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Rubrique Ici mieux que là-bas

Le message de Youcef Goucem

Comme chaque semaine, me voilà, dépité, à l’affût de l’actualité, partagé entre le trop peu et le trop, entre le vide et le plein. Quoi qu’il en soit, faut remplir le contrat, honorer le propos. Mais de quoi causer ? De la présidentielle, bien sûr ! Le sujet est tout indiqué. Obligatoire même, me dit mon petit doigt. Il s’impose, sans mauvais jeu de mots, quasi manu militari. D’autant que, soudain, ce grand corps déserté par la vie qu’est l’Algérie se remet à vibrionner. Ça sonne ? Mais où ?...
Sorti de la torpeur un brin anxieuse d’une salle de garde hospitalière, l’Algérie branchée aux urnes de la duperie se réveille en sursaut. Il pleut des candidatures. Tout le monde veut être Président. On retombe dans quelque chose qui nous est si familier : l’excès culminant dans le folklore. Ce qui n’est pas sans rappeler l’inflation minute de partis, parfois de rigolos purs et simples, qui a suivi la reconnaissance du multipartisme en 1990. On en avait vu, parole. D’ailleurs, çà et là, on continue d’en admirer les beaux restes.
A côté de candidatures sérieuses et récurrentes comme celle de Benflis par exemple, il y a de la clownerie électorale décomplexée. Beaucoup même ! Est-ce franchement un événement, cette présidentielle ? Ça devrait l’être. Un peuple qui élit son dirigeant suprême, ce n’est pas anodin ! Et pourquoi donc chez nous, c’est si dévalorisé ? Voilà une question basique qui mérite d’être posée.
Sans doute qu’à la crise de la représentativité qui touche, toutes proportions gardées, nombre de pays à travers le monde, s’ajoute-t-il, chez nous, le marché de dupes. Nous sommes passés de la période glaciaire du candidat unique et seul à une période, prétendument pluraliste, du candidat unique accompagné de quelques lièvres. Et cela, pas un seul électeur et aucun abstentionniste en Algérie ne l’ignore.
Tout le monde sait que l’élection sert à poser un vernis de caution démocratique à une désignation des plus autoritaires décidée dans des cercles impénétrables. Mouloud Hamrouche lui-même, architecte et enfant du système qui a viré sa cuti, le reconnaît. Les élections, dit-il, en Algérie, n’apportent ni pouvoir ni légitimité. Qui donne alors le pouvoir et la légitimité ? Il y a bien quelqu’un ou quelque chose qui les octroie, tout de même !
Alors, à quoi servent-elles ? Franchement, il faut être très pointu pour trouver de la matière à une réponse. Le fait est qu’on a affaire à un Président élu depuis 20 ans sans discontinuer, autour duquel s’est coagulé un univers parallèle et autonome, une sorte de capsule qui tournicote autour de l’Algérie, la surplombe, mais ne la touche pas et ne la connaît pas.
J’en étais là, à faire le même surplace pluri-décennal, sur cette question, lorsque est tombée la nouvelle tragique du décès de Youcef Goucem. Là aussi, pas grand-chose à dire mais pour d’autres raisons. La sidération. Le choc. Youcef Goucem était producteur et réalisateur de cinéma et de télévision. Il était à son compte, comme on dit. Bon professionnel qui maîtrise bien son métier, il proposait ses films aux télés, étatiques comme l’ENTV ou privées comme Dzaïr TV, la chaîne de l’empire Haddad.
C’est bien beau de trouver à bosser dans cette jungle dominée par le fric et l’arrivisme ignare. Mais comment tenir la route si les commanditaires ne payent pas le dû ? C’est l’équation impossible que Youcef Goucem a posée avec son immolation. 
Lui, Youcef Goucem, en tant que petit producteur, devait s’acquitter cash des salaires et charges de tous ceux qui travaillent avec lui. Il ne pouvait pas y déroger. Mais les gros, eux, ont le pouvoir d’envoyer balader qui ils veulent. Et par la faute de cet arbitraire qui consiste à payer avec énormément de retard ou à ne pas payer du tout, Youcef Goucem s’est trouvé plongé dans un profond désarroi. Ses démarches à l’ENTV qui lui devait des sommes importantes étaient devenues, nous dit-on, presque quotidiennes. On lui assurait que le virement était effectué, qu’il n’avait qu’à consulter son compte. Rien. Le jour d’après, toujours rien. Pas mieux avec Dzaïr TV qui a diffusé ses films sans qu’il le sache et qui n’a pas voulu les lui rétribuer. Youcef Goucem n’était pas du genre à casser la baraque, à taper l'esclandre. C’était un homme pacifique, respectueux du droit. C’est donc un homme brisé qui se rend une ultime fois au siège de Dzaïr TV où un nouveau directeur venait d’être installé. A l’issue d’une entrevue qui semble avoir été expéditive et infructueuse, Youcef accomplit le geste fatal de s’imbiber d’essence et de s’immoler. Ceux qui le connaissent savent bien que s’il en est arrivé là, c’est parce qu’il s’est senti victime d’une terrible hogra, et qu’il ne pouvait plus continuer à parler à des murs qui possèdent le pouvoir. La suite, on la connaît. Hospitalisé, on a pu, un moment, le croire tiré d’affaire. Mais, brutalement, son état s’est dégradé. Il est décédé, laissant dans la stupeur ce pays, pourtant si habitué, malheureusement, à toutes sortes de décès. Youcef Goucem a écrit avec son corps consumé un message : plus jamais ça ! Respect du travail des autres !
A. M.

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