Placeholder

Rubrique Entretien

LE PROFESSEUR ALI KAHLANE AU SOIR D’ALGÉRIE L'intelligence artificielle, une opportunité qui permettra à l'Algérie de faire le saut technologique

L'intelligence artificielle envahit notre quotidien. Elle est désormais bien loin du concept effrayant qu’elle avait autrefois. Elle est en train de nous montrer qu'elle peut rendre notre vie beaucoup plus facile. Nous avons tous constaté la popularité et l'efficacité des traductions instantanées, des compagnons vocaux ou de quelle manière Facebook l’utilise pour améliorer les résultats des campagnes publicitaires et/ou électorales.
En Algérie, 85% des utilisateurs de téléphones connectés savent depuis longtemps que leur smartphone comprend ce qu’on lui dit et reconnaît leur visage.
Des entreprises de commerce électronique algériennes nous suggèrent déjà des articles et produits à acheter bien avant que nous nous y pensions nous-mêmes. 
L’intelligence artificielle avec la puissance des algorithmes surveille notre santé avec des objets connectés, gère aussi notre sécurité en détectant bien à l’avance tout ennemi et menaces ou cybermenaces, elle peut y donner une contre-attaque bien plus vite et bien plus efficacement que celle que nous pourrions faire nous-mêmes.

Pour répondre à nos questions sur ce sujet et l’impact que cela pourrait avoir sur notre pays, Ali Kahlane, consultant en transformation et maturation numérique et ancien professeur à l’Ecole militaire polytechnique (ex-ENITA), a été sollicité pour nous éclairer sur cet aspect mystérieux de l’informatique qui relevait, il n’y pas si longtemps, de la science-fiction mais qui est en train de bouleverser nos vies à un rythme jamais égalé par aucune autre science auparavant.

Sommes-nous en train de vivre une autre  révolution avec cette accélération du développement du numérique attisée par les derniers progrès de l’intelligence artificielle ?
Ali Kahlane : Une révolution est effectivement en train de se produire sous nos yeux depuis le milieu du siècle dernier. Elle s’appuie sur la troisième révolution, celle de l’électronique et des TIC. Elle a eu un développement exponentiel, elle s’est accélérée au début des années 2000. Elle se nourrit de la convergence de toutes les technologies, en les intégrant systématiquement.
Les lignes de démarcation qui prédominaient sont en train de se brouiller et l’organisation en «silo» qui existait jusqu’à présent entre toutes les technologies est en train de disparaître. L’intelligence artificielle, puisque c’est d’elle dont il s’agit, est en train de rapprocher et de confondre de plus en plus les sphères physiques et biologiques en les conjuguant avec le tout numérique. 
En plus de l'informatique, l’IA utilise les mathématiques pour la conception de ses algorithmes, les neurosciences pour la modélisation du fonctionnement du cerveau humain et même la philosophie pour inclure l’éthique et l’humain dans ses processus. Ce sont autant de domaines et sujets de recherche pour nos universités pour peser un tant soit peu dans cette révolution.

L’ordinateur sous toutes ses formes, avec ses algorithmes, ses logiciels et un accès illimité aux données massives, serait-il en train de mimer le cerveau humain avec ses réseaux de neurones ?
Le moteur de cette intégration hors du commun est bien sûr le fait de l’ordinateur, dont la vitesse de traitement flirte avec celle de la lumière et dont les principes de fonctionnement se rapprochent effectivement de plus en plus de ceux du cerveau humain. 
Avec une différence tout de même, l’ordinateur a la capacité de faire des traitements en parallèle à l’infini sans jamais se fatiguer,  alors que l’être humain en est incapable.
Nous savons que le numérique est basé sur l'algorithmique. Des algorithmes traduits en logiciels, eux-mêmes producteurs d’autres algorithmes, qui développeront des logiciels qui seront de plus en plus performants, et ainsi de suite. 

L’ordinateur est capable de faire des calculs en parallèle à l’infini. 
L’être humain en est incapable.

Pour être encore plus proches du fonctionnement du cerveau humain, ces algorithmes sont même capables d'insérer des erreurs et simuler des bourdes pour faire plus «humain». Cet aspect de l’intelligence  artificielle est notamment mesuré par le fameux «Test de Turing», un test datant de 1951 qui n’a toujours pas dépassé les 30% de réussite. 
C’est ainsi que le Google Duplex, l’assistant vocal d’Alphabet (la maison mère de Google) a dernièrement fait une démonstration où il était pratiquement impossible de distinguer l’ordinateur de l’être humain, un échange vocal dans lequel la machine réservait une table de restaurant. Mais, comme l’a fait remarquer le CEO de Google, cela n’a marché que pour la prise de rendez-vous d’une table de restaurant. Autrement dit, la recherche en IA a encore de beaux jours devant elle. 

Pourquoi les géants du numérique, ceux qu’on désigne par les GAFA/BATX, semblent être les premiers bénéficiaires de l’intelligence artificielle ?
L’IA est en fait un vieux sujet. Elle date d’au moins 70 ans. Elle évoque encore pour de nombreux spécialistes un vague sentiment d’arrivisme et de fantasmes ce qui, bien entendu, gêne tout scientifique. Mais une seconde vie inattendue et un engouement hors du commun sont nés lorsque les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) et maintenant leurs équivalents chinois BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) s’en sont mêlés.

Les GAFA/BATX constituent et alimentent le Big Data, le véritable carburant de l’intelligence artificielle.

En l’espace de quelques années, ces géants du numérique ont accumulé des bases de données gigantesques et continuent à le faire avec une progression époustouflante et un volume astronomique. Elles constituent et alimentent le Big Data qui est en fait le véritable carburant de l’intelligence artificielle. 
Cette montée en puissance des GAFA/BATX a été rendue possible par leurs puissances de calcul, la facilité avec laquelle ils recrutent les meilleurs ingénieurs et surtout la possibilité de racheter à tour de bras toutes les start-up qui innovent dans le domaine, notamment celles qui sont versées dans les technologies qui touchent à l’IA.

Tout le monde parle du Big Data et du Cloud, mais qu’est-ce que cela représente pour l’utilisateur connecté algérien ?
Avez-vous remarqué que les téléphones de type androïd, en fait tous les smartphones en dehors des iPhone, pour fonctionner normalement et profiter de tous les avantages, notamment du fameux «Playstore», vous font systématiquement créer un compte Gmail, s’il se trouve que vous n’en avez pas un. Non seulement vous disposez de l’une des meilleures messageries du moment mais vous avec en plus un espace gratuit de 15 Go... dans le Cloud de Google. 
Et, ce n’est pas tout, vous avez aussi à votre disposition des applications de productivité personnelle qui remplacent tout ce que vous utilisez ou connaissez déjà, comme les Word, Excel, Powerpoint, Paint, Agenda, etc, sans aucune installation et gratuitement. La magie s’opère dès que votre compte gmail est opérationnel. Cerise sur le gâteau, toutes les photos que vous prenez avec votre smartphone sont stockées et «synchronisées» automatiquement dans votre Cloud et, si celles-ci ne sont pas en très haute résolution, leur stockage est aussi gratuit et ne vient pas en diminution de l’allocation de 15 Go ! 
Autrement dit, tous les utilisateurs de ces téléphones intelligents sont instantanément transformés en utilisateurs de Cloud et producteurs de données pour aller alimenter le Big Data mondial et celui de Google en particulier ! 
Pourquoi faire ? diriez-vous. Facebook, Google, Netflix et Amazon, pour ne citer que ceux-là, se servent de ces données pour analyser ce que nous aimons à partir des réseaux sociaux corroborées par les informations que nous leur donnons volontairement sur internet. 

Comment sont validées et enrichies les données qui montent au Cloud ? 
Il est admis par tout chercheur que plus il dispose de données, pour tester un prototype donné, mieux c’est pour lui. C’est ainsi que les algorithmes s’améliorent en apprenant à partir des données qui leur sont injectées. Les données massives générées par les utilisateurs des GAFA/BATX sont stockées dans le Cloud en temps réel. Tout le monde sait que lorsqu’une traduction automatique ne convient pas, il vous est demandé d’en proposer une autre que vous pensez plus pertinente, de la même manière on vous demandera de choisir des éléments d’une image dans un «Captcha», dans les deux cas vous êtes un agent bénévole des GAFA/BATX pour alimenter et améliorer la pertinence du Big Data. 

D'ici 2020 1,7 mégaoctets seraient produits chaque seconde pour chaque être humain sur la planète

Cela leur permettra de mieux vous cibler et vous profiler, pour vous «vendre» tout ce dont vous aurez besoin le moment venu. On comprend mieux la fameuse phrase des spécialistes du Net et du marketing numérique : «Lorsque c’est gratuit sur internet, c’est vous le produit !»

L'intelligence artificielle semble répondre à tout, n’y a-t-il pas un revers à cette médaille ?
Il est indéniable que les géants du numérique ont permis de stimuler son développement et sortir l’intelligence artificielle de son petit cercle de prédilection, dans la recherche fondamentale qu’elle occupait jusqu’alors. 
Demain on dira de l'intelligence artificielle ce qu'on dit maintenant du téléphone mobile : «Mais comment faisions-nous avant ?»

Par contre, cela soulève de multiples craintes et des interrogations sur notre devenir et la place que va prendre l’IA dans notre vie. Cela nous renvoie au message du film de 1968, «2001, l’Odyssée de l’espace», où l’ordinateur Hal 9000 reprend sa liberté et prend sa revanche sur l’homme. A ce titre, il n’existe pas une seule IA, il en existe plusieurs. Il y a toutes celles où il faut inclure l’intelligence collective et la dimension émotionnelle. Comme c’est déjà le cas dans la collaboration humaine avec les robots, ce qui existe depuis plusieurs années. 
Le bon sens et l’intuition doivent avoir leur place dans cette boucle. Nous sommes dans un monde où il est désormais nécessaire d’accepter que le numérique et son pendant naturel l’IA aillent de pair avec les actions de l’homme. Ils sont condamnés à s’apprivoiser l’un l’autre. 

Pensez-vous que l’Algérie est capable de prendre le virage du numérique pour faire partie beaucoup plus des faiseurs que des suiveurs ?
Il est urgent et opportun de réfléchir rapidement à l’élaboration d’une stratégie du numérique simple et pragmatique réellement transversale pour tous les secteurs. Elle doit bien sûr intégrer l’IA mais aussi toutes les technologies qui lui sont liées. 
Il faut, à tout prix, éviter un pilotage stratégique institutionnel de type top-down, tel que celui qu'utiliserait un ministère. Ce système a montré ses limites. Comme dans le secteur des TIC où la priorité a été donnée d’une manière unilatérale, aux télécommunications seules. Cela a débouché, certes, sur le déploiement heureux de plus d’une centaine de milliers de kilomètres de fibre optique. En effet, seraient-elles en or massif, à quoi pourraient bien servir des conduites ne permettant qu’un filet d’eau ? Mais quid du contenu et du développement de l’écosystème qui doit privilégier d’abord l’homme, l’amélioration de ses compétences et de ses connaissances, ses échanges avec l’Etat, ses capacités à créer de l’emploi et de la richesse avec, pour et au moyen des nouvelles technologies ? 
 La caractéristique du numérique, c’est son évolution rapide et ses ramifications hautement combinatoires qu’aucune bureaucratie au monde ne peut sérieusement suivre et encore moins sublimer. Le propre du numérique, c’est d’aller de rupture en rupture, de la «disruption», les pays qui réussissent leur développement numérique s’y sont vite adaptés en l’adoptant.

Dans le développement numérique, le pilotage ministériel, de type topdown, a montré ses limites, une pierre d’achoppement qui doit être levée au plus vite.

Il faut s’adapter non seulement à ce qui se fait de mieux dans le monde mais aussi à ce qui se fait dans le continent africain, car notre avenir économique, pour les décennies à venir, est aussi là-bas. 
Sans oublier, aussi, de prendre en charge les différences et la diversité des autres régions de notre pays. Les besoins en technologie d’une ville au nord de l’Algérie où l’urbanisation avoisine les 90% n’ont rien à voir avec ceux d’une ville du sud de l’Algérie où l’urbanisation est à moins de 10%. C’est là où le projet Algiers Smart City a tout son intérêt pour inspirer et impulser autant de projets à travers le territoire national pour toutes les villes ou villages qui s’en sentent capables.

Que pensez-vous du projet Algiers Smart City dont les desseins semblent s’annoncer fédérateurs et structurants ?
Une très bonne initiative comme on n’en voit plus beaucoup depuis longtemps. D’une manière concrète, c’est une prise de conscience de l’état des lieux de notre numérique que l’entrain qu’on lui connaissait au début des années 2010, semble avoir été ralenti surtout depuis ces trois dernières années. 
Cette initiative vient à point nommé.  Elle a été éperonnée par un membre de la diaspora qui a permis à la Wilaya d’Alger de lancer ce défi. Toute l’Algérie est concernée par ce projet dont l’autre maître mot est justement l’inclusion de tous. 
De la petite start-up à la PME/PMI en passant par les jeunes porteurs de projets, les universités, les grandes écoles et les instituts de formation, tout domaine confondu, ont tous été de la partie. Faire d’Alger la première smart-city de la région, tout cela semble se faire en bonne intelligence et, pas uniquement artificielle. Le réussir serait la preuve que le top-down ministériel est en train de vivre ses derniers moments.

Dans le domaine du numérique, le parcours entrepreneurial est jonché d'embûches bureaucratiques ou réglementaires. Il faut des autorisations pour pratiquement tout.

Les jeunes entreprises en particulier et les start-up en général ont besoin de «Quick Wins», ces projets dont le montage et les premiers résultats sont visibles en moins d’un trimestre. Ils ont un avantage certain et un avenir immédiat dans l'écosystème algérien car ils ont un grand potentiel de montée en puissance. 
Comme partout ailleurs où le numérique foisonne et fait des miracles, l’Etat ne doit être qu’un facilitateur, une aide indirecte et un promoteur de l’acte d’investir. Il ne doit pas se substituer ou supplanter ceux qui sont capables de créer de l’emploi et de la richesse, dans un domaine où les entreprises du numérique excellent. Il nous faut juste mettre à leur disposition les moyens pour construire les chaînes de valeurs indispensables au développement d’une économie outillée par le numérique et basée sur le savoir.
On sait que ce sont les entreprises qui créent les emplois et la richesse et non plus l’administration, depuis la chute de l’Union soviétique et l’échec de l’économie dirigée. 

Est-ce que libérer les énergies et promouvoir les start-up suffirait-il pour nous faire gagner ces points du PIB que permettrait le développement du numérique dans notre pays ?
Nous ne pouvons sérieusement espérer être dans les wagons de tête à l’échelle régionale, sans projeter une augmentation du nombre d’entreprises et celui des start-up et sans penser à diminuer le nombre de demandeurs d’emploi et fixer durablement dans leur pays les candidats à l’exil.
Il va nous falloir changer notre façon de traiter les technologies et le numérique en particulier tant du point de vue réglementaire que régulatoire.
Est-il nécessaire qu’il faille autant d’autorisations pour activer dans le secteur des TICs ? Il faut une autorisation pour développer des réseaux informatiques et une autre pour s’équiper de la dernière technologie. Une autorisation pour développer des logiciels, car pour en acquérir les outils, il faut accéder à des devises pour lesquelles il faut aussi une autorisation. 
Une autorisation pour monter un data center. Une autorisation pour mettre en place un Cloud et une autre pour y développer des services. Une autorisation pour monter un service Wifi Outdoor, pour ce dernier, les demandes ont été suspendues en 2017, il est ainsi interdit de facto sans qu’il ait jamais été autorisé. Une autorisation pour vendre ses services numériques à l’étranger. Une autorisation pour accéder aux fruits de son labeur, etc. Il serait plus simple de juste libérer et encourager les idées créatrices et l’innovation productrice. Il serait plus judicieux de réguler ou réglementer a posteriori, c’est comme cela que la science avance et c’est ce qui a permis à l’IA d’être ce qu’elle est actuellement.  Les lois prennent très peu compte de la spécificité du domaine des TIC où nous changeons de technologie tous les 18 mois. 
Tout projet de création, de conversion, ou de montée en puissance d'une entreprise dans ce domaine a de fortes chances de se retrouver bloqué car n'importe quelle autorisation prendrait plus ou moins ce temps-là pour être délivrée, si jamais elle l'est. 
Cela est un des nombreux points qui continue à nous pénaliser dans le classement du Doing Business malgré notre récent progrès de 9 places dans celui de 2019.
Il nous est possible de choisir d’éviter de brider l’imagination et l’innovation. Elles ne doivent souffrir d’aucune retenue et d’a priori. Cela a marché par ailleurs et avec des gains allant de 7 à 12 points du PIB supplémentaires en plus des 5 points que nous avons actuellement mais qui sont bien loin de ceux dont jouissent les pays comparables au nôtre. 

Comment intéresser les entreprises algériennes d’investir dans l’intelligence artificielle pour quel avenir industriel dans le numérique ?
Les projets relatifs à l’IA sont souvent peu coûteux en infrastructures et rapides à mettre en place. L’Algérie devrait être a priori une destination d’investissement attractive. Il faut simplement qu’elle choisisse la route de la réforme et de l’effort avec une gratification proportionnée pour ceux qui osent et qui réussissent.
Il existe des entreprises privées algériennes qui ont mis en place des laboratoires R&D en IA et IoT et ont déjà lancé des projets industriels dans le domaine.  Le rôle de l’Etat devrait les aider ne serait-ce qu’à travers des allégements fiscaux comme ceux qui permettent des crédits d’impôts recherche (CIR). 
L’Etat devrait aussi jouer son rôle non seulement en mettant à jour le cadre juridique et les facilitations fiscales mais surtout assurer la commande publique aux start-up méritantes qui auraient éclos dans le sillage d’Alger Smart City, par exemple. 
Il faut oser la promotion du mouvement des start-up et surtout l’aménagement de leur environnement. La règle devrait être de leur permettre d’avoir des idées, de les tester, de les prototyper et d’en valider les preuves du leur conception (Proof of Concept) pour passer très vite à la production. 
Participer à des évènements internationaux, avoir de la visibilité et se mesurer au monde est indispensable. C’est ainsi que l’initiative Vivatech Paris 2019, qui est le plus grand événement consacré aux start-up du monde entier, est l’endroit où il faut absolument être. C’est le «CES Las Vegas des start-up». L’Algérie, qui va être à sa cinquième participation depuis 2015, va pour la première fois avoir un stand officiel. Il faut vraiment saluer la disponibilité du ministère du Commerce et les efforts méritoires de notre ambassade à Paris. Notre pays sera représenté par au moins 20 start-up au milieu de 9 000 autres qui viennent de 125 autres pays. Il accueillera plus de 100 000 participants, 1 900 investisseurs du monde entier et près de 2 000 journalistes. 

Au-delà de l’aspect recherche et les applications purement numériques, pouvez-vous citer quelques applications de l’intelligence artificielle dans la vie de tous les jours ?
Malgré ses résultats spectaculaires, l’intelligence artificielle est encore dans un développement intensif. Elle est actuellement capable d’effectuer des tâches spécifiques, limitées mais révolutionnaires. 
Nous la trouvons dans l’assistance à la conduite en général ainsi que dans les premières voitures sans chauffeur, les voitures autonomes. Dans la prédiction telles que les prévisions météo, celles des ventes et la maintenance prédictive industrielle. Dans l’aide à la gestion des chaînes de production industrielles, les traductions et bien sûr dans les recommandations de produits dans le e-commerce. Elle classifie magistralement bien les images, elle génère automatiquement du texte, s’occupe de la gestion des ressources humaines, elle prend en charge tous les process des assurances, elle octroie ou pas de prêts bancaires. Elle sait ultimement s’occuper de tout ce qui regarde notre santé en gérant l’aspect médical au moyen de diagnostics automatiques et des analyses des radios sans oublier toute la partie pharmaceutique pour le développement de médicaments. 
L’Algérie s’est investie dans la fabrication des drones notamment pour l’agriculture et la sécurisation de nos frontières, ils disposent de systèmes embarqués gérés par l’intelligence artificielle. 

Ce ne sont là que quelques applications de l’IA qui montrent le gain en efficacité ainsi qu’en ressources que l’automatisation des process et la diminution ou disparition des tâches pénibles vont permettre à l’homme pour gagner plus de temps pour travailler autrement tout en améliorant sa qualité de vie.

Le Big Data et l’intelligence artificielle sont des spécialités très pointues, est-ce que notre pays dispose de la ressource nécessaire à leur prise en charge ?
Notre pays forme, bon an mal an, quelque 15 000 diplômés par an dans les filières où l’intelligence artificielle est au cœur du développement et de la recherche telles que les mathématiques, l’informatique, l’électronique, la robotique et les neurosciences. Par contre, il va nous falloir un peu plus de philosophes ce qui va ouvrir des débouchés pour ceux qui existent et susciter de nouvelles vocations pour tous les autres.
Tout le monde sait que les diplômés algériens sont réputés être bons en technologie et codage, pleins d’initiatives et de ressort. Ils sont aussi malheureusement très souvent candidats au départ, le plus souvent pour l’Europe et l’Amérique du Nord où ils restent rarement plus de 3 mois sans emploi.

Les étudiants en mathématiques et physique qui ne trouvent généralement des débouchés que dans l’enseignement peuvent facilement se convertir à l’IA.

Pour densifier et canaliser nos ressources et optimiser leur emploi dans les technologies de nouvelles générations,  nous pourrions tout de suite engager au moins les cinq actions suivantes: Premièrement, pour éviter  ou du moins limiter ces départs, il faut diriger les meilleurs vers les nouvelles technologies à forte valeur ajoutée pour notre pays, il nous faut très tôt sensibiliser et faire adhérer les chercheurs ainsi que les premières cohortes d’étudiants à l’intelligence artificielle. 
Deuxièmement, sachant que le temps est clef dans ce domaine, en attendant que des programmes spécifiques à l’IA voient le jour dans nos universités et grandes écoles, il existe dès maintenant sur internet d’excellents MOOCs (Massive Open Online Course) en Data Science, Deep Learning, Machine Learning et IA et bien d’autres encore. Ils sont très souvent gratuits et constituent une sérieuse alternative avec de vrais outils pédagogiques et d’accompagnement, ils sont d’une étonnante richesse.
Troisièmement, une vingtaine de nos universités disposent de supercalculateurs qu’on pourrait très vite mettre à profit et les mettre à la disposition des étudiants et chercheurs en IA. Quatrièmement, et ça serait la cinquième action proposée, en plus des entreprises et compagnies étrangères du secteur installées, certains des GAFA/BATX sont présents en Algérie, pourquoi ne pas monter de vrais partenariats avec eux et tirer profit de leur expertise ici, en Algérie ? 
Enfin, comme mentionné plus haut, des membres de la diaspora aux compétences avérées en IA ainsi que des spécialistes internationaux pourraient apporter leur contribution, non plus uniquement à travers les séminaires habituels sans lendemain, mais dans des ateliers ciblés et des programmes d’échanges pour un véritable transfert de compétences. 
Belgacem Haba, chercheur algérien basé aux USA, détenteur de près de 2 000 brevets dans les domaines de l'électronique et du numérique, a déclaré dernièrement devant des étudiants algériens que «les perspectives de l’intelligence artificielle sont immenses. Il n’y a pas un domaine où le recours à l’informatique et aux programmes algorithmiques soit impossible. Nous planchons déjà sur des produits grand public ou spécifiques qui seront commercialisés dans 10 ou 15 ans. Le domaine de la recherche est vaste et ouvert à tous». Les jeunes potentiels «Belgacem Haba», nous en avons quelques centaines de milliers car 70% de la population algérienne a moins de 35 ans, des «digital natives», des jeunes nés avec les TIC et l’internet. Le numérique, agrémenté de l’intelligence artificielle, devrait être la voie royale qui leur redonnera l’espoir et l’audace.
Notre pays a très souvent été ignoré, autrefois spolié, pour l’être encore maintenant de temps à autre, de plus en plus décrié et même stigmatisé, mais l’Algérie est en train de s’éveiller. Elle a la capacité de faire un bond appréciable en avant. Elle a des ressources, elle possède le capital intellectuel et un taux de croissance capable de très vite s’améliorer. Elle a de l’envie et tout indique qu’elle est prête pour une sorte de revanche sur le temps.
A. K.

Ali Kahlane, Ph.D en Informatique (UK)
[email protected] 
Vice-président du think tank CARE (Cercle d’action et 
de réflexion pour l’entreprise).
Membre fondateur de l’Algeria Digital Cluster (Un GIE 
de 30 entreprises du numérique).
Ancien professeur à l’Ecole militaire polytechnique (ex-Enita).

Placeholder

Multimédia

Plus

Placeholder