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Rubrique Ici mieux que là-bas

Drapeau de Novembre

Pendant l'été 2018, l'Algérie était dans un état comateux. Les oligarques tenaient le clan Bouteflika, lequel tenait le pays. Et comme si cet état comateux n'était pas suffisamment grave en soi, on savait par les rodomontades d'Ould Abbès, et les fuites fallacieuses des responsables des partis de l'Alliance présidentielle que l'agonisant Bouteflika allait rempiler pour un 5e mandat.
C'est dans cette canicule estivale et en l'absence totale de perspective pour le pays, l'un et l'autre rendant l'air irrespirable en cet instant où la médiocrité du pouvoir déteignait sur toute la Nation privée d'espoir, que nous avons entrepris le projet d'une enquête pour Le Monde Diplomatique sur l'état de la gauche algérienne. Le but était de savoir ce qu'étaient devenus les militants de gauche des années 1970, 1980, 1990 qui connurent des heures de gloire, et de s'interroger sur l'existence d'une transmission de l'expérience et des valeurs de la gauche aux jeunes générations post-décennie noire.
Dans la grande déstructuration opérée par les choix du pouvoir de mettre l'économie algérienne à la remorque des monopoles qui dictent leur loi à la mondialisation néolibérale, il s'agissait aussi de voir s'il existait un projet de renaissance nationale qui intègre des paramètres de gauche, c'est-à-dire qui réintroduise une dimension sociale dans le développement. En cette occasion, nous avons eu le privilège d'échanger avec nombre de militants de gauche de l'ex-PAGS, du MDS, du PLD, du PST, des syndicats, des militants associatifs et des indépendants se situant eux aussi à gauche. Nous avons senti la difficulté de la conception et plus encore de la concrétisation d'un projet de gauche, celle-ci étant depuis la chute du Mur de Berlin, naufragée partout dans le monde. A cette raison, il faut ajouter les disparités dans l'établissement d'un bilan de la gauche et même, et surtout, le défaut de volonté d'affronter un bilan.
Le constat le plus revigorant a été de trouver chez beaucoup de ces militants échappés à la déprime collective, une grande vitalité et la volonté de construire fût-ce sur les décombres. 
Un aveu, cependant. Dans la pluralité des visions de ce que l'Algérie devait avoir à édifier comme projet national sur des bases de gauche, nous avons été surpris par certaines propositions qui nous avaient semblés alors anachroniques. Relues à la lumière du mouvement du 22 février, ces propositions qui nous paraissaient surprenantes s'avèrent aujourd'hui des plus justes. 
C'est là l'occasion de rendre hommage à deux militants de gauche, Messaoud Babadji d'Oran et Mustapha Ghobrini de Mostaganem, tous deux anciens militants du PAGS demeurés sur la brèche, lesquels nous avaient dit que selon eux, aucun projet de reconstruction nationale ne pouvait se faire en dehors des valeurs de Novembre.
Cette vision nous avait laissés plus que sceptiques. N'est-il pas en effet quelque peu anachronique de projeter l'édification de la gauche de demain sur la base d'une révolution d'hier ? Messaoud Babadji affirmait : «Aujourd'hui, on est comme à la veille de 1954», tandis que Mustapha Ghobrini ne concevait de refondation que « dans la perspective de la guerre de Libération. On ne peut sortir de cette trajectoire historique. »
Le mouvement qui a démarré le 22 février leur a donné complètement raison puisqu'il a puisé dans la nécessité de réhabiliter les symboles et les valeurs de Novembre, à commencer par le drapeau pour le symbole, et pour les valeurs, par la détermination patriotique à reconquérir la possibilité d'agir sur son destin, la réaffirmation de sa dignité et même d'une certaine manière le recouvrement d'une indépendance confisquée.
ça ne veut pas dire que nos autres interlocuteurs n’étaient pas pertinents. Mais pressentir que l’enjeu en était à réhabiliter Novembre confisqué par les camarillas au pouvoir depuis l’indépendance, c’était risqué et gagné !
La leçon du mouvement du 22 février est là, dans ce besoin de réappropriation de Novembre spolié, dénaturé, perverti. 
Le sens ne trompe pas : le fait que Djamila Bouhired soit adoptée comme une icône, les retrouvailles avec Abane Ramdane, Larbi Ben M’hidi, Didouche Mourad, et les vrais héros qu’on a essayé de gommer, sont autant de traceurs qui montrent cette volonté de retourner à la source, souillée et de la nettoyer.
Il y a quelques mois, alors que le pays était ravagé par l’affairisme des oligarques, la corruption salissant tout, jetant le désespoir, personne n’aurait pu penser que le réveil se fera avec une référence aussi puissante et quasiment inaltérée à la proclamation du 1er Novembre 1954. Et pourtant ! Personne n’aurait non plus pu prédire qu’au quatorzième vendredi de protestation contre le système, le 24 mai, la police en vienne à confisquer, comme s’il s’agissait d’un objet honni, le drapeau de Novembre  aux manifestants. Terrible ! 
Et en plus, ce sont ces manifestants à qui on arrache l’emblème national qui sont fustigés par le chef d’état-major de manquer de nationalisme et de patriotisme. Quelque part quelque chose cloche !
A. M.

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