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Rubrique Ici mieux que là-bas

Encore une histoire de cousins !

Reçu en France dans la Médiathèque d’un faubourg populaire d'une ville minière à forte concentration immigrée de la région Rhône-Alpes. Il s'agissait de causer de Mes cousins des Amériques.
Public bigarré : quelques sympathisants d'une association algérienne, des membres d'un club de lecture et des abonnés de la Médiathèque. Bien sûr, et comme on devait s’y attendre, personne n'avait lu le bouquin, et presque personne n'en avait entendu parler. N’est pas Boualem Sansal qui veut !
Mais quand même, «louable initiative», comme on dit dans le jargon des as de la langue de bois, de l'association invitante consistant à recevoir sur le pouce «quelqu’un de chez nous à l'occasion de Yennayer».
Même sans grande préparation ? Qu’importe ! «Il faut qu'on leur montre qu'on a aussi des gens qui écrivent», tranche, passionnée, la présidente de l'association.
En vertu de quoi, me voilà face à une trentaine de personnes qui ignorent tout de votre serviteur et de son travail et dont il m'appartient de capter l'attention pour je ne sais quel tour de prestidigitation. Rude, rude, je te dis !
Je commence par cet exercice passablement pénible de devoir me présenter. Ce qui me rebute là-dedans, c'est d'étaler mon curriculum vitæ en l'espérant suffisamment attractif pour attirer le chaland. Faut avoir la fraîcheur du saltimbanque doublée de l’art matois du bonimenteur de foire pour, mine de rien, y arriver ! Et encore !
Et puis, sans doute un brin plus intéressant, j'essaye de survoler le livre en en lisant à chaque étape un extrait. Le débat part évidemment dans tous les sens. Mais l'occasion est en or pour faire une description nuancée de l'époque Boumediène évoquée dans le bouquin à travers la fameuse autorisation de sortie qui constitua un casse-tête inextricable pour toute une génération de voyageurs rentrés.
Aïssa, un jeune vigile de magasin qui a quitté l'Algérie après le Printemps noir de 2001 pour s'installer dans cette ville, ancien militant du MDS (Mouvement démocratique et social) qui s'est, depuis, rapproché du MAK (Mouvement pour l'autodétermination de la Kabylie), me remercie de présenter d'une façon moins monolithique qu'à l'accoutumée cette période qu'il est trop jeune pour avoir connue mais que néanmoins il abhorre par ouï-dire.
J'avais parlé de l'épisode Boumediène à la suite d'un commentaire d'une Algérienne présente dans la salle qui était visiblement en âge d'avoir connu peu ou prou la période en question. Elle avait dit quelque chose comme : «Comment peut-on être ouvert aux cultures du monde et notamment à la culture américaine, sous une dictature aussi hermétique que celle de Boumediène ?»
Avant de développer mon ressenti de témoin de cette époque, il convenait de lui répondre par cette citation de Jean-Paul Sartre découverte pour la première fois dans un article de Tahar Djaout dans Algérie-Actualité : «Nous n'avons jamais été aussi libres que sous l'Occupation».
Une abonnée de la Médiathèque m'a blessé, quant à elle, en me faisant part de son «bonheur de voir un Algérien qui connaît Steinbeck, Hemingway et Kerouac». Pfft !
J'ai demandé à la fille d’Aïssa, 11-12 ans, ce qu'elle avait pensé de cette présentation et du débat tout en réalisant qu'elle était la benjamine de l'assemblée : «C'est très intéressant pour ce que j’ai compris », dit-elle.
J'ai discuté aussi avec deux jeunes proches du MAK. L'un était déçu que les cousins auxquels je fais allusion dans le livre ne soient pas exclusivement des Indiens d'Amérique dépossédés de leur identité. Quant à l'autre, il était contrarié du fait que je n'aie pas, selon lui, suffisamment raconté mes «vrais cousins des Amériques, c'est-à-dire les Berbères».
Comme quoi !
Le premier, la trentaine, chauve, malingre et petit, était ingénieur informaticien. Un matheux donc. Pas littéraire pour une syllabe.
Il me fait l'honneur de comparer mon style à une sorte de compromis entre Kateb Yacine et Mouloud Mammeri. Rien que ça ! L'autre, grand, athlétique, sûr de lui, s'exprimant en français une octave au-dessus de son camarade, s'enquiert des écrivains dont je me sens proche. J'ai répondu aux deux en même temps en exprimant ma proximité de parenté avec les écrivains journalistes et donc de Kateb Yacine plus que de Mouloud Mammeri.
Ce dernier dont j'apprécie énormément l'œuvre romanesque évidemment, possède un style trop classique à mon goût.
En fait, ce n'est pas au littéraire qu'ils s'adressent mais au journaliste censé commenter l'actualité politique, en particulier algérienne. Ce qui les préoccupe, visiblement, c'est la situation d'Ahmed Ouyahia, le Premier ministre, dans le gouvernement actuel. Frustrations d'être toujours renvoyé à ses pénates de commentateur. J'aurais voulu qu'on parle plutôt du livre que je venais de présenter et pour lequel j'étais convié. Mais, non, ça ne semblait pas intéresser outre mesure au-delà de la simple politesse. Leurs questions insistantes me font penser qu'ils croient qu'un chroniqueur possède non seulement les clés pour lire des situations opaques mais aussi des secrets de coulisses.
Aïssa, lui-même très politisé, me tire de ce guet-apens. Dans la voiture qui me ramène à mon hôtel, il me raconte comment il est arrivé dans cette ville au début des années 2000 dans laquelle vivent depuis les années 1940 beaucoup de membres de sa famille et de gens de son village. Il me décrit avec beaucoup de pudeur son parcours de combattant pour obtenir des papiers de séjour, ses diverses formations de recyclage en tant qu'agent de sécurité, fonction qu'il avait exercée en Algérie. Il a travaillé dans la sécurité industrielle mais il a été aussi agent de sécurité dans une université algérienne.
On l'aurait écouté indéfiniment tant il possède l'art de la narration.
A. M.
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