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Rubrique Ici mieux que là-bas

L’odyssée d’Afrique-Asie, le guérillero de l’information (2)


Toute l’histoire d’rique-Asie semble synthétisée dans ce bras de fer permanent avec les forces hostiles à la souveraineté des pays anciennement colonisés. Il a fallu constamment mener un combat asymétrique contre ceux qui ont voulu faire taire cette voix, «tel un guérillero, à l’image de ce qui se passait sur le terrain face à des armées nombreuses et suréquipées et des forces économiques, politiques et médiatiques puissantes et submergentes», précise Bouzid Kouza.
Tout a commencé dans la liesse révolutionnaire du Festival panafricain d’Alger de 1969. Simon Malley, journaliste d’origine égyptienne ayant travaillé pour Le Progrès égyptien, s’installe aux USA après la Seconde Guerre mondiale. Il couvre la naissance de l'ONU et se lie d’amitié dans les années 1950 avec nombre de futurs dirigeants des pays du Sud parmi lesquels le Tunisien Brahim Tobal, le Marocain Mohamed Basri, les Algériens Hocine Aït Ahmed et M’Hamed Yazid. Ces personnalités deviendront, le moment venu, les premiers soutiens d’Afrique-Asie. L’idée même d’un journal qui, en Occident, dans la gueule du loup donc, défendrait une ligne tiers-mondiste et non alignée, est née en Algérie aux alentours du Sommet afro-asiatique de 1965 qui devait être la deuxième réunion après celle du Sommet des non-alignés de Bandung en 1955. Le coup d’Etat de Boumediène différera la réunion et rappellera qu’une libération nationale n’est jamais à l’abri des convulsions parfois sanglantes. Le Mozambicain Aquino de Bragança, le Mauritanien Ahmed Baba Miské assistent à la toute première réunion à Alger. Simon et Barbara Malley, son épouse américaine, avaient tous les deux travaillé pendant la guerre de Libération pour le FLN. Barbara Malley avait même été volontaire au bureau du FLN pour la communication. «L’histoire d’Afrique-Asie est un peu celle de la cause algérienne», rappelle Majed Nehmé qui a donc pris le relais de la direction du journal en 2006. D’ailleurs, jusqu’au dernier moment, le journal a pu compter sur l’Algérie. «Et bien sûr, ajoute-t-il, nous défendons l’Algérie. Nous ne nous en sommes jamais cachés. Historiquement, le journal est lié à l’Algérie, au principe de souveraineté. Nous étions et nous sommes pour un Etat souverain contre une mondialisation bradée. Et puis, l’Algérie a fait face en silence au monstre terroriste. Personne ne l’a aidée.» Et Majed Nehmé d’ajouter : «Et puis l’Algérie n’intervient jamais, jamais dans le contenu éditorial.»
La journaliste italienne Augusta Conchiglia qui travaillait à l’époque à faire connaître en Europe la lutte de libération de l’Angola, et qui fut dans la proximité de la création d’AfricAsia en 1969, se souvient qu’à l’époque, «l’Algérie était le modèle-même du Tiers-Monde dans ce que ça veut dire de progressiste et de non-aligné». Cette jeune Italienne, venue au Festival panafricain présenter un documentaire sur la décolonisation en Afrique, se trouve dès lors en convergence avec le duo Simon Malley-Ahmed Baba Miské qui lance AfricAsia en 1969 à Paris. Elle y collabore en donnant de précieux reportages photos sur le mouvement révolutionnaire qui menait en Afrique la lutte pour la décolonisation, lequel était totalement dépourvu d’images.
En 1971, une mésentente entre Ahmed Baba Miské et Simon Malley aboutit à une séparation entre les deux hommes, à la disparition d’AfricAsia et au lancement d’Afrique-Asie, cette fois-ci par Simon Malley. Augusta Conchiglia, qui a vécu ces turbulences post partum de loin, intègre totalement la rédaction aux beaux jours d’Afrique-Asie à partir de 1974. Juste après la chute du fascisme de Salazar au Portugal avec la révolution des Œillets, Augusta Conchiglia va mesurer les conséquences de ce bouleversement en Angola. Elle demeure sur place, couvrant les derniers mois de la lutte d’indépendance. En 1976, elle fait partie intégrante de l’équipe à Paris. «Il y avait dans les réunions une effervescence stimulante», se souvient encore Augusta Conchiglia. L’équipe comprenait des collaborateurs de qualité comme Mario de Andrade, cet intellectuel angolais qui fut un personnage clé dans l’un des scoops historiques du journal, la publication de contrats passés par Jonas Savimbi avec la puissance coloniale. Le journal irradiait du prestige d’avoir défendu des causes justes qui allaient aboutir.
En 1978, Bouzid Kouza, en provenance d’Alger, intègre, lui aussi, la rédaction. Le journal était alors en plein essor avec un tirage de 80 000 exemplaires sans compter les autres publications adjacentes comme la version anglaise d’Afrique-Asie ou le mensuel en français L’Economiste du Tiers-Monde. Le journal a alors le vent en poupe. L’époque était aussi complexe que mobilisatrice. «La guerre du Viêtnam s’était à peine achevée avec la débâcle étasunienne, l’Amérique latine était en pleine ébullition, l’Angola, le Mozambique, le Zaïre étaient à feu et à sang, le Moyen-Orient en plein bouleversement avec des clivages sanglants autour de la question palestinienne (capitulards de Camp David face au Front du Refus), se profilaient déjà les chambardements en Iran et, surtout, en Afghanistan. Afrique-Asie a rendu compte, accompagné, soutenu, toutes ces luttes», résume Bouzid Kouza.
C’était aussi une époque intéressante car elle préfigurait comme un prologue aux grands bouleversements de la décennie 1990 qui allait donner, avec la disparition du bloc socialiste, une configuration unipolaire au monde. En 1980, le journal turbulent est dans la ligne de mire du gouvernement français, de connivence avec les ténors de la Françafrique. Ce dernier lui porte un coup qui aurait pu être fatal mais auquel le journal survivra. Il fait expulser Simon Malley de France.
A. M.

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