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Rubrique Histoire

DEVOIR DE MÉMOIRE Qui se souvient des six martyrs algériens du 14 juillet 1953 ?

Alors que Paris célébrait la fête nationale dans une saine ambiance populaire et dans la joie traditionnelle, de sanglantes échauffourées se sont produites place de la Nation.
Sept personnes ont été tuées, un Français et six chahid algériens : Daoui Larbi, 29 ans de Aïn-Sefra ; Ameur Tabjadit, 26 ans de Tifna (Grande-Kabylie) ; Mouhoub Illoul, 20 ans d’Amizour (Béjaïa) ; Tahar Madjène, 26 ans de Chréa (Kabylie) ; Abdallah Bacha, 25 ans de Tazmalt (Kabylie) ; Abdelkader Draris, 31 ans de Nédroma, alors que cent vingt-six autres, dont plusieurs gravement atteintes, ont été transportées à la hâte dans les hôpitaux. C’était le 14 juillet de l’année 1953. 
Parmi les 7 morts, le chahid Daoui Larbi, tué l’emblème national en main, à la fleur de l’âge, 26 ans, célibataire, natif en 1924 à Aïn-Séfra. En 1948, il effectua un voyage en Palestine pour la cause palestienne, avant de rejoindre les rangs des nationalistes en France en 1950. Le quotidien français Le Figaro, dans sa livraison du mercredi 15 juillet 1953, rapporte à la Une : «2 000 Nord-Africains défilant devant l’état-major communiste à la place de la Nation, déclenchent une échauffourée. Pour se dégager, le service d’ordre doit faire usage de ses armes : 7 morts, 126 blessés.» 
«Sinistre bilan dont la responsabilité incombe à ceux qui, ouvertement, cherchent leurs alliés – leurs troupes de choc – parmi les adversaires avoués à la France. Et que les dirigeants communistes, qui bénéficient chez nous d’une faiblesse à laquelle il faudra bien mettre un terme, ne crient pas à la provocation policière. On les a vus évacuer en désordre leur tribune dès que déferla le premier groupe de manifestants algériens exigeant en hurlant la libération de Messali Hadj», souligne le journal dans sa première page.
Guy G. Walrand, rédacteur en chef de l’information, poursuit : «Les émeutiers qui, hier (14-7-1953), place de la Nation, ont fait couler le sang, sont les instruments trop dociles de ceux qui, pour servir une politique contraire aux intérêts de la France, n’appuient leur activité néfaste que sur l’exploitation de la colère ou du fanatisme». 
Les martyrs ont été tués d’un coup de feu, comme le constatent les Drs Paul et Baurès (extrait fait foi). La cérémonie de sépulture a été faite sous haute sécurité française, selon le rite musulman. Les cercueils étaient arrivés couverts du drapeau algérien au port d’Alger, où une cérémonie de recueillement a été organisée en leur honneur par les ouvriers du port et les militants du MTLD, avant d’être transférés vers leur ville natale. Qui s’en souvient donc ? Sans doute personne, car aucune mémoire n’est à retenir de ces figures historiques. Ni pensée dans la journée du Chahid, ni célébration de leur mort, pas une place, pas une école, ni même une ruelle n’est baptisée en leur nom. Ils restent méconnus dans l’anonymat total.

Les balles du 14 juillet 1953
Pour rappel, un film-documentaire historique Les balles du 14 juillet 1953 a été réalisé par le cinéaste Daniel Kupferstein qui a séjourné en Algérie et en France là où les faits se sont déroulés. II a rencontré les familles des six martyrs algériens, il a recueilli les témoignages des familles et des proches des disparus et des blessés lors de ces émeutes, des historiens, des archives, etc. M. Kupferstein, qui a séjourné dans ces régions à la fin du mois d’août 2012, a recueilli toutes les informations nécessaires des familles des défunts, frères, cousins et les militants PPA d’alors, et s’est rendu sur les tombes de ces victimes. Cette histoire est quasiment inconnue en France comme en Algérie. «Le film-documentaire réalisé sur ce véritable carnage, a indiqué dernièrement le cinéaste, a été projeté à travers plusieurs villes en France, notamment à Besançon, Paris 14e, Paris 15e et au Centre culturel algérien comme nous espérons sa diffusion également sur les TV algériennes. Cette histoire est quasiment inconnue. Pratiquement, personne n’est au courant de son existence. Comme si une page d’histoire avait été déchirée et mise à la poubelle, en France comme en Algérie», dira l’auteur.
Ce film est l’histoire d’une longue enquête contre l’amnésie. Enquête au jour le jour, pour retrouver des témoins, pour faire parler les historiens, pour reprendre les informations dans les journaux de l’époque, dans les archives et autres centres de documentation afin de reconstituer au mieux le déroulement de ce drame mais aussi pour comprendre comment «ce mensonge d’Etat a si bien fonctionné. Avant que les derniers témoins ne disparaissent, il est temps que l’histoire de ce massacre sorte de l’oubli», a encore indiqué le réalisateur. 
Ce que demandent leurs familles aussi, c’est le statut de chahid et la reconnaissance de l’Etat en leur offrant le mérite, la baptisation d’édifices en leurs noms, car ce sont des martyrs de la nation… algérienne, morts le drapeau algérien à la main.
Daniel Kupferstein a également édité un livre sur les mêmes circonstances intitulé Les balles du 14 juillet 1953.
B. Henine

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