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Rubrique Ici mieux que là-bas

Carnets de la côte-ouest

1. Rencontres, découverte, émotion, partage. On croirait un guide touristique qui cause sa langue de bois pour te vendre sa came ? Et pourquoi pas ? Au niveau de haine de soi où nous nous trouvons, il n’est pas mauvais de revenir aux fondamentaux. Mieux regarder – et même désirer, pour reprendre l’exhortation de… saint Augustin, le Soukahrasien – ce qu’on a, gratter la flétrissure de la dégradation et de la saleté pour atteindre l’essentiel, le chemin de l’histoire qui nous a amenés de loin et qui nous mènera loin, en dépit des parenthèses malheureuses que nous traversons. Mieux regarder. Mieux entendre les nôtres. Moments exquis dans l’Oranie. Débat au Petit Lecteur, cette association qui promeut la lecture à Oran, – samedi 4 août – autour de Mes Cousins des Amériques. Commentaire d’un ami du cru : «Tu viens parler de tes cousins de l’Ouest américain à ceux de l’Ouest algérien ?» La salle, somme toute exiguë, était bondée, ce qui n’a pas manqué de me réjouir. Surtout s’agissant d’un samedi caniculaire. Un ami universitaire me l’a bien fait comprendre : «Non, mais tu n’a pas honte de nous faire sortir par cette chaleur !» Les auditeurs qui m’ont fait l’amitié d’être là – dont beaucoup d’amis que je ne peux tous citer ici, mais qui se reconnaîtront – sont sensibles aux anecdotes et à la dimension sociologique du voyage et de l’exil des Algériens. Beaucoup d’auditeurs, ici comme dans les autres villes d’Algérie où j’ai eu à présenter ce livre, avouent avoir un intérêt particulier pour la vie des Algériens au Canada, chacun y comptant quelqu’un de sa famille ou de son entourage. Normal. La migration est entrée dans la vie des familles algériennes plus massivement depuis le début des années 1990. Le Canada, en particulier, est devenu une partie de la géographie familiale de l’Algérien. J’ai entendu ailleurs un grand-père dire à son rejeton au téléphone : «On va à Annaba voir ta sœur, puis à Alger visiter mon frère, puis à Québec voir ton frère, et puis on rentre à Chlef chez nous.» Quelques personnes dans la salle ont eu à faire le voyage. Pour voir les enfants, les cousins, les neveux. Une dame me parle longuement, en aparté, de sa vie à Washington et de celle de ses enfants à Montréal. Et pourtant, elle est à Oran. Et elle y revient chaque fois que possible. Histoires d’immigrés. On a l’impression qu’elles se ressemblent toutes dans ce qu’elles nous disent à la fois des ressorts du voyage et des conditions du pays qui poussent à l’exil. Cependant, chaque histoire est singulière et la singularité est, comme qui dirait, exponentielle.
2. J’ai un peu honte d’avouer que je fréquente Oran depuis quasiment 1968 — (depuis 50 ans, donc !) —, et c’est la première fois que je me suis rendu à Santa-Cruz. Oui, tu as bien lu, c’est la première fois ! Pourquoi donc ? Va savoir. Visite donc de Santa-Cruz, et pas avec n’importe qui. Avec Messaoud Babadji comme guide. J’avoue aussi que ça change la vision que l’on peut avoir d’Oran. Le fort de Santa Cruz a été construit sur les monts de l’Aïdour par l’armée espagnole, pour s’opposer aux Ottomans. Le sanctuaire et la statue de la Vierge, eux, ont été érigés en 1850, pour remercier Notre Dame du Salut d’avoir mis fin à une épidémie de choléra. Surplombant Oran, ils sont le symbole de la ville, un peu comme l’est à Marseille Notre Dame de la Garde. Messaoud Babadji est avocat. Militant politique, c’est aussi au sens noble du terme, un historien amateur. Il connaît l’histoire de l’Algérie avec une précision lucide, voire critique. C’est un plaisir intellectuel de l’entendre égrener l’histoire d’El-Bahia. Par exemple, on tombe sur ce bâtiment massif, style industriel, dans le vieux quartier de Sidi-el-Houari, au pied de l’ascension vers Santa-Cruz. Il m’explique qu’il s’agit du bâtiment où est née au 19e siècle la cigarette Bastos, à la renommée mondiale.
3. Plage Bomo, à 25 km d’Oran-Ville. Le hasard veut que ce soit là que je prenne mon premier bain de mer annuel. Un vieux résident à l’année, au cuir buriné, avec qui je noue la conversation les pieds dans l’eau, me désigne un coin de plage en déplorant la détérioration des lieux et des rapports entre les Algériens marqués par la violence «normale». Il me dit que c’est à cet endroit qu’a eu lieu ce fait divers qui a beaucoup ému l’Algérie, l’assassinat d’un estivant qui, accompagné de sa famille, avait refusé le diktat d’un «parasolier» voulant lui imposer la location d’une table.
Aussi triste, l’état des plages. Mais c’est une litanie sans fin…
4. Virée, avec Messaoud, vers El-Mellah, ex-Rio Salado. La coquette cité qui se trouve à une vingtaine de kilomètres d’Aïn-Temouchent, jadis paradis du vin et des pieds-noirs, a servi de décor à une partie du roman de Yasmina Khadra, Ce que le jour doit à la nuit. Mais ce sont surtout les écrits de Messaoud Benyoucef, un syndicaliste, prof de philo et militant du Pags, décédé il y a quelques années en exil, qui m’ont donné envie de visiter son village natal.
Messaoud Benyoucef décrit comment s’est organisée la résistance du FLN dans ce village de riches viticulteurs européens souvent Algérie-française et comment a été vécu l’été 1962 à Rio Salado. Salut à toi, Messaoud, et à tous les baliseurs comme toi !
Je sens que ces carnets auront un jour ou l’autre une suite.
A. M.

 

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