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Rubrique Ici mieux que là-bas

La colère est parfois bonne conseillère

L’autre jour, j’ai surpris le poète kabyle Ben Mohamed, l’auteur de l’immortelle Avava Inouva chantée par Idir, fulminant de colère. J’ai tout de suite pensé que la personne ou la chose qui l’a mis dans cet état a dû faire fort. Ben est habituellement calme. Pour le faire sortir de ses gonds, il en  faut ! Qu’est-ce qui a pu se passer ?
Le sachant lecteur vorace, et lucide, -  important de l’ajouter - de tout ce qui s’imprime, et en particulier de la presse algérienne, mais pas de toute la presse algérienne, je me suis dit qu’il a dû lire quelque chose qui lui a fait monter l’ire, comme disent les amateurs de mots croisés. Dès qu’on a commencé à causer, j’ai réalisé que j’ai tapé juste.
J’ai d’abord subodoré qu’il a pris son meilleur courage, celui que je trouve, pour ma part, une fois toutes les années bissextiles, pour aller jusqu’au bout de la rugueuse contribution de Mouloud Hamrouche publiée par El Watan. Ce que je fis, personnellement, et j’en dirai deux mots plus tard.
Quant à Ben, je ne sais pas s’il a eu la même vaillance. En tout cas,  ce n’est pas ça qui l’a fichu en rogne. Ce qui a énervé Ben, c’est plutôt la réaction pour le moins importune de deux types, B. Ghlamallah et Salah Belaïd, respectivement président du Haut Conseil islamique (HCI), et du Haut Conseil de la langue arabe (HCLA), dans un débat où ils n’ont aucune compétence ni légitimité. Les deux fonctionnaires, l’un de la religion et l’autre de la langue arabe, essayent de faire pression sur la toute jeune Académie algérienne de langue amazighe pour qu’elle adopte la graphie arabe.
Ils ont le droit d’avoir, bien sûr, une opinion personnelle. Mais ils semblent exprimer plus qu’une opinion. Faut dire que Ben ne manque pas d’arguments. Qu’est-ce qui l’irrite donc dans cette pression au nom de l’islam et de la langue arabe ?
Eh bien, d’abord une question de légitimité ou de compétence recevables «s’ils s’étaient exprimés en tant que linguistes ou en tant que militants de la cause amazighe». Or, s’ils sont linguistes, ça doit être dans une langue qui n’a jamais existé. Quant à leurs titres de noblesse en matière de soutien aux langues opprimées, c’est d’avoir de tout temps tiré à vue sur tamazight, en toutes circonstances considérée comme le cheval de Troie au choix du colonialisme, du néo-colonialisme, de l’impérialisme, de l’Occident, quand ce n’est pas de tout cela en même temps.  Mais en dépit de ces tirs de barrages, le combat pour tamazight, et contre eux, a fini par porter ses fruits.
Même s’ils n’ont pas de titre de gloire dans ces domaines-là, Ben avoue que, pragmatique, il aurait tiré profit et pu «aussi être sensible à leur injonction, si eux et leurs alliés avaient fait preuve de brillants résultats dans la ligne idéologique qu’ils s’acharnent à défendre depuis de longues années déjà et qui a coûté au peuple algérien, tant de milliards en dinars gaspillés, tant de déboires aussi bien pour ceux qui sont pour que pour ceux qui sont contre, tant de cerveaux poussés à l’exil et tant de retard économique pour un pays si riche».
Trois fois hélas, ce n’est pas le cas. On ne peut pas ne pas partager avec lui le constat que c’est  sous «le règne du HCI que l’islamisme s’est développé et a causé des ravages dans notre pays» et qu’en tant que ministre puis président du HCI, B. Ghlamallah n’a rien fait «pour empêcher la prise en otage de l’Islam par des charlatans et des criminels».  
Quant au HCLA, c’est une institution qui n’aurait logiquement pas de raison d’être. Chargée de la défense de la langue arabe, on se demande bien contre qui ? «Contre les langues étrangères ?» questionne Ben. «La langue amazighe n’en est pas une. Contre le peuple ? Je ne connais aucun peuple à travers le monde et à travers l’histoire qui se serait dressé contre sa propre langue.»
Puis Ben, à qui je laisse amplement la parole ici, déplore que les deux seules fois, dans l’histoire de ce pays, où on a eu des ministres de l’Education nationale porteurs de vrais projets, ils ont été combattus. Mostefa Lacheraf et Nouria Benghabrit, «vous et votre clan, vous avez sabordé leurs projets de réforme» parce qu’ils «visaient à édifier une école qui formerait des hommes capables de nous mener vers un avenir plus prometteur ; des hommes capables de mettre fin à vos règles de gestion ravageuses puisque basées sur la corruption, le clientélisme, l’incompétence, la manipulation de l’Histoire et la perte de nos valeurs ancestrales».
Voilà donc la colère de Ben. Maintenant, revenons à Hamrouche. Je ne suis pas hamrouchien et je ne compte pas du tout m’y convertir, mais j’ai apprécié sa contribution car elle place le débat au-delà des contingences partisanes et surtout des invectives ad hominem habituelles dans nos échanges.
Bien entendu, les postulats de base et les constats qu’il dresse, de même que les conclusions qu’il en tire, sont discutables. Et elles ont été plus ou moins discutées. A côté des raids passionnels contre Hamrouche, il y a eu des réponses sereines et constructives. L’une des plus remarquables est le fait du brillant politiste Ahcène Amarouche. Sa tribune «L’énigmatique contribution de Mouloud Hamrouche», publiée par Le Soir d’Algérie, répond sur le fond à l’analyse de Mouloud Hamrouche et fait réellement avancer le débat. A suivre ? C'est bientôt l’élection présidentielle. Ça clot tout ! 
A. M.

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