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Rubrique Ici mieux que là-bas

Écologie décoloniale, la suite

Les partisans de la colonisation, et ils sont encore actifs, mettent sur le compte des indépendances tout dysfonctionnement social et politique. A l’inverse, on aurait tendance comme ça à tout coller à la colonisation. Dès que quelque chose cloche, pour se dédouaner de sa propre responsabilité, on l’attribue à ce phénomène qui est, par ailleurs, un véritable viol de souveraineté aux effets durables. Pourtant, les stigmates de la colonisation se nichent parfois là où on est loin d’imaginer qu’ils puissent être. Par exemple, et c’est sérieux, quelle est la responsabilité des systèmes coloniaux dans la… crise climatique ? On croirait à un anachronisme. Ce n’en est pas un. C’est même l’objet de recherches solennelles.
On pourrait aussi subodorer que la réponse à cette question se résume à un haussement d’épaules. Ce n’est pas le cas.
Un copieux dossier paru dans le quotidien Le Monde (24 janvier 2020) sous le titre «Aux origines coloniales de la crise écologique», rappelle certaines vérités amères et fondées.
On y évoque une tribune contre le réchauffement climatique publiée le 9 novembre 2019, signée, entre autres, par Greta Thunberg, la jeune militante écologique  suédoise, qui avance, à propos de la crise climatique, que « les systèmes coloniaux racistes et patriarcaux l’ont créée et alimentée ».
Cette idée en apparence déplacée reprend pourtant l’un des arguments avancés par l’écologie décoloniale selon laquelle le dérèglement climatique serait lié à l’histoire esclavagiste et coloniale. L’argument est précis, il se base sur l’idée selon laquelle «  le capitalisme s’est structuré sur une économie extractive et des monocultures intensives qui ont détruit la biodiversité ».
Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, cette analyse révolutionnaire n’est pas inédite. Dans les années 1970 déjà,  des chercheurs afro-américains avaient osé établir un rapport de causalité entre la colonisation et la question écologique.
Récemment en France, pays à la longue et coriace tradition coloniale,  des chercheurs ont établi le lien entre la traite négrière, la conquête et l’exploitation des colonies et une façon destructrice d’habiter la terre à travers l’économie d’extraction mise en place par le capitalisme.
Pour eux, il s’agit rien moins que  d’une nouvelle ère géologique  qu’ils nommeront anthropocène. Cette ère  aurait débuté avec la conquête européenne de l’Amérique. Elle entraînera le bouleversement de « la carte agricole, botanique et zoologique du globe ».
Pour les penseurs décoloniaux,  ce n’est pas l’humain en tant que tel qui est responsable du dérèglement climatique mais le capitalisme à travers une certaine activité humaine. « La crise écologique actuelle serait une conséquence directe de l’histoire coloniale. » Cette affirmation inverse une problématique pourtant bien ancrée dans les esprits : les  pays du Sud, qu’on tient pour responsables de la crise écologique,  n’en seraient  que les victimes.
Pour l’universitaire américaine Donna Haraway, il s’agit, pour l’écologie décoloniale, de déceler et  de désigner « la transformation dévastatrice de divers types de pâturages, de cultures, de forêts en plantations extractives et fermées qui se fondent sur le travail des esclaves et sur d’autres formes de travail exploité, aliéné et généralement spatialement déplacé ».
Quelques exemples étayent cette affirmation de la délocalisation du risque écologique. Dans les années 1970, des chercheurs afro-américains constatent que les décharges de produits toxiques sont placées aux abords des communautés noires. La France, comme on le sait, a entrepris ses essais nucléaires non pas sur le territoire hexagonal mais en Algérie et en Polynésie. Les convoitises de certaines sociétés comme Total sur l’exploitation du gaz de schiste en Algérie, interdite en France, reste un exemple de la continuation de la perception néo-coloniale. En décembre 2012, Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères, déclarait que la France allait entreprendre une exploration de gaz de schiste en Algérie. L’ONG les Amis de la Terre avait mis en garde le gouvernement dans un communiqué appelant la France à « cesser de considérer l’Algérie et ses anciennes colonies comme ses laboratoires d’expérimentation en jouant à l’apprenti sorcier au détriment des conditions de vie des populations locales et de la préservation de leur environnement.
Rappelons qu’entre 1960 et 1966, la France a réalisé de nombreux essais nucléaires dans le désert algérien, refusant pourtant encore aujourd’hui de reconnaître sa responsabilité dans la catastrophe environnementale et sanitaire dont elle est à l’origine. »
C’est toute une vision du monde qui est à repenser, à l’encontre de la vision occidentale, illustrée par cet exemple, basée sur « une séparation entre nature et culture, corps et esprit, émotion et raison », une vision pluriuniverselle, c’est-à-dire un « universel pluriel intégrant les différences ».
Ce n’est donc pas une façon de botter en touche que de remettre les responsabilités à leurs vrais tenants. On n’en dirait pas autant à propos d’autres questions comme la décision, chez nous, du recours au gaz de schiste et de l’addiction aux hydrocarbures, à l’exclusion d’autres possibilités de développement comme l’énergie solaire par exemple. On le voit bien aussi : le peuple ne s’y trompe pas en proclamant que le Sahara n’est pas à vendre.
A. M.

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