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Rubrique Ici mieux que là-bas

La mémoire des martyrs de la démocratie

Deux, trois millions ? Possible. Probable. Trois millions de manifestants ont convergé vers Alger ce 14 juin 2001. La citadelle, que le pouvoir avait voulu inexpugnable, a cédé sous la pression des marcheurs de la liberté.  Il faut le redire, ou simplement le dire, non pas pour culpabiliser, mais pour l'histoire : ils venaient essentiellement de Kabylie. Le but de cette marche sans précédent était de remettre la plate-forme d'El Kseur, qui résumait en faveur de toute l'Algérie les revendications démocratiques du mouvement citoyen des Archs, au monarque en devenir perché sur sa butte d'El Mouradia.
Pour n'avoir pas à subir l'affront, le pouvoir avait voulu empêcher les marcheurs de rallier Alger. On a dressé des barrages routiers pour en  interdire l’accès par voiture et  par bus. Mais, la pulsion de liberté et la détermination surent dribbler ce genre d'obstacles.  Le rush fut mémorable. Répondant à un plan que l'on crut infaillible, on libéra de prison, la veille de l'événement, des délinquants chargés de prêter main forte aux forces de sécurité qui ont donné carte blanche pour casser du manifestant.  On obligea par la force brutale les manifestants à changer leur itinéraire, pour que le monarque n'ait pas à être perturbé par la plèbe en effervescence.
Et il arriva ce qui devait arriver. Plus de 120 morts pour le Printemps noir, plus de 5000 blessés, de nombreuses disparitions lors de cette manifestation.
Toujours divinement inspiré, Hamraoui Habib Chawki appelle au djihad pour la défense d'Alger la sainte contre l'invasion barbare des Kabyles déchaînés. Top niveau ! D'autres aussi, parfois moins grotesques,  avaient trouvé les mots qu'il faut pour stigmatiser pêle-mêle l'insinuation de séparatisme puisque le mouvement venait de Kabylie, la main de l'étranger, les visées antinationales, l'atteinte à la mémoire des martyrs, et on en passe. Dans, au mieux, l'indifférence  du reste de l'Algérie, et parfois avec ses acclamations, le mouvement citoyen des Archs payait le prix  fort en vies humaines pour que le pays cesse de ployer sous le joug de l'indignité que lui posait sur la nuque un pouvoir qui avait sa feuille de route destructrice.
Puis, une fois le mouvement citoyen liquidé avec le savoir-faire d'un certain Ouyahia, le calme est revenu. Désormais, on pouvait dormir tranquillement pendant au moins quatre mandats. Entretemps, certains en ont pris de la graine. En effaçant jusqu'au dernier iota de résistance, du moins le croyaient-ils, ils ont transformé l'Algérie en immense gâteau qu'ils se sont partagé dans l'impunité et la jubilation de s'en assurer pour l’éternité.
Mais, en politique, l'éternité n'existe pas.
Dix-huit ans plus tard, Hamraoui Habib Chawki, qui appelait au djihad anti-kabyle,  regarde l'empire de Bouteflika, dont il fut l'un des chambellans, s'écrouler en poussant un cantique. Il n'aimerait pas survivre au maître. ça ressemble à une prière.
La plupart des responsables de l'époque sont soit en  disgrâce, soit en taule. Il y a certes encore quelques blancs dans la liste des convoqués par cette justice à la Lucky Luke, qui tire plus vite que son ombre et qui préfère cette dernière à la proie, mais les fournées s'accroissent.
Depuis ces temps préhistoriques, il a coulé beaucoup de sang et de peine sous le pont d'Oued El Harrach. Le faubourg d'Alger, connu pour sa prison, est devenu le symbole du bouteflikisme déchu. Après Ouyahia, l'homme qui inventa les louanges de Bouteflika en alexandrins kabyles, voilà d'autres compères du même cru qui allongent la liste de l'oligarchie peu nette et de ses complices  embastillés sur les matelas de la détention. 
Tout cela va trop vite. Vendredi qui coïncide presque jour pour jour avec le 14 juin 2001 : on voit que le mouvement citoyen d'aujourd'hui a poussé les autorités actuelles à ouvrir des tas de dossiers. Il y en a d'autres à ouvrir, tout aussi importants : ceux des crimes de 2001, par exemple.
Les manifestants ne s'y trompent pas, eux qui ont eu plus qu'une pensée  pour les jeunes assassinés pendant le Printemps noir de 2001. Ce n'est pas pour faire de la marche arrière, mais ce n'est certainement pas mauvais de relire aujourd'hui ce qu'on a appelé la plate-forme d'El Kseur, ce document  de revendications adopté le 11 juin 2001 par les représentants des wilayas de Sétif, Bordj Bou Arreridj, Bouira, Boumerdès, BgayetTizi-Ouzou et Alger ainsi que par le collectif des universités d'Alger. C'est ce fameux document qui devait être déposé à la présidence de la République ce 14 juin 2001. Il préfigurait, dans les conditions de l'époque, les revendications d'aujourd'hui, dont le recouvrement par les Algériens de leur dignité et le droit de décider de leur destin. ça s’appelait la citoyenneté et ça s'appelle toujours la citoyenneté. Elle est encore d'actualité. C’est ce que nous montre la pérennité du mouvement du 22 février. Cela nous indique aussi  certaines de ses sources, notamment le Printemps noir.
A. M.

 

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