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Rubrique Ici mieux que là-bas

L’humour de Monseigneur Teissier

Un hasard plutôt sympathique m’a conduit à écouter Monseigneur Teissier dans l’une de ces conférences ouvertes que le nouveau recteur de la Grande Mosquée de Paris, Chems-Eddine Hafiz, a organisée. C’est une réelle délectation d’entendre cet archevêque qui n’est pas natif d’Algérie mais qui fait corps avec ce pays. En le voyant dans le décor de la mosquée de Paris, lui qui a fait une partie de ses études à la Sorbonne, à deux pas de là, j’ai eu la curieuse sensation de me trouver en présence d’un Algérien de chez nous, égaré dans la mondanité de ce lieu et de cet instant parisiens.
Avant de s’attacher à son propos, il faut en souligner le régal de la subtilité et de l’humour. Celui-ci est d’une finesse et d’une sincérité touchante. Il raconte, par exemple, par petites touches presque solennelles cette anecdote qui a fait s’esclaffer le public. Lorsqu’il a pris sa retraite, il a été contraint, comme tout un chacun, de s’acquitter d’une formalité administrative auprès des autorités  algériennes. Il a dû à cette fin, remplir un quelconque formulaire. Il a indiqué son nom, prénom, date de naissance, etc. À la case situation familiale, il a coché célibataire. En toute bonne foi,  le jeune fonctionnaire algérien s’étonne :
- Vous n’êtes pas marié ?
Monseigneur Teissier répond par la négative. L’autre lui en demande la raison. Afin d’expliquer le célibat obligatoire du clergé catholique sans entrer dans les détails, l’évêque précise :
- Le travail que je faisais me contraignait au célibat.
Et le jeune fonctionnaire de compatir. 
-  Maintenant que tu es à la retraite tu peux te marier !
Henri Teissier fait partie des quelque 5 000 Algériens bloqués en France à cause de la crise sanitaire. Car, faut-il le rappeler, il est Algérien. Quand une auditrice lui demande pourquoi le choix de l’Algérie, lui qui est né en France, et surtout les raisons de son attachement à ce pays, il répond sobrement  à la première question:
- On est forcément attaché à l’endroit où l’on vit.
Quant à la seconde question, il ajoute cette nuance complétive :
- Ce sont les Algériens que j’aime.
Affirmer aimer les Algériens, c’est donner un visage humain à l’amour du prochain, et non pas se contenter d’une incantation à l’endroit d’un pays désincarné.
Les Algériens, il les a aimés dès le début de son sacerdoce, alors que dans la proximité du célèbre Père Scotto, curé de Hussein Dey, il intervenait avec d’autres dans les bidonvilles d’Oued Ouchayah. Né à Lyon en 1929, il arrive en Algérie à l’âge de 17 ans. Son parcours ecclésiastique épouse celui du processus de l’indépendance du peuple algérien. La rencontre sur son chemin avec des hommes d’Église comme le Père Scotto puis Monseigneur Duval, plaidera en faveur d’une conception de l’Église au service des opprimés.
À l’indépendance, lorsque les Chrétiens font partie des 650 000 personnes qui quittent en masse l’Algérie, il est au côté de Monseigneur Duval quand l’Église choisira de «ne pas être étrangère, mais algérienne».
Dans les décennies 1970-1980, évêque d’Oran, puis archevêque d’Alger, il œuvre dans le cadre de l’Église d’Algérie, au développement social en faveur des plus déshérités dans un œcuménisme qui rapproche les chrétiens des musulmans. La tâche est d’autant plus complexe que la mémoire algérienne tient l’Église sous la double suspicion d’avoir été à la fois du côté de la colonisation – le sabre et le goupillon —, et de moins  viser l’assistance aux plus faibles que l’évangélisation des musulmans. C’est dans ce climat de méfiance aggravé pour l’Église d’Algérie par l’amalgame créé par l’offensive des églises évangéliques US, que surviennent les années de la montée des fondamentalismes islamiques, puis celles du terrorisme. 19 religieux chrétiens dont Monseigneur Claverie, évêque d’Oran, et les moines de Tibhirine, sont victimes du terrorisme. Mais Monseigneur Teissier les considère comme faisant partie des 200 000 victimes algériennes de ces années de malheur. Il est de ceux qui font observer que, sans aller dans le détail d’une comptabilité macabre, il y eut plus de 100 imams algériens victimes du terrorisme.
Pendant la Décennie noire, il a dû assumer la responsabilité de l’Église d’Algérie,  naturellement placée dans le viseur des terroristes.  Mais qu’il s’agisse des moines de Tibhirine ou de tout autre membre de cette Eglise, personne ne voulait se dérober au devoir fraternel  de rester auprès de leurs amis musulmans dans la terrible souffrance qui leur était imposée. Monseigneur Teissier parle, à propos de la décennie noire, «de martyrs chrétiens et musulmans» de son pays, l’Algérie. Il dit que les chrétiens étaient visés au même titre que la population algérienne.
Monseigneur Teissier est un segment de l’histoire d’une Algérie fraternelle. Il a été en faveur de l’indépendance de l’Algérie, tout comme Monseigneur Duval qui avait gagné le prénom de Mohamed, et il a toujours eu à cœur d’aller à la rencontre de ses compatriotes musulmans. Toute sa réflexion et son action, dans l’incandescence d’un présent radical, tourne autour de l’amitié entre chrétiens et musulmans. Mais – et surtout —, ce conférencier est un véritable conteur qui vous transporte dans un survol du temps qui transforme les pires épreuves en des moments de grâce que procurent l’optimisme et la fraternité. 
A. M.

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