Placeholder

Rubrique Entretien

BADR’EDDINE MILI AU SOIR D’ALGÉRIE : «Les patriotes du pouvoir d’Etat et de l’opposition doivent se parler»

Propos recueillis par Brahim Taouchichet
Badr’Eddine Mili vient de faire paraître chez Casbah Editions son nouvel essai L’opposition politique en Algérie. A la veille de sa signature le samedi 28 octobre 2017 au 22e Sila, il a bien voulu répondre aux questions du Soir d’Algérie.


Le Soir d’Algérie : L’opposition politique en Algérie que vous venez de faire éditer chez Casbah Editions intervient deux années après la publication de l’autre essai intitulé «Les Présidents algériens à l’épreuve du pouvoir». Y a-t-il un lien entre les deux ?
Badr’Eddine Mili : Les deux textes se complètent. J’ai conçu et écrit le second comme la suite du premier. Dans Les Présidents…, mon intention était de montrer, à partir d’une lecture dépassionnée de l’Histoire de l’Algérie indépendante, en quoi la construction, à la hussarde, de l’Etat national n’a pas été sans dégâts sur l’héritage de Novembre et comment le déterminisme des rapports sociaux et politiques internes et externes au pays l’a, à chaque fois, emporté sur les visions subjectives et les volontarismes des chefs d’Etat qui ont présidé aux destinées de la nation.
Dans L’opposition…, j’ai voulu rendre compte de l’importance historique d’un phénomène politique qui a de profondes racines dans la société algérienne et qui, contrairement à la diabolisation qui en a été faite, a, souvent, réussi, avec des moyens très limités, à mobiliser l’opinion et à faire infléchir les politiques gouvernementales, à des moments-clefs de la vie nationale, grâce à un militantisme de conviction et des préconisations crédibles.

Tout au long de votre étude articulée autour de deux parties Racines et Mutations, vous avez été au fond de ce que fut, par le passé, l’opposition clandestine et de ce qu’est, aujourd’hui, l’opposition légale et vous en avez tiré des bilans exhaustifs. Que peut-on en retenir ?
Si on compare les deux oppositions – historique et constitutionnelle –, on notera que la première qui a pris naissance dans les convulsions de la fin de la guerre de libération fut, largement, autonome, pugnace, bâtie sur les scissions du FLN et donc sur la réactivation d’une partie des anciennes familles politiques du Mouvement national. Ses directions furent animées par de fortes personnalités à l’aura et au capital idéologique et militant indéniables.
L’opposition légale qui s’est focalisée, dès ses débuts, sur des revendications d’essence religieuse, identitaire et de gauche fut, elle, normalisée, crescendo, noyée dans le magma d’une soixantaine de partis lancés à «la conquête du pouvoir» par une Constitution accouchée au forceps, incomplète et, très vite, sujette à des surenchères et à des interprétations transgressives dont le nombre et la gravité précipitèrent l’échec de l’expérience «démocratique» avec toutes les conséquences dramatiques — dérapages, violences, guerre insurrectionnelle — que cela entraîna au cours des années 1990.
L’opposition — quelle que fut son étiquette — ne sortit pas indemne de l’épreuve et, encore moins, de l’encadrement législatif et réglementaire très strict que le régime démocrato-sceptique lui fit subir, à marches forcées, à l’issue de la crise. La conclusion provisoire que l’on peut retenir de leurs parcours est que ni l’opposition historique ni l’opposition constitutionnelle n’ont réussi à obtenir le changement de régime qui fut leur raison d’être, alors qu’elles étaient détentrices d’atouts intellectuels indiscutables et qu’elles avaient déployé une débauche d’énergie étalée sur plusieurs décennies. J’explique, par le détail, les raisons de cet échec dû à la répression de ses principaux partis par le pouvoir d’Etat et également à certains choix stratégiques et tactiques effectués par leurs directions, au moment où à deux reprises, au moins, en 1988 et en 1991, le régime en place était au bord de la déroute.

L’opposition a tenté, quand même, de faire front et de chercher à surmonter ses divergences en œuvrant à l’unification de ses rangs…
C’est tout à fait vrai. Il faut reconnaître à cette opposition le mérite d’avoir résisté au déni d’existence et au confinement en menant des actions parfois d’envergure, afin de faire valoir ses droits constitutionnels et de débattre, librement, des grandes questions nationales. Elle ira plus loin lorsqu’elle s’employa à réunir les conditions d’un minimum de convergences entre les positions politiques et les programmes de ses composantes. L’intermède de Mazafran laissa croire, un moment, à la possibilité d’une unification de chapelles qu’en fait tout opposait, surtout idéologiquement. Sa dislocation s’accéléra sous l’effet d’une ubérisation galopante de la pratique partisane soumise à la loi de l’argent et à une dépréciation générale des valeurs démocratiques.
Mais pas que.
Quand une partie de l’opposition accepte de dépendre du pouvoir d’Etat, de l’organisation de son propre fonctionnement — certes, sans concertation de bonne foi — jusqu’à la sécurité et à l’hébergement de ses dirigeants dans les résidences officielles, il ne faut pas s’étonner de ce que le pouvoir d’Etat, maître absolu de l’initiative, lui dicte unilatéralement, et à son détriment, les règles du jeu politique.

L’Algérie — institutions, économie et société — se retrouve depuis 2014 au centre d’une crise sévère qui fait planer sur l’avenir du pays beaucoup d’incertitudes. Est-ce qu’il y a, aujourd’hui, des chances de voir le pouvoir et l’opposition se parler et réfléchir ensemble à une sortie de crise consensuelle ?
Pour le salut de la nation, les patriotes du pouvoir d’Etat et de l’opposition doivent se parler.
C’est là plus qu’un souhait. Malheureusement, l’on est en présence de thèses et de positions, en apparence, irréconciliables qui laissent dubitatifs quant à l’émergence d’un terrain d’entente. Pour deux raisons :
• Le pouvoir d’Etat ne se résigne pas — par intérêt et par instinct grégaire — à reconnaître la réalité d’une opposition qui est dans son rôle lorsqu’elle se présente comme un contradicteur libre de ses discours et de ses actes, une pratique qui relève de l’abécédaire de la démocratie.
• La plupart des partis opposants dénient au pouvoir d’Etat toute légitimité et en appellent à sa chute sans qu’on sache si celle-ci doit revêtir le caractère d’une révolution ou d’un putsh. Ils doutent, publiquement, de la régularité des processus électoraux mais presque tous y participent, en en dénonçant, juste après, les résultats, des contradictions et des préjugés que l’électorat a sanctionnés par un abstentionnisme systématique et une désaffection vis-à-vis et de l’Etat et de l’opposition à qui il a demandé, pour la énième fois, le 4 mai dernier, de revoir leur copie.
La gouvernance du pouvoir d’Etat présidentialisée, à l’excès, par une Constitution qui a verrouillé la succession, sans aucun palliatif de secours, n’arrange guère les choses. Elle les complique davantage.

Selon vous, d’où viendra le déclic susceptible de débloquer la situation ?
On ne voit pas, pour le moment, d’où il pourrait venir car, après la mise au pas de l’ex-DRS et la relative subordination de l’état-major de l’ANP à la présidence de la République, le centre du pouvoir d’Etat est redevenu unique, comme au temps du président Houari Boumediène, seul pourvoyeur aux fonctions d’autorité déléguées au pré carré des fidèles inconditionnels.
L’organisation et le fonctionnement du pouvoir d’Etat sont, ainsi, revenus, après la parenthèse de la Constitution de 1996 limitative du nombre des mandats électifs, à l’hyper-présidentialisation des années 1970 qui imposa à la société la moubayaâ et le culte de l’homme providentiel.
La situation n’est pas propre à la seule Algérie. Une trentaine d’Etats en Afrique et en Asie vivent sous des régimes présidés par des dirigeants qui comptabilisent jusqu’à 30 ans d’exercice. Barack Obama avait beau stigmatisé cet état de fait dans son discours de Kinshasa, ses injonctions ne dépassèrent pas le stade formel du vœu pieux.

Vous voulez dire que la situation actuelle que certains qualifient d’impasse est appelée à perdurer…
Probablement, à moins d’un incident intercurrent — décès, démission ou autre —, les choses resteront en l’état. Pourquoi ? Parce que :
1- Le président élu – le seul dirigeant de l’Exécutif à l’être au suffrage universel, tous les autres étant cooptés – ne pourra être mis, pratiquement, en situation d’empêchement que par lui-même.
2- L’armée que certains partis et quelques personnalités — impliquées dans la gestion passée des affaires publiques — appellent à intervenir ne pourra pas le faire, directement et explicitement, sous peine de violer la loi fondamentale et surtout de provoquer l’immixtion des puissances étrangères dans le processus de la succession ; un Rubicon qu’elle n’est pas prête à franchir – à ce stade – d’autant qu’elle est tenue en observation par les coalitions d’intérêts étrangers qui voient d’un mauvais œil sa montée en puissance dans la région. Le FFS, le RCD et le MSP ont compris la difficulté à cautionner cette piste et en ont rejeté le principe.

Logiquement donc, le seul à décider de son avenir politique c’est le président de la République…
Dans l’absolu, oui. Mais comme l’Histoire nous a appris à relativiser ce genre d’hypothèse, on ne saurait prêter force de loi aux seules intentions des chefs, fussent-ils des présidents de la République. La vie, le progrès ou la régression d’une nation ne peuvent découler de la volonté d’un seul homme. Ils dépendent de beaucoup d’autres facteurs.
Les classes de la société algérienne n’ont pas encore achevé leur cristallisation et le projet de société qui en est tributaire est suspendu à leurs luttes ouvertes ou latentes.
On ignore si l’Algérie va terminer la décennie sous le régime d’un gouvernement capitaliste ou sous celui d’un gouvernement consensuel à connotation sociale. L’issue dépendra de l’évolution des rapports de classes et de la façon dont l’actuelle crise économique et financière sera gérée. Les Algériens en perçoivent déjà, plus ou moins, les prémices, instruits par l’épreuve de force qui a opposé, l’été dernier, le gouvernement Tebboune au consortium des bourgeoisies privées.
L’épisode s’est terminé en faveur de ces dernières après que la plus haute autorité de l’Etat ait apporté sa caution à leur ambition de gouverner le pays en alliance avec la bourgeoisie bureaucratique, une alliance contractée à la veille du 4e mandat et copiée sur celle que la Russie et la Chine ont inaugurée, dans les années 1980, sous la pression de la mondialisation qui exigeait l’élargissement des bases sociales des régimes autoritaires.(*)

L’affaire Tebboune, puisque vous l’évoquez, n’a pas encore livré tous ses secrets…
La nomination puis le limogeage-éclair du Premier ministre Abdelmadjid Tebboune sont une énigme. Un ancien responsable a parlé d’erreur de casting, un argument un peu court et même spécieux.
Le plus vraisemblable est que le Premier ministre, appuyé par des cercles difficiles à identifier, a dû nourrir quelque idée «coupable» sur un possible destin national suite à la vertigineuse ascension de sa cote de popularité.
Ses voyages à l’étranger et ses entretiens avec de hauts responsables, notamment français, ont précipité sa disgrâce.
L’excommunication — la même dont furent victimes les anciens chefs de gouvernement Ali Benflis et Abdelaziz Belkhadem, qui ont caressé l’espoir de succéder à Abdelaziz Bouteflika — tomba sur lui comme un couperet.
Dans le fond, son assaut improvisé, quoique courageux, contre la bourgeoisie privée parut en décalage par rapport à l’axe d’orientation idéologique et politique retenu par le régime, depuis 2009, à mi-chemin entre un libéralisme assisté et un modèle social novembriste, une recette élevée par le pouvoir d’Etat au rang de garant de sa stabilité et de sa pérennité qu’il confond avec celles du pays.

L’équilibre et la stabilité dont vous parlez étaient possibles grâce à la manne financière dont le gouvernement disposait. La planche à billets peut-elle l’assurer aussi efficacement que par le passé ?
La situation n’est pas nouvelle. L’Algérie, sous la même direction gouvernementale qu’aujourd’hui, avait vu 500 000 travailleurs jetés à la rue et le fleuron de l’industrie algérienne, financée par l’épargne de la collectivité, voué à la casse.
Les mêmes erreurs à l’origine de cette débâcle ont été, depuis, reconduites avec les mêmes politiques archéo-keynésiennes.
Le gouvernement dont le chef n’est pas un économiste n’a pas été chercher plus loin. Il recycle le modèle économique traditionnel basé, aujourd’hui, sur l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et, demain, sur le gaz de schiste.
Le seul gouvernement à avoir dérogé à cette «constante» fut celui de Mouloud Hamrouche qui osa s’attaquer à la racine du problème en réformant, à la fois, et l’entreprise et le commerce extérieur et la monnaie.

Vous avez écrit que les messianiques qui s’identifient à la nation sont intervenus, en 1962, 1965, 1988, 1991 et 1999 pour remettre l’Etat sur la trajectoire qu’ils estimaient la plus conforme à leur vision. Ont-ils encore la capacité de le faire encore une fois… une dernière fois ?
J’ai, effectivement, écrit cela et j’ai même conclu l’essai en disant qu’il est difficile d’imaginer que les messianiques consentent à s’exclure de la sphère des décisions stratégiques, surtout celle relative à la succession présidentielle devenue un indicateur de tendance sur la nature de la perspective qu’elle ouvrira à l’amendement du système. A moins que le retour au centre unique du pouvoir les ait, temporairement, isolés.
Aussi, l’initiative paraît n’appartenir pour le moment qu’au seul Abdelaziz Bouteflika : soit il succombe à la tentation de briguer un périlleux 5e mandat parce qu’il ne souhaiterait pas quitter le pouvoir sur un bilan fortement biaisé par la grande corruption et l’imprévoyance de ses différents gouvernements ; soit il se retire devant les réticences internes et externes dissuasives et propose un président de transition — peut-être Lakhdar Brahimi, malgré son âge — que ni l’ANP, ni la bourgeoisie, ni les grandes puissances ne récuseraient.

L’opposition a-t-elle, dans cette perspective, son mot à dire ?
Son devoir lui dicte de le faire, même si sa situation n’est pas des plus enviables. Dispersée, divisée, parasitée par les gestionnaires des anciens gouvernements, elle ne sait plus à quel saint se vouer.
Le plus urgent, pour elle, serait de se reconstruire sur des bases nouvelles et de recentrer ses programmes sur les préoccupations socioéconomiques des 40 millions d’Algériens plutôt que de spéculer sur la religion et la culture, des fonds de roulement qui ont atteint leurs limites. Son salut viendra, incontestablement, d’une implantation plus forte et plus large dans le pays, une implantation qui passe par la mobilisation de la jeunesse qu’elle gagnerait à capter en lui inculquant une conscience sociale et une morale civique, le contrepoids opposable aux «modèles» d’ascension sociale, par l’argent, que la bourgeoisie lui miroite démagogiquement.
A défaut, elle risquerait d’être doublée par la société civile en nette progression parce que proche des gens qui veulent entendre un autre son de cloche.
Quant au pouvoir d’Etat, il devra se départir de ses postures de négation et de dénégation à son égard et de respecter une composante de la société politique qui a une vieille histoire et beaucoup d’expériences dans les luttes émancipatrices de la nation.
Il est obligé de la consulter, régulièrement, sur les grandes questions nationales et de l’associer, réellement, à leur débat. Il n’y a aucune honte à cela.
La Constitution l’exige. A charge pour l’opposition d’accorder ses violons et de sortir de la cacophonie des polémiques actuelles.
Peut-être qu’à force de pédagogie et de dédiabolisation, les patriotes du pouvoir d’Etat et de l’opposition parviendront à préparer, sereinement, l’accès de l’Algérie à la démocratie, à l’alternance, aux libertés… Un idéal à portée de main mais qui peut, encore, être contrarié par le déficit du pays en élites et les énormes enjeux économiques au centre desquels il se débat.
B. T.

(*) Lire notre article paru dans les colonnes du Soir d’Algérie,
le 4 mai 2016, sous le titre «La bourgeoisie peut-elle gouverner l’Algérie ?».

 

L’OPPOSITION POLITIQUE EN ALGÉRIE DE BADR’EDDINE MILI
Un état des lieux exhaustif

C’est un opus de 162 pages (de bonne qualité d’impression) qui fait suite à Les Présidents algériens à l’épreuve du pouvoir. Il se décline en deux grandes parties : Les racines et Les mutations. Du point de vue de la méthode, l’auteur a voulu inscrire sa démarche dans une rétrospective du passé de l’opposition historique dont l’existence remonte à l’émir Khaled, petit-fils de l’émir Abdelkader, qui finira par être exilé par un lobby colonial au fait de sa puissance. Le tournant décisif va avoir lieu lorsque «les élites politiques opteront pour des formes d’organisations modernes de la contestation comme les partis politiques, ce qui fit accéder la lutte pour le recouvrement de la souveraineté à un stade supérieur».
La scène politique de l’Algérie sous domination coloniale connaîtra ainsi un saut qualitatif et inscrira le mouvement national dans un processus irréversible avec comme aboutissement l’indépendance. De rivalités en ruptures, les partis politiques algériens vont s’aguerrir dans la confrontation permanente (élections…) et voir mûrir le projet de libération du pays. S’il est vrai que l’auteur ne s’attarde pas beaucoup sur cette période vu la masse d’écrit sur le sujet, par contre, ses éclairages sont utiles et pertinents. Cela est d’autant plus intéressant à signaler que l’auteur a occupé durant son activité professionnelle des postes d’observations privilégiés tant au ministère de l’Information qu’au niveau de la présidence de la République du temps de Liamine Zeroual. Pour l’auteur, «l’opposition dans sa forme achevée est manifeste sur la scène politique postindépendance» et que : «Dans sa forme clandestine autant que dans sa phase légale, elle n’a à aucun moment ni d’aucune façon, donné à penser qu’elle était artificielle, dépourvue de racines et de perspectives.» Fait majeur de l’étude, l’union sacrée contre le colonisateur volera en éclats une fois l’indépendance acquise.
Cette opposition historique connaîtra durant 30 ans les pires souffrances. Parti unique, pensée unique : «Une règle intangible qui la réduira au silence, pourchassée, exilée ; ses militants pourchassés, torturés et dans certains cas assassinés» dit l’auteur.
Bardr’Eddine Mili fait ressortir bien des noms, de figures du mouvement national, occultés jusque-là. Lors de la crise du PPA-MTLD, un dirigeant comme Hocine Lahouel, secrétaire général du comité central, aura été le premier à faire jouer la carte du redressement comme les connaissent aujourd’hui le FLN ou d’autres formations politiques ! Autre fait mis en exergue dans l’ouvrage, le plus vieux parti d’opposition serait le Parti communiste algérien(P.C.A.) et non le FFS comme réitéré fréquemment par les médias. L’auteur met un accent particulier sur ce parti qui a pris par la suite une nouvelle appellation, le PAGS (Parti de l’avant-garde socialiste). Il passe à la loupe par exemple sa stratégie de lutte postindépendance face à un pouvoir qui entendait régner seul et garder, à son seul bénéfice, les leviers du pouvoir. Le PAGS mit en pratique l’entrisme et le fameux «soutien critique» ce qui n’empêchera pas feu Houari Boumediène de le couler tout comme il a «maté» la rébellion armée menée par Aït Ahmed en Kabylie.
L’auteur nous apprend par exemple qu’au comité central du FLN, version Ben Bella, des membres du Parti communiste algérien y siégeaient et avaient presque fait de leur journal, Alger Républicain, un porte-parole du FLN ! Mieux, parmi les militants ou sympathisants du PCA, l’auteur nous apprend que l’illustre écrivain Mohamed Dib en faisait partie de même que Malek Haddad, Abdelhamid Benhadouga outre le très controversé Rachid Boudjedra…
Utiles sont aussi les rappels sur la naissance du FFS, (produit d’un sentiment d’injustice et une réponse à la marginalisation de Krim, pourtant négociateur en chef des Accords d’Evian), le PRS (Parti de la révolution socialiste) de Mohamed Boudiaf, à propos duquel on aurait souhaité de plus amples informations. Selon Mili, le FFS a raté son rendez-vous avec l’Histoire après la démission de Chadli et la grande manifestation pro-démocratique. Le FFS, selon lui, aurait eu 7 vies. «Aujourd’hui, il se pose comme une formation écoutée faisant l’effort de sortir du ghetto politique et géographique où il fut longtemps confiné», une stratégie qui ne s’est pas avérée payante comparé au FFS frondeur.
L’auteur remarque le rôle prépondérant de ces formations politiques historiques qui entreront dans une phase de déclin à la disparition de leurs leaders : c’est le syndrome Messali Hadj. Le cas le plus flagrant est celui du MDRA de Slimane Amirat – né à Paris en 1984— ; Amirat qui déclara : «Entre la démocratie et l’Algérie, je choisis l’Algérie», profession de foi vue par l’auteur comme un «suicide politique». L’opposition politique historique a toujours existé, même à titre individuel.
L’auteur rappelle la démission «retentissante de Ferhat Abbas de l’Assemblée constituante. Il sera pour cela dépouillé de tous ses biens et assigné à résidence, un homme d’Etat et un grand militant de la cause nationale et de la démocratie», écrit l’auteur. En mars 1976, il cosigne un appel avec deux autres personnalités historiques contre les dérives totalitaires et l’option socialiste de Boumediène ! En matière de bilan, le constat de Badr’Eddine Mili est sans appel : «Cette opposition n’a pas réussi à provoquer un changement du système» ; Pourquoi ? «A cause de ses évaluations erronées de l’état de la société et du pouvoir, une mauvaise stratégie et méthode d’action.»
On notera, par ailleurs, en seconde partie de l’ouvrage, une bonne monographie des partis politiques nés de la Constitution de 1989, c’est-à-dire en phase de pluralisme politique. Tous, dit l’auteur, se réclament de la proclamation du 1er Novembre 1954. Cette héritière de l’opposition au pouvoir central réussira-t-elle là où ses aînés ont échoué dans une Algérie différente de celle qu’ils ont connue ? Le challenge semble totalement autre dans une société en pleine mutation et dans un monde reconfiguré. Elle «devra complètement muer et se libérer, au contact du terrain réel…», «saisir les opportunités nombreuses pour évoluer dans un meilleur sens et franchir la mauvaise passe qu’elle traverse en ce moment».
Pour l’auteur de cet opus, l’opposition demeurera une réalité incontournable pour la conquête d’un Etat de droit fondé sur une alternance respectée par tous».
B. T.

Bardr’Eddine Mili, L’opposition politique en Algérie. 162 pages. Casbah Editions.

Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. Intempéries Quatre personnes secourues à Tizi-Ouzou

  2. Air Algérie annonce la suspension de ses vols à destination de la Jordanie et du Liban

  3. Trafic de drogue Un réseau tombe à Oran

  4. Sfisef (Sidi-Bel-Abbès) Lumière sur l’assassinat des 3 taxieurs retrouvés enterrés dans une ferme

  5. CNR Les retraités appelés à utiliser la technique de reconnaissance faciale via "Takaoudi"

  6. KFC Algérie ferme deux jours après son ouverture

Placeholder