies plus tôt alors que vous étiez en activité. Comment avez-vous trouvé le temps ?
Vous savez, la carrière de fonctionnaire n’est jamais totalement linéaire. Il y a comme ça des moments de répit qui m’ont permis personnellement de prendre des distances avec le stress professionnel et de renouer avec la réflexion et la littérature loin des contingences du moment. C’est dans ces circonstances que les Oiseaux de la nuit a vu le jour. 
 
Revenons si vous le voulez bien à votre roman Long... est le chemin. Une longue fresque historique comme je viens de le dire qui se déroule entre le village de Webbane et Alger mais aussi en France, en Allemagne et même en Belgique. D’abord une question sur cette localité de Webbane, «née dans l’esprit de l’auteur», comme vous le précisez en quatrième de couverture. Comment avez-vous choisi ce nom et a-t-il un lien quelconque avec la réalité, avec votre ville natale par exemple ou une autre région du pays ? 
Les histoires que je raconte à Webbane sont d’une certaine manière un condensé de ce qui pouvait se passer en Algérie. J’avais donc besoin de ce lieu imaginaire, un terrain neutre en quelque sorte, pour pouvoir les raconter et donner libre cours à mon imagination. Quant au choix du nom, ce fut assez ardu je dois dire. J’ai cherché longuement, parcouru des tas de cartes sur Google, principalement de ma région d’origine, Bordj Bou-Arréridj, sans succès. Ça m’a pris tellement de temps que j’ai fini par abandonner afin de rester concentré sur l’écriture. 
Puis un jour, je me suis rappelé ce vieux cimetière totalement délaissé aux environs de Medjana. C’était ma grand-mère qui m’y avait mené il y a une trentaine d’années. On avait beaucoup cherché et gravi bien des collines pour le trouver. A l’époque déjà, il ne restait que quelques pierres tombales disséminées par le temps et des trous dans le sol, témoins des sépultures. Ma grand-mère prononçait Ouebène. Je ne pouvais pas trouver mieux. 

Vous écrivez encore en quatrième de couverture que vous vouliez rendre hommage à ces générations oubliées de l’Histoire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?
Oui, je voulais parler de ces générations d’Algériens qui, leur vie durant, n’ont rien connu d’autre que la domination, la soumission et la peur. Ils sont venus au monde asservis sous le régime du code de l’indigénat et l’ont quitté sans avoir goûté à la saveur de la liberté. Je veux parler de ces Algériennes et de ces Algériens nés vers la fin du XIXe siècle et morts avant le déclenchement de la guerre de Libération, c’est-à-dire pour les lecteurs de ma génération, nos grands-parents et arrière-grands-parents. Ceux   qui les ont précédés, même s’ils ont été vaincus, ont au moins senti l’odeur de la poudre sur les champs de bataille et savent ce que le mot liberté veut dire. Ceux qui sont venus après, c’est-à-dire leurs descendants, ceux-là se sont enivrés du parfum de liberté qui allait embraser nos montagnes.

Ce serait donc le thème central du livre ? 
Exactement. J’ai essayé de les faire revivre dans leur quotidien avec leurs espoirs, leurs souffrances et leurs renoncements, de partager avec eux leurs rêves et leurs aspirations, leurs chagrins aussi, d’essayer de «revivre» leur douleur d’être soumis… Moi qui suis farouchement libre et indépendant, je ne puis envisager la vie dans la soumission. Je me suis souvent demandé ce que j’aurais fait à leur place, comment j’aurais réagi devant les brimades et les vexations… Leur quotidien devait être insupportable. 

Vous évoquez souvent le code de l’indigénat. Peut-on dire qu’il fut une forme d’esclavage des populations autochtones ? 
Tout à fait. Promulgué en Algérie en 1881 avant d’être étendu aux autres colonies françaises à partir de 1887, c’est   un code pénal-bis comportant un arsenal juridique contraignant et répressif destiné à faire régner le «bon» ordre colonial. Ce monstre juridique, comme l’appelleront certains historiens, a institutionnalisé le principe de l’inégalité et de l’injustice. 

Quelques exemples de ces dispositions répressives ?
Les sanctions collectives et les expropriations, les déportations, le travail  forcé, l’interdiction de se réunir même pour un repas, le permis de voyager ou encore le regard irrespectueux envers un membre de l’autorité ou un simple colon. 

Vous abordez aussi de nombreuses autres thématiques. La femme par exemple est omniprésente dans votre récit. A travers des personnages-clés comme Bariza ou Louisa qui occupent une place centrale dans le roman, vous semblez révolté par la condition de la femme. 
La femme a toujours été le maillon faible de la société. Dans un environnement pauvre, ignorant et sous-développé, elle vit dans des conditions dégradantes, inhumaines. A l’époque coloniale, elle était pour ainsi dire doublement soumise : à l’ordre colonial mais aussi au mari, au père, au frère, parfois même à son propre fils. Il faudra attendre la guerre de Libération nationale à laquelle elle a activement participé pour entrevoir une émancipation timide. 

Depuis l’indépendance, la femme occupe une place de plus en plus importante dans la société. Est-elle pour autant plus libre aujourd’hui ? 
La condition féminine a connu, certes,   une évolution significative au lendemain   de l’indépendance et durant les années suivantes, mais on constate aujourd’hui une régression malheureuse due à une forte involution de la société. 

La société algérienne a reculé sur cette question ?
Totalement. C’est une régression inquiétante. La société algérienne semble vouloir tourner le dos au progrès et à la modernité pour prendre allègrement le chemin de l’ignorance en mimant certaines sociétés moyenâgeuses et rétrogrades. En fin de compte, la femme n’est jamais à l’abri : voyez comme elle est diabolisée sous nos yeux et séquestrée dans les nikabs, hidjabs et autres cache-misère au nom d’une religiosité avilissante et hypocrite.

Certaines femmes semblent pourtant convaincues du bien-fondé de cette religiosité…
Certaines, vous faites bien de le préciser. Pour ma part, je reste convaincu que la majorité subit les contraintes et les exigences d’une société machiste fondée sur les apparences, sous la pression de pseudo-musulmans, de faux dévots qui n’ont pas une once de spiritualité, encouragés par le silence complice de politiciens qui n’ont d’autre idéal dans la vie que de se maintenir au pouvoir. 

Vous abordez aussi un thème très important, celui des massacres de mai 1945. Vous écrivez, en page 252, que «même ceux qui n’étaient pas encore nés à l’époque en souffriront des générations plus tard». Vous-même, vous en souffrez ?
Comment ne pas ressentir la souffrance de ces milliers, de ces dizaines de milliers d’anonymes assassinés dans l’indifférence générale par des anciens collabos que le gouvernement de la France libre s’empressera de blanchir ? A un moment justement où le monde célébrait la fin des tyrannies et se préparait à juger les criminels. Les massacres de mai 1945 resteront une plaie profonde dans l’histoire du colonialisme français en Algérie et une douleur dans le cœur des Algériens pour longtemps encore. 

Pensez-vous, comme on l’entend régulièrement dire dans certains milieux, que la France devrait demander pardon ?
Est-ce qu’on peut vraiment pardonner de telles monstruosités ? Je n’en sais rien. Et puis, il y a tellement d’autres crimes.
Je pense que la France devrait déjà les reconnaître pour nous permettre de tourner la page car il faut absolument laisser toutes ces choses à l’Histoire et arrêter d’en faire des hantises et des épouvantails qu’on sort à point nommé pour des motifs inavouables. Les souffrances du peuple algérien ne doivent pas devenir un fonds de commerce entre les mains de petits politiciens soucieux de préserver leur situation avant tout. 
La meilleure manière d’honorer la mémoire des martyrs de mai 1945 et de toutes les autres victimes, c’est de semer les graines de la démocratie dans une Algérie de liberté et de tolérance.
En dehors de cela, c’est de la démagogie. J’ajouterai en ce qui concerne cette question de repentance qu’il me suffit personnellement de savoir qu’il existe beaucoup de Français qui partagent avec nous cette douleur. 

Vous me permettez d’enchaîner sur une question qui semble aussi vous tenir à cœur, celle des Français qui ont toujours été aux côtés du peuple algérien avant et pendant la guerre de Libération. Certains prénoms que vous donnez à vos personnages comme Fernand et Raymonde par exemple sont-ils un clin d’œil à ces «justes» comme vous les appelez ? Est-ce une manière de leur rendre hommage aussi ? 
Tout à fait ! Le choix de ces prénoms n’est pas anodin. Les deux ont choisi d’être du côté de la justice et de la liberté. Ils se sont sacrifiés pour leurs idéaux. Fernand Yveton a été guillotiné pour l’exemple et Raymonde Peschard achevée par les soldats français qui l’avaient capturée au maquis. Comment les oublier et oublier tous ceux qui se sont engagés aux côtés du peuple algérien en lutte, qui ont payé ce choix de leur vie ou de leur liberté. Oui, je veux leur rendre hommage et dire combien ils sont grands à mes yeux.

Vous estimez qu’ils n’ont pas été suffisamment honorés ?
Non seulement ils ne l’ont pas été mais on a voulu les effacer de l’historiographie officielle. C’est une grande injustice. Ils se sont levés comme un seul homme en Algérie comme en France et ailleurs en Europe ; ils étaient considérés comme des traîtres dans leur pays, dans leurs familles et nous, nous tentons sournoisement de les effacer de la mémoire collective. Quelle ingratitude !

Comment expliquez-vous cela ?
Ça me paraît évident. Ils font partie de ceux qui ont écrit l’Histoire, ils sont devenus encombrants pour ceux qui se sont   emparés du pouvoir par la force brutale   après l’indépendance. Et puis, ils étaient communistes, chrétiens ou juifs, ils devenaient gênants pour le projet arabo-islamiste dont on mesure chaque jour les   dégâts dans notre pays. Souvenez-vous  de la tentative de l’APC d’Oran de débaptiser la rue portant le nom de Fernand Yveton.

C’était en 2016. Mais revenons un peu en arrière. Âmi Tayeb, ce personnage exubérant et blagueur de votre roman ne manque aucune occasion de railler la IIIe et la IVe République. Quels reproches leur adressez-vous ? 
Vous n’êtes pas sans savoir que le régime de la IIIe et de la IVe République a duré de 1870 à 1958, soit plus de 80 ans presque sans interruption si l’on fait abstraction de la période d’occupation allemande. C’est dire que les gouvernements qui se sont succédé durant cette longue période avaient largement le temps d’introduire les réformes sociales dont ils se revendiquaient pourtant à cor et à cri. Il n’en fut rien. 
En revanche, le code de l’indigénat dont nous parlions tout à l’heure a bien été édicté sous la IIIe République et amélioré d’année en année dans le but de resserrer l’étau autour des indigènes en les accablant chaque fois de nouvelles obligations. 
Après les massacres de mai 1945, la IVe République a, certes, abrogé ce code esclavagiste mais que s’est-il passé quelques années seulement plus tard lorsque les Algériens ont osé revendiquer la liberté ? Retenons seulement que les exécutions extrajudiciaires et les guillotinages étaient monnaie courante sous la IVe République. 

En marge de ces évènements historiques que vous revisitez à travers les nombreux personnages de votre livre, il y a cette formidable histoire d’amour entre la courageuse Bariza, la rebelle, l’insoumise, et Bouzid, le jeune diplômé, le sentimental, le peintre inaccompli. Y a-t-il un lien quelconque avec la vraie vie, un vécu ? 
C’est une histoire totalement imaginaire qui offre l’avantage de sortir des sentiers battus, des conformismes et de pimenter quelque peu le récit. En même temps, placer Bariza au cœur du roman permet d’aborder des questions liées à la condition de la femme indigène et affirmer que le refus de la soumission peut être un gage de salut. 

Rita et Lahlali, deux personnages incontournables du récit, vivent eux aussi une idylle particulièrement romantique. Encore une fois, vous êtes-vous inspiré de personnages ayant réellement existé ?
C’est vrai pour Lahlali. je me suis largement inspiré d’un personnage qui a vécu jusqu’à 1967 si ma mémoire est bonne. Enfant, j’ai eu le temps de le côtoyer et de le connaître un tant soit peu. Il menait une vie d’ascète, seul, sans rien posséder sur terre, je veux dire sans maison, sans descendance, sans revenus, dans un dénuement assumé, peut-être même voulu, du moins accepté. Le dicton «Aâche ma kseb, mat ma khalla» [«a vécu sans rien posséder, est mort sans rien léguer»] s’applique merveilleusement à lui. Même sa tombe en témoigne encore aujourd’hui : un tas de terre affaissée. Tout jeune encore, je m’étais promis de la couvrir de marbre, puis, adulte, j’ai préféré la laisser telle quelle et chercher une autre façon de lui rendre hommage. Je ne sais pas si j’y suis parvenu dans ce roman. Avec le recul, je me dis qu’il fut l’incarnation même de l’homme absurde de Camus, un étranger dans la vie, seul au milieu des hommes… 

Avec ce personnage très attachant et Bariza, la femme rebelle, vous transportez le lecteur hors d’Algérie et le faites voyager dans plusieurs villes en France et en Allemagne. Le choix de ces lieux obéit-il à une logique ?
Le choix de ces villes est venu de lui-même, au fil de l’écriture, il n’y a pas d’autre logique, sauf pour Berlin que j’aime beaucoup pour y avoir passé du bon temps et que j’ai voulu revisiter pour le lecteur. Quant aux autres villes, je les ai explorées grâce à Google. Lyon, je l’ai connue après et je la trouve très belle.     

Vous êtes né pendant la guerre de Libération nationale, vous n’avez donc pas connu la période dont vous parlez. Comment vous y êtes-vous pris pour la dépeindre avec autant de précision, avec ce souci du détail jusque dans certaines locutions aujourd’hui désuètes ?  
Je me suis bien sûr inspiré des histoires entendues autour de moi depuis l’enfance ; j’ai aussi interrogé les aînés quand cela était possible mais j’ai surtout fait des recherches par internet, énormément. J’ai vérifié chaque information, le moindre détail, c’était souvent laborieux. Pour certaines descriptions, je me suis inspiré des photos d’époque que j’ai pu trouver. Il m’est souvent arrivé de rester bloqué des journées et même des semaines à cause de détails qui peuvent paraître accessoires.
 
Un exemple ?
Le prix d’un casse-croûte dans les années 1930, l’intérieur du bateau dans lequel je voulais faire voyager Lahlali et son ami Allaoua, le prix de la traversée...

La relation que vous décrivez à Webbane entre les différentes communautés, juive et musulmane notamment, semble presque idyllique. N’y avait-il pas plutôt des tensions entre les deux communautés dues en partie au décret Crémieux qui a octroyé la citoyenneté française aux Juifs algériens ?  
Il est vrai qu’on ne peut pas parler d’une harmonie parfaite entre les différentes communautés, juive et indigène en particulier. Les indigènes vivaient sous le régime du code de l’indigénat qui les considérait comme des sujets français tandis que les Juifs étaient des citoyens français à part entière au regard du décret Crémieux que vous venez de citer. Toutefois, il me semble qu’ils étaient plus proches dans la vie quotidienne compte tenu des conditions économiques quasi similaires.
Juifs et indigènes exerçaient souvent les mêmes métiers, habitaient les mêmes quartiers à l’instar de ces Français qu’on surnommait les petits Blancs parce qu’ils vivaient dans les mêmes conditions de précarité. D’une certaine manière, ils constituaient le prolétariat de l’époque pour reprendre une notion aujourd’hui démodée. Pour ce qui est de mes personnages qui évoluent dans une relation «idyllique» comme vous dites, j’avoue avoir un peu forcé le trait de la solidarité. C’est peut-être un peu utopique de ma part, mais je regrette que la diversité confessionnelle et culturelle dans laquelle ils ont toujours évolué n’ait pas survécu à l’indépendance.   

A la fin de votre livre, vos personnages, Âmi Tayeb en particulier, sont atterrés en apprenant les circonstances de la mort d’Abane Ramdane. Pourquoi avoir tenu à rappeler ces circonstances douloureuses ?   
Abane Ramdane est mort dans les conditions horribles que vous connaissez, trahi par les siens, parce qu’il incarnait l’intelligence, la compétence, le courage. Ceux qui l’ont assassiné ont inauguré le règne des exclusions brutales, des extrémismes et de la dictature. Avec lui, les petits intrigants de l’indépendance n’auraient sans doute jamais eu voix au chapitre parce qu’il les aurait confondus publiquement. Il était tout sauf un opportuniste. 
J’estime que nous lui sommes redevables pour l’exemple de droiture qu’il nous lègue. Son sacrifice doit rester vivant dans le cœur des Algériens pour les guider sur le chemin de la dignité.    

Vous évoquez aussi l’assassinat de Larbi Ben M’hidi.    
Encore un pur, étranglé lui aussi, assassiné par des officiers de l’armée française alors qu’il était leur prisonnier. Nous savons aujourd’hui grâce à son bourreau que l’ordre venait de plus haut. Il était sans doute écrit que ni Abane Ramdane ni Ben M’hidi ne pouvaient survivre dans un monde perfide. 
Alors que l’indépendance se confirme, certains personnages s’affairent à se ménager une place dans la future Algérie. Même le caïd Aïssa Ben Amar, qui s’apprête pourtant à quitter le pays, songe à un éventuel nouveau départ.

Allusion à une 5e colonne ? 
Une 5e colonne ne peut pas voir le jour et prospérer dans la transparence et la démocratie. Par contre, à l’ombre d’un Etat totalitaire, sous la férule d’un dictateur même éclairé, entouré d’intrigants, les opportunistes ont la part belle. 

Une question pratique maintenant concernant la publication de votre roman en autoédition. Vous n’avez pas trouvé d’éditeur ?
J’ai proposé le manuscrit à de nombreux éditeurs, sans succès. Mais je dois reconnaître que les refus étaient fondés. Tel que je l’avais proposé, mon texte n’était pas publiable, il avait besoin d’être retravaillé... Je me suis donc remis au travail et révisé le texte de nombreuses fois. Il a perdu en volume et gagné, je l’espère, en cohésion. Après de nouveaux refus, j’ai décidé de prendre le taureau par les cornes et de m’autoéditer.

Ce n’est pas une entreprise de tout repos, je présume, et ça a dû vous coûter une petite fortune.
En effet, et surtout beaucoup de travail. Mais j’ai énormément appris et je sais maintenant que le métier d’éditeur n’est pas de tout repos. Quant à l’argent, ce n’est qu’un moyen après tout. 

Vous avez fait imprimer le prix de vente du livre en 4e de couverture, soit 950 DA. Que représente ce montant et qu’en est-il de vos droits d’auteur ? 
Globalement, ce montant couvre les frais d’impression et la marge bénéficiaire des libraires. Je n’en tire donc aucun bénéfice. Et je fais moi-même la diffusion et la distribution pour garder le prix à ce niveau. Quant aux dépenses annexes, il n’en est même pas question. Mais là n’est pas l’important pour moi. Un livre n’existe que par ses lecteurs et je serai comblé s’ils pouvaient trouver quelque plaisir à le lire. 
M. B

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