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Rubrique Haltes Estivales

T'kout mon amour

T'kout, dans les Aurès, est une autre halte dans la révolution citoyenne qui a tenté pacifiquement d'abattre les murs de la grande prison bouteflikienne. Ce texte est une violente diatribe contre ce régime pourri, écrite et publiée au moment où il était dans toute sa puissance ! L'opposition est également égratignée... Chronique publiée le jeudi 3 juin 2004.
Ok ! Vous avez fini par nous convaincre ! Nous ne parlerons plus de ces terroristes qui ont enfourné des bébés et que vous avez décidé de disculper, ni de ces jeunes filles que les monstres ont violées, ni de ces familles égorgées, ni de ces douars brûlés, ni des veuves, ni des orphelins… Pourtant, sur le plan de la fraternité et du grand pardon, vous avez des leçons à recevoir du mouvement citoyen dont l’objectif est justement de se réconcilier avec son histoire et d’agir pacifiquement pour l’émancipation totale du peuple ! Votre combat est perdu d’avance, car les citoyens n’ont plus rien à perdre puisque tout, ou presque, leur a été pris ! Et lorsque le bâton et la kalachnikov deviennent les instruments de la réconciliation, cela veut dire que quelque chose est pourri dans le royaume…
Tout le monde se courbe devant les nouveaux rois et tout le monde récite les mêmes glorifications en l’honneur des sauveurs suprêmes qui auraient pu nous tromper s’ils n’avaient pas eu la faiblesse de découvrir leurs visages juste au moment où le train de l’Histoire éclairait le tunnel de la mystification ! Juste au moment où les héros se sont tus, libérés de l’horrible frayeur de la vérité, pour laisser parler les pirates de la mémoire ! Juste au moment où le sang qui coule et hurle dans les profondeurs de la conscience aurait pu rappeler, aux procureurs et aux juges, que les héros ne meurent jamais !
Mais, tant pis ! Que les prisons se remplissent de citoyens libres et que les arènes de la trahison se surchargent d’imposteurs, sous les ovations d’un peuple berné par les charlatans ! Que la vérité soit celle du mensonge, récitée par la foule des courtisans et que le mensonge soit celui des indomptables, régurgité par les couards ! Il restera l'irréductible fierté de ceux qui n’ont pas reculé devant la répression ; il restera le souvenir de ceux que les gendarmes ont grandis dans les yeux du peuple, il restera ma fière et éternelle T’kout, enfantée par les germes d’un espoir qui refuse de mourir, maquillée du rêve fou de ceux qui ont osé ce que l’on n’ose pas et de ceux qui ont cru que le Chaoui est le frère du Kabyle ! Et qu’il est aussi le frère du gars d’Adrar qui a refusé de se courber, comme l’ont fait cet indomptable oranais ou ce noble de Bab-el-Oued !
Merci, T’kout, terrible enflure dans l’Aurès de leur médiocrité, et superbe majuscule dans l’Aurès de nos convictions, suprême évocation de nos mémoires ressourcées dans l’unique et inaltérable Novembre, merci de nous rappeler que les cours ne sont pas la justice et qu’il reste encore, malgré tout, des avocats qui font honneur à votre honneur ! Merci de me tirer de la triste et monotone quiétude de ce mois qui enfle comme une bêtise pour me projeter dans la noblesse du combat des braves, pour me faire savoir que les barrages, faux ou vrais, ne servent qu’à barrer la route aux courageux ! Merci Da Belaïd Abrika d’être venu dans les terres de la Kahina pour me rappeler que nos combats se régénèrent sur les routes gardées par les puantes censures, merci de me mener là où je suis né mille fois sous le soleil millénaire des Amazighs, merci de projeter, au-delà de Timgad, l’arc-en-ciel qui mène vers Arris, capitale des rêves de Mustapha Ben Boulaïd et qu’est-ce que T’kout si ce n’est une halte sur le chemin qui conduit à l’accomplissement de ces rêves ?
Merci, Da Belaïd Abrika de nous rappeler que les élus lâches et les chefs de daïra sans gloire ne sont que des virgules raturées dans les phrases de l’Histoire ? Merci de nous donner l’occasion de rêver encore, nous qui ne rêvons plus depuis le 8 avril ! Merci de condamner les embouchures du pessimisme et d’ouvrir, sur la grande route de l’espoir, dans la Kabylie et les Aurès, ces petits chemins qui montent les collines que nous n’avons plus le droit d’oublier ! Merci de me rappeler que mon père a failli perdre sa gloire sur le front d’une guerre qui ne lui appartenait pas et qu’il en a gagné une autre en me disant que l’olive s’appelle « azzemour » et que les vaches sont de vulgaires « tafounest » ! Ah, s’il était encore vivant ! Il serait fier de ce gars qu’il ne connaît pas et qui a osé ouvrir les portes de T’kout aux flots de l’Histoire pour qu’elle y pénètre par violation du domicile de ce pauvre imbécile qui croit encore que l’on peut dompter les intrépides !
Et si tu es coincé, et si, par malheur, tu penses que le citoyen est un ventre, un simple tube digestif, et si, comble de tout, tu considères qu’il n’est plus qu’une machine nourrie par les promesses électorales, tu as une occasion de te rattraper, toi qui ne parles plus et qui ne marches plus sur les chemins ordinaires, toi qui ne sais t’adresser qu’aux télévisions et aux foules embrigadées dans les festivals électoralistes, je te donne un conseil, mon frère : va à T’kout, va dire au peuple rebelle que ta candidature n’était pas une usurpation, va leur prouver que tu étais sincère lorsque tu leur disais que la liberté était ta préoccupation et aussi ta conviction ; va, marche sur le chemin de la dignité, descends de l’avion parisien et des sentiers battus ! Retrouve ce peuple que tu as tellement attendu sur le chemin des urnes et qui n’a pas changé, lui ! Va affronter sa colère recommencée et dis-lui que tu n’as rien à voir avec ça, toi bohême des promesses électorales et papillon volatile des nuits agitées de Khalifa TV ! Tu trouveras les tiens, fiers et heureux, qui t’attendent depuis des ères pour te dire simplement : «Merci d’être venu !»
Y en a marre de ces politicards qui viennent barbouiller d’illusion les colonnes de nos journaux et faire bander nos journalistes pour de vulgaires braderies électorales ! T’kout ne doit pas interpeller simplement les journalistes et les avocats ! Elle appelle Benflis, Sadi, et peut-être même Djaballah ainsi que Louisa Hanoune, pour que la politique se réconcilie enfin avec la vérité et que les jeunes de T’kout ne se sentent pas inférieurs à ceux de Béni Douala !
Il y va de la crédibilité de cette classe politique qui ne se réveille que tous les cinq années ! Allez-y ! Dites, enfin, un mot sur T’kout ! Nous autres journalistes, animateurs du mouvement citoyen et avocats, ne pouvons plus vous remplacer durant les jours et les mois qui séparent une élection présidentielle d’une autre ! Dites aujourd’hui ce que vous aurez envie de dire en 2009 ! Sinon, taisez-vous et laissez Bouteflika ou Ouyahia, ou même Belkhadem, gravir les échelons qui mèneront, encore, à El-Mouradia.
Dites-le ou taisez-vous à jamais !
M. F.

 

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