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Rubrique Ici mieux que là-bas

Boudjima en de-lire

Dans le couloir de l’entrée de la Bibliothèque communale Muhya-Abdella, face au comptoir d’accueil, Rachid Boudjedra, discret, dédicace La dépossession et Les contrebandiers de l’histoire sur la table qui sert de stand aux éditions Frantz Fanon. La controverse qui a accueilli le livre au Salon du livre d’Alger a été amortie depuis. La méthode Boudjedra consistant en attaques au bazooka n’est pas de l’heur de tout le monde mais elle présente un avantage que l’on peut qualifier de collatéral, celui de poser des questions de fond. Et en l’occurrence, on ne peut pas nier que se pose une problématique d’une littérature postcoloniale chez les écrivains algériens, autant ceux qui vivent en Algérie qu’à l’étranger. Problématique déjà pas mal corsée en soi, d’une façon spécifique, doublée d’une réalité incontournable, celle de la définition par les grands centres éditoriaux du Centre des canons littéraires et même idéologiques en direction de la périphérie. Nous n’avons pas la chance d’avoir un intellectuel de l’envergure d’un Edward Saïd pour faire de cet inconvénient un avantage. Le problème existe mais il nécessite sans doute un débat serein et instructif, débarrassé de ces jets de haine, d’anathème, voire d’excommunication qui les caractérisent souvent chez nous.
Cette problématique a rattrapé la cinquième édition du Salon du livre de Boudjima qui a animé la petite commune de Kabylie du 19 au 21 avril. Le fait que cette rencontre qui grandit crescendo se tienne dans le week-end de commémoration du Printemps berbère de 1980 a du sens, évidemment. La coïncidence, qui n’en est pas une, avec la manifestation organisée après l’interdiction d’une conférence de Mouloud Mammeri sur la poésie kabyle ancienne vient rappeler un épisode ancien de cette problématique, le procès intenté par les intellectuels organiques du nationalisme algérien à Mouloud Mammeri en 1952 après la parution de La colline oubliée. Il aurait été, selon eux, coupable d’un déficit d’algérianisé parce qu’il l’a postulé en dehors des critères du nationalisme dominant. Parfois, on a l’impression que c’est le même procès qui continue.
Autre coïncidence calendaire, la décision prise par l’Unesco depuis 1995 de consacrer le 23 avril Journée internationale du livre et du droit d’auteur.
C’est en fonction de cette décision que le représentant de l’association d'Un livre, une vie pour l'Algérie contribue avec la dynamique et créative APC de Boudjima à faire grandir ce Salon du livre et à en faire un modèle pour les communes du pays en entier pour la réconciliation ou la simple conciliation des citoyens avec la lecture et notamment des enfants. Cette cinquième édition n’échappe pas à la règle d’une forte présence d’écoliers encadrés par leurs enseignants.
Une trentaine d’éditeurs parmi les plus importants d’Algérie (Apic, Barzakh, Du Champ Casbah, Koukou, Anep, Dalimen, Koukou, etc.) et une centaine d’auteurs se sont retrouvés pendant trois jours qui à dédicacer ses ouvrages, qui à participer à des débats et des tables rondes dans une ambiance souvent bon enfant. C’est que, dans les dimensions humaines de ce salon, il n’y a pas du tout cette émulation ou plutôt cette concurrence dans la visibilité des auteurs si caractéristiques des grands salons. Ici, il y a une forme de cordialité entre les visiteurs et les auteurs, entre les éditeurs et les organisateurs du salon, et tout ce beau monde converge vers une fraternité qui donne ce cachet particulier.
Des auteurs, des artistes. Présence de Denis Martinez et de Dominique Devigne venus avec «A peine vécues. Trois actions expérimentales en Algérie (1986-1987) sous la direction artistique de Denis Martinez» (édition Apic), un ouvrage préfacé par Nourredine Saâdi, l’auteur algérien flamboyant qui vient de nous quitter.
Voilà Habib Tengour, le romancier atypique, le poète et le passeur qui dédicace ses œuvres. Il présente aussi les ouvrages de la Collection Poèmes du Monde qu’il dirige chez Apic Editions.
Voilà Youcef Tounsi, toujours en ébullition créatrice, toujours cinglant vers un nouveau projet d’écriture, appréhendant la littérature, l’acte d’écrire et de lire dans la perspective de la fraternité. Voilà Amin Zaoui, passant en coup de vent, Amina Mekahli,Youcef Merahi, Lazhari Labter, Akli Derouaz, Lynda Koudache, proposant chacune, chacun, son style, son imaginaire, son univers à la pluralité de nos goûts. Et voici encore des essayistes, des universitaires, des historiens professionnels ou amateurs, des journalistes déposant chacun son écot dans le grand creuset de la connaissance et de l’art. Et voici aussi à un rythme intensif, les débats, les tables rondes sur les sujets les plus divers en rapport avec la pensée, l’histoire, l’écriture, la littérature, les présentations d’auteurs et de livres. Des hommages, aussi. Dont celui, plus que mérité, rendu au professeur de droit émérite, Nourredine Saâdi, ce militant du progrès social, de la démocratie, des droits de l'Homme et des culturels, cet intellectuel qui a formé tant de générations d’Algériens à aimer leur pays et à le respecter dans ses luttes et sa diversité, en dehors des dogmes et de la hargne, cet écrivain de lumière qui respire l’algérianité de la tête aux pieds.
A. M.

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