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Rubrique Entretien

Sofiane Charikhi, manager général de Soficlef : «Nous devons protéger notre économie»

2009 est sans aucun doute l’année de démarrage d’une entreprise dont l’expansion tend à devenir une marque de fabrique des patrons de Soficlef. C’est cette année-là qu’elle récupère le site et les bâtiments de l’ex-Société nationale d’approvisionnement et de production électronique et de l’électroménager. Du reste, l’entreprise privée, sise à Si Mustapha (53 km à l’est d’Alger), est aussi présente dans d’autres sites. La signature d’un contrat, «stratégique», dit-on, avec le géant américain Stanley Black&Decker a de quoi ravir de plaisir particuliers et professionnels, compte tenu de la qualité mondialement reconnue de son outillage électroportatif. Dans les coulisses, on nous assure qu’il a fallu batailler pour convaincre et attirer un partenaire de cette envergure, l’expérience à l’international des managers de Soficlef faisant. Sans prétendre être exhaustif dans les tenants et les aboutissants de la réussite apparente de cette dernière, de visu, l’usine de Si Mustapha peut servir d’exemple pour tout entrepreneur de par son organisation, la propreté des lieux ; bref, un environnement clean, dirions-nous. Normal, nous rétorque-t-on, puisque l’usine est certifiée ISO. Dans cet entretien, nous avons tenté de faire entrer le premier responsable dans la confidence. Et si l’abord est plutôt cordial, notre interlocuteur, toujours le sourire aux lèvres, une barbe de quelques jours, costume-cravate, nous accueille dans le calme de son vaste bureau qu’encourage la quiétude des lieux. Il s’est prêté sans détour, le propos mesuré, à nos questions pour les lecteurs du Soir d’Algérie.

Le Soir d’Algérie : Tout a commencé un certain 21 juin 1994 à El Madania (ex-Clos Salembier) avec la confection des ébauches de clefs dans un local de 7 m2. Puis tout est allé très vite : votre espace de production passe à 40 puis 150 m2. Vous vous installez à Tixeraïne et Baba Ali et enfin à Si Mustapha sur 36 000 m2. C’est beaucoup de chemin en 20 ans à peine...
Sofiane Charikhi
: Rapide ? C’est relatif car tout dépend de l’environnement, des opportunités, de la qualité du management de l’entreprise et du marché. Quand on parle de l’environnement, il s’agit de tous les accompagnements, c’est-à-dire l’Etat, les banques qui ont permis à l’entreprise de se développer.

Un contexte que vous avez mis à profit…
C’est le marché, l’exigence des clients et notre expérience à l’international qui font que notre chiffre d’affaires s’inscrit dans une courbe croissante.

Justement, dès le début, vous avez opté pour le partenariat : avec le français Faab, le fournisseur espagnol Azbe, le turc Kale kilit, les chinois et tout récemment avec le géant américain des outils électroportatifs Dewalt et Stanley Black&Decker…
Nous avons plus de 20 ans dans le négoce, depuis 1998. L‘environnement est favorisé par l’impulsion qu’insuffle l’Etat. Notre partenariat avec les Américains est motivé par le fait qu’il s’agisse d’une entreprise leader dans le monde comme pour nous en interne. Par ailleurs nous avons plus de 10 ans d’expérience dans la commercialisation des produits électroportatifs sous la marque Soficlef. Nous avons donc opté pour une société qui a un savoir-faire dans ce domaine et de plus cela entre dans notre vision stratégique de planification formalisée à moyen terme. Stratégique sur 3 et 5 ans comme pour toute entreprise de la taille de Soficlef qui a une expérience à l’international. Malheureusement, chez nous, cette culture manque. Pour nous, le partenariat ne consiste pas seulement en accords de commercialisation, mais nous y introduisons une clause de transfert de savoir-faire pour en faire profiter notre pays sachant, tout comme nous, que notre partenaire cherche avant tout à gagner des parts de marché et donc de l’argent. Nous ambitionnons aussi à travers notre démarche d’apporter de l’énergie positive dans l’environnement économique marqué par la chute du prix du pétrole, les problèmes qui en découlent et montrer qu’il y a des opportunités d’affaires pour ceux qui veulent investir dans notre pays.

Quelles sont, concrètement, les implications de cet accord avec le partenaire américain ?
Durant la première année, c’est la commercialisation des marques DeWalT et Stanley Balck&Decker, bien maîtriser le marché puis passer au montage du produit la deuxième année grâce à l’expérience et les compétences dont nous disposons et la troisième année à la production de certaines parties plastiques et le bobinage.

Vous paraissez optimiste comme dans la production des plaques d’immatriculation avec 2 millions d’unités pour le marché national, voire 20 millions à l’export où il est question de contrats de vente vers la France, la Tunisie et le Maroc ainsi qu’en direction des pays d’Afrique...
En chiffre d’affaires, c’est 350 millions de dinars pour les plaques d’immatriculation en Algérie et à l’export, c’est 10% de ce chiffre parce que c’est encore nouveau. De plus, c’est difficile de pénétrer le marché européen protégé bien que nous soyons compétitifs quant aux prix et nous n’avons pas à rougir de la qualité de nos produits. Il faut savoir que les conditions climatiques du fait des grandes chaleurs influent sur la qualité de la plaque. Les clients algériens sont exigeants.

Vous vous attaquez à une large panoplie d’outillages industriels. J’ose dire que vous témoignez là d’un solide appétit en matière d’entrepreneuriat...
Nous sommes dans 7 marchés stratégiques : les équipements, les portes et leurs accessoires... Chaque secteur a sa propre stratégie, comme je l’ai évoqué toute à l’heure, cela va des études à la planification, etc.

Vous êtes dans un marché vierge où la demande est très forte. Il en faut du courage dans la prise de risques en matière d’investissement. M. Charikhi n’a pas peur du challenge ?
On ne peut pas dire que le marché est vierge parce que la concurrence est déjà là, mais nous avons deux atouts : l’outil de production et la force de vente et cela fait que, avec notre know-how, nous sommes confiants et c’est rassurant pour nous…

C’est moins rassurant pour d’autres entrepreneurs qui se plaignent du mauvais environnement des affaires qu’ils ne manquent pas de dénoncer à chaque manifestation économique, dans les séminaires et autres colloques. Qu’en est-il à votre avis ?
Si vous parlez de la concurrence déloyale, oui ; quant au cadre législatif, c’est moins catastrophique que ce que l’on entend. Prenons l’exemple de l’IBS qui est à 19%. Dans d’autres pays, il est à 38%, au Canada à 48%. C’est avantageux pour nous car ça favorise la production et c’est une bonne chose. L’Etat prend aujourd’hui les bonnes décisions à ce sujet et on le voit. Nous sommes là dans un site…

Justement, à propos du site de Si Mustapha. En 2010 vous faites, si j’ose dire, le saut de l’ange en mettant la main sur une ancienne usine étatique. Peut-on connaître le secret de cette OPA ?
En 2009, l’usine a été mise aux enchères. On était les seuls à renchérir vu l’endroit et l’assiette du terrain. Il fallait mettre le paquet, investir… Ce n’était pas évident aussi compte tenu du prix de la concession. Au démarrage c’était 20 millions de dinars par an sur un contrat de 33 ans renouvelable et un cahier des charges à respecter. C’était avantageux et le résultat est là.

Plus d’activité, c’est plus d’espace donc du personnel qui impose une bonne gestion des ressources humaines…
Nous sommes 254 employés cette année. Il y a l’importance de l’environnement du personnel dont le salaire. Nous sommes parmi les bons payeurs. Un cadre supérieur perçoit 180 000 DA brut soit un net de 130 à 140 000 DA/mois. Toutefois, j’insiste sur l’accompagnement, c’est-à-dire la formation à travers une politique de gestion des compétences. Dans le cas où un employé ne fait pas ses preuves, nous cherchons d’abord à analyser le problème au lieu de le congédier. La politique de l’entreprise, c’est satisfaire notre collaborateur avant le client. D’ailleurs, je préfère parler de collaborateur plutôt que d’employé car pour moi c’est un partenaire stratégique qu’il faut mettre dans de bonnes conditions de travail et ainsi il sera productif.

On parle beaucoup des PMI-PME. Beaucoup de jeunes entrepreneurs se lancent comme vous mais beaucoup aussi échouent. Les écueils à éviter pour l’homme d’expérience que vous êtes ?
Je reviens toujours aux études de marché et à la planification. Nous prenons le temps qu’il faut avant de nous lancer. Tout est mis sur la balance : les forces d’un projet, les risques, la faisabilité. Si le projet est techniquement bien ficelé, il réussit. Les écueils à éviter ? J’insiste beaucoup sur les compétences, le travail de recherche et de réflexion avant de s’engager. Pour cela nous travaillons en équipe selon la méthode participative. Le DG ne dispose pas du pouvoir absolu, il ne peut à lui seul décider d’un nouvel investissement. Toute décision majeure doit être validée en conseil de direction. Nous avons l’expérience à l’international et nous travaillons beaucoup avec des consultants externes.

Si Mustapha est connue pour avoir été une région qui a beaucoup souffert du terrorisme. Comment évaluez-vous cette menace aujourd’hui sur votre personnel et votre usine ?
Le site est sécurisé. Tout à nos débuts, les gens de la ville nous ont bien accueillis.

Quel serait l’impact de votre activité sur le développement de la commune puisque telle est la finalité dans l’investissement industriel ? Pour faire simple, votre usine fait-elle vivre les gens de Si Mustapha ?
Soficlef est venue, avec dans ses plans, l’idée de faire travailler les gens d’ici et faire vivre les familles. On est bien accueilli et respecté. C’est 25% de nos effectifs mais il faut aussi signaler ceux qui viennent d’autres régions dont Boumerdès, Tizi-Ouzou, Bouira. Les gens qui viennent travailler sont attirés par l’hygiène et la sécurité en vigueur à l’usine. Nous insistons beaucoup sur le respect des normes en la matière. (NDLR : à notre arrivée un employé s’activait avec tondre le gazon). Quant à l’impact de l’usine, il n’est pas seulement sur la région mais sur le plan national, c’est notre mission, celle de Soficlef dans le domaine de son activité.

Soficlef, la clé aux problèmes…
Non, pas aux problèmes. La plaque d’immatriculation a été la réponse à une demande et cela restera. Dans le domaine de la sécurité, c’est la serrure.
Dans les deux cas nous avons changé une culture. Ainsi dans le domaine de la quincaillerie nous avons œuvré à réorganiser le marché grâce aux marques introduites et la traçabilté du produit. Résultat, les concurrents suivent notre exemple. C’est ça l’impact et c’est une bonne chose.

Soficlef fait dans le mécénat, semble-t-il ?
Oui, nous avons aménagé un accotement pour les écoliers qui fréquentaient le passage à proximité de l’usine, dangereux en période de pluie surtout, et d’autres actions sociétales.
Notre entreprise doit contribuer au bien-être de la société. D’ailleurs, nous sommes certifiés ISO qui stipule qu’il faut satisfaire les parties intéressées. Il s’agit là d’actes de civisme.
Sur un autre plan, nous soutenons par exemple la recherche scientifique à l’université de Blida, à chaque fois que l’on fait appel à nous.

Faites-vous partie d’une organisation patronale du type FCE ? Quel est votre rapport à la politique puisque le privé n’est plus ostracisé comme par le passé ?
(Rire amusé). Je préfère parler des entreprises et leur contribution dans n’importe quel pays car c’est un partenaire stratégique de l’Etat. Observons que lorsqu’un président visite un pays d’Afrique, il négocie aussi la vente des produits de son pays. Observons la guerre que se livrent Boeing et Airbus. Leurs Etats les protègent et les soutiennent dans les négociations. Qui fait avancer et émerger un pays si ce n’est ses entreprises ? Qui est le plus grand pourvoyeur d’emplois ? Ce sont les entreprises, qu’elles soient publiques ou privées, lesquelles d’ailleurs obéissent aux mêmes règles en payant les impôts et en développant les compétences.

Vous qui êtes en contact avec les partenaires étrangers, quelle est votre position sur la règle 49/51 ?
Je suis catégorique, je suis pour…

En clair ?
Elle nous est favorable. Il faut savoir négocier et ce n’est pas bloquant. On ne peut pas donner comme ça gratuitement un marché. On doit protéger nos capitaux. Je ne parle pas politique, il y a des politiciens pour ça.
Il faut protéger notre économie. Je vous cite l’exemple de la guerre que se livrent les Américains et les Canadiens qui sont pourtant des alliés. Des hommes d’affaires – des géants de l’industrie américaine – rachètent de grandes usines ou des chaînes de distribution canadiennes puis enlèvent leur marque et leur identité. Les Canadiens ont protesté contre cette façon de faire.Alors pourquoi être contre la règle 49/51? Bombardier, entreprise canadienne, est le troisième constructeur d’avions dans le monde, c’est le premier partenaire des Américains qui le taxent à 300% pour protéger les ventes de Boeing. Pour moi cette règle est une protection pour l’économie nationale.

Dans ce climat de réussite pour vous et de morosité pour d’autres entrepreneurs, quels sont vos projets d’avenir ?
Il y a ce partenariat avec Stanley Black&Decker, présent partout dans le monde. Nous n’allons pas rester seulement dans l’électroportatif et l’outillage à main puisqu’il est présent aussi dans l’électroménager et d’autres secteurs.

Vous voulez dire construire en commun une usine ?
C’est pour cela que nous parlons de contrat stratégique. Mais c’est devenu une mode que de parler de fabriquer ici. A quoi bon si cela revient plus cher ?

C’est ce que vous faites avec la Chine puisque vos produits sont fabriqués dans ce pays et importés.
Pourquoi traîner ce complexe de «made in China». La Chine construit des avions, c’est là qu’Apple construit son Iphone. Le secret c’est les compétences et les performances.
Le Chinois est productif, il fait 12 heures de travail. Que font aujourd’hui les Occidentaux ? Ils enrichissent les Chinois. Ils font les études et l’engineering et fabriquent en Chine. Dans 10 ans, les coûts en Chine ne vont pas rester en l’état, ils vont augmenter.
C’est une conjoncture. De ce point de vue, j’approuve les restrictions d’importations de certains produits décidées par le gouvernement, c’est une bonne décision pour l’économie nationale et pour nous et ceux qui ont une vision de production.

Un mot, un conseil pour les jeunes qui aimeraient suivre votre exemple de réussite ?
Pour démarrer une affaire, faire une start-up, il faut avant tout faire une étude bien ficelée, se donner le temps. Il faut être «smart» dans les moindres détails. C’est un travail d’architecte, celui qui se soucie de tout car après la réalisation est facile. Une bonne étude, c’est la garantie de la réussite.

Réussir sans «sponsors» ou parrainage est-ce jouable vu les déboires du patron de Cevital ?
Chez nous, cette histoire de sponsors n’existe pas. On paye nos impôts, on déclare nos employés. Quelqu’un qui connaît bien la législation, applique les lois de la République, travaille dans la transparence est protégé.

Soficlef Sarl, entreprise familiale ? Elle prend de plus en plus de l’envergure. Va-t-elle, comme le stipule la réglementation, changer de statut juridique et passer en SPA ou sous une autre forme ?
Oui, ce sont là des projets que je ne peux divulguer. Pour l’heure, en Sarl ça fonctionne. Mais le plus important pour nous c’est l’entité morale, j’évite de parler des personnes qui sont derrière et tout ça. La personne physique peut vivre 50 ou 80 ans mais l’entreprise est pérenne. Une société ce n’est pas le DG ou le fondateur, il y a une équipe, des compétences.

Vous êtes société Sarl, société familiale ?
On ne peut pas dire familiale mais Sarl professionnelle. Notre mode gestion s’inspire des exemples américain, canadien, japonais… pas français qu’on évite.
B. T.
[email protected]

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