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Rubrique Ici mieux que là-bas

Ali Belhadj est-il l’avenir du Hirak ?

Je sais, la question est un brin excessive mais franchement, je ne sais plus trop où on en est. Ah oui ! Le Hirak, la transition… Disons les choses simplement, peut-être même au ras des pâquerettes. Eh bien, il m’est avis que tout cela se résume à ceci : on y va avec les islamistes (Rachad, Ali Belhadj…) ou sans eux, ou même contre eux !
Sommes-nous  dans cette régression qui, en dépit des avancées considérables du mouvement de février 2019, nous ravale dans cette quadrature du cercle des années 1990 ?  Souvenons-nous ! L’importance octroyée alors au Front islamique du salut (FIS), gonflé aux hormones par les manipulations politico-policières du pouvoir nationaliste, avait fini par nous infliger cette équation impossible : on ne peut rien faire avec le FIS, on ne peut rien faire sans le FIS !
200 000 morts, des tas de traumatismes plus tard, et une atrophie politique hallucinante, sommes-nous encore condamnés à la même fatalité ? On a en effet cette funeste impression. Après la formidable mobilisation du Hirak qui a permis de dépasser, dans la paix et l’intelligence collective, les fractures idéologiques, il serait incongru de recouvrer les anciens pôles antagoniques. Les gentils « réconciliateurs », attentifs à la volonté populaire en s’alliant avec les islamistes, contre les méchants « éradicateurs », bras séculier de l’armée, déterminés à soutenir la dictature ? Trop simpliste et fallacieux !
 Nul n’a envie de revenir aux atrocités de la guerre intérieure qui a ravagé notre pays et qui a conduit à produire un autre ravage fait de déliquescence nationale et de gangrène de la corruption : 20 ans de bouteflikisme.  Ces vingt années sont en elles-mêmes une autre guerre plus pernicieuse encore puisqu’elle a non seulement d’autorité passé l’éponge sur les crimes et la tragédie, mais aussi amnistié les criminels en permettant et même en promouvant l’idéologie sur laquelle ils continuent à prospérer. De plus, le bouteflikisme a parachevé la déchéance de la noblesse du politique, ravalé au rang de « marchandise » appartenant conjointement à des responsables dans l’appareil d’État et à des affairistes véreux.
Au début du Hirak, nous avions interrogé de nombreux militants. Ils nous avaient confié que le premier vendredi, celui du 22 février 2019, la plupart d’entre eux avaient hésité à s’impliquer car ils soupçonnaient un appel des islamistes. Le texte occulte publié sur les réseaux sociaux, précisant que la marche débuterait après la prière du vendredi, ils en déduisirent qu’il s’agissait d’un appel islamiste. Ils rejoignirent le mouvement dès lors qu’ils s’aperçurent que ce n’était pas le cas. Puis, le vendredi 8 mars, dédié à la Journée de la femme, a définitivement convaincu du caractère démocratique des revendications proclamées par le Hirak.
Il y eut, en effet, pendant toutes ces semaines une rencontre des Algériens tendus vers le même objectif, celui d’un changement du système dans le respect des idéologies et des appartenances des uns et des autres. On vit les jeunes d’El Harrach, connus pour leurs sympathies plutôt  islamistes, atypiques dans la mesure où cela est teinté de pugnacité provocatrice des supporters de foot, dialoguer avec les militantes féministes opposées au code de la famille et à l’infamie de la condition de la femme telle qu’inspirée de l’islam. On vit aussi les jeunes de Belcourt et de Bab-el-Oued, ceux-là mêmes qu’avait utilisés le pouvoir de Bouteflika pour casser la marche du 14 juin  2001 du Printemps noir, répondre aux objurgations de Gaïd Salah : « Casbah, Bab-el-Oued, Imazighen ! » Puis, au fil des semaines, tant qu’il servit de levier,  le Hirak vécut dans la pluralité et le pacifisme, redonnant ses lettres de noblesse à l’Algérie dont l’image était très abîmée. Gaïd Salah, qui était favorable à un cinquième mandat de Bouteflika, essaya de rallier le Hirak entre séduction et menaces, jusqu’à la démission forcée de l’ancien Président. Mais, une fois celle-ci obtenue, il commença à réprimer car le mouvement contestait son agenda politique et notamment la présidentielle qu’il avait été contraint de reporter.
Durant toute cette période, le mouvement inventa cet état d’esprit qui allait devenir sa substance, un mouvement plus éthique que politique, sécrétant des valeurs de tolérance, d’écoute, de dialogue qui ont  fait émerger ce qu’il y a en nous de plus grand. Il n’était pas anormal qu’un tel mouvement dont rêverait tout groupe politique en panne de projet, suscite la convoitise à la fois des forces politiques partisanes et du pouvoir qui ont échoué, pour des raisons diverses qu’il s’agira de déterminer, dans leur démarche. Sans compter les calculs géostratégiques des grandes puissances.
L’autre caractéristique du mouvement, outre sa réticence à mandater des représentants,(1) c’est la capacité quasi innée à résister au défaitisme comme aux tentatives de récupération. Quand on voit à quel point Rachad, Ali Belhadj et les autres essayent de s’accaparer le mouvement par la violence tout comme par le sortilège religieux mâtiné de propagandisme de la contrainte, il y a lieu de dire stop, quitte à encourir l’étiquette bien commode d’« éradicateur », empêcheur de prier en rond. Sans être dupe des manigances du pouvoir dans le surdimensionnement de la composante islamiste du mouvement pour se donner le rôle de sauveur, il faut quand même s’interroger sur la viabilité d’un chemin commun avec un mouvement auquel appartiennent un Anouar Haddam — porte-parole des GIA qui avait revendiqué l’attentat du boulevard Colonel-Amirouche à Alger, en 1994 —, et Zitout et Dhina, ex-cadres du FIS. Quant à Ali Belhadj dont deux idées passeront à la postérité – « la démocratie c’est kofr » et « la fonction de la femme est de servir à la reproduction des croyants » —, c’est sans commentaire.
Il y a un chemin, c’est celui que montre le Hirak depuis son commencement. Il est contenu dans ce slogan qui date des années 1990, et qui souligne l’équidistance nécessaire entre le pouvoir et l’intégrisme : « Pour une Algérie, libre et démocratique .»
A. M.

1) Pourquoi le mouvement est-il si rétif à désigner des délégués ? La question suscite une curiosité légitime. Une étude sérieuse s’imposerait. Au-delà du Hirak, la défiance à l’égard du politique totalement délégitimé pousse certains mouvements de protestation contemporains, comme les gilets jaunes en France, à adopter la même attitude. S’agissant du Hirak, l’observation empirique conduit à constater que c’est le pouvoir qui, a contrario, désigne ses représentants par le biais de la répression.

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