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Rubrique Ici mieux que là-bas

Nous l’avons tant admiré, Mustapha !

Mustapha «Skandrani» était un de ces garçons simples mais hors du commun. Il était marqué par la grâce. A tous points de vue. Il était admiré dans le quartier. Les plus jeunes voulaient lui ressembler. Tel un alchimiste, tout ce qu’il touchait se transmutait illico en métal précieux. C’était d’abord un surdoué. «Tu lui apprends quelque chose, dix minutes après, il t’explique comment ça fonctionne», témoigne Rachid, un de ses cousins et amis d’enfance. A l’école, il était brillant.  Il n’était certes pas du genre à beaucoup travailler mais il était toujours le meilleur. «Je le précédais de deux classes en école primaire, il m’a rattrapé vite fait et m’a dépassé», se réjouit le  même Rachid.
Ses parents étaient arrivés dans le quartier, deux ou trois ans avant l’indépendance. Son père était l’officiant de la salle de prières. Comme tous les habitants de notre cité des Eucalyptus, ils étaient de condition modeste. Mustapha perdra son père alors qu’il était encore très jeune. Mais il était comme porté par les anges. Il respirait la vie. Il accomplit sa scolarité avec brio et sans avoir besoin de s’échiner. Durant toute sa scolarité dans le primaire, il était invariablement le premier, le meilleur. Ça ne se discutait pas. C’était comme ça ! Le contraire eût été anormal.
Il fut admis à l’examen de sixième avec brio. Puis, le voici au lycée Abane-Ramdane d’El-Harrach, en ces premières années de l’indépendance. Il était dans la même classe que son cousin Rachid. Celui-ci se souvient des succès qui couronnaient Mustapha. «A la fin de l’année, il obtenait des récompenses dans toutes les matières, il était vraiment le premier partout.» Les prix d’excellence étaient pour lui une banalité. Y compris en sport. Autre motif d’admiration : le sport. Un ami d’enfance raconte qu’ils faisaient des escapades en été, pour se baigner en mer. «Je lui ai appris à nager et au bout de deux heures, il le faisait mieux que moi.»
Dans le hit-parade des meilleurs nageurs du quartier établi par la vox populi, Mustapha était classé parmi les leaders. Mais son plus grand talent, c’était le foot. Mustapha y jouait comme un prince. Quand il participait à un match, le public savait par avance qu’il allait se régaler. Et là encore, il devint une star. Il avait tout d’un immense joueur : «Il joue presque aussi bien que Mustapha», disait-on quand on voulait souligner la qualité de jeu d’un jeune. L’équipe dont il portait les couleurs ne pouvait que gagner et aucune défense n’aurait su se prémunir de ses dribbles fulgurants. Comme tous les maestros, il faisait preuve à la fois d’une grande élégance dans le jeu couplée à une sorte de nonchalance.
Abderrahmane Zerouati, qui fut joueur du NAHD et international junior, dit de Mustapha, son aîné, qu’il aurait fait mieux que Lalmas s’il avait endossé le maillot de  clubs. Pour ce footballeur de haut niveau, qui sait de quoi il parle, «Mustapha me rappelle le jeu d’un Pelé». Evidemment, ce prodige du foot, déjà connu dans les quartiers alentour, finit par attirer l’attention des recruteurs des clubs algérois. C’est peut-être Boudissa du NAHD qui l’avait remarqué. Mustapha, raconte un témoin, «a été sollicité pour un test par le club de Hussein-Dey. Vernier, l’entraîneur, était littéralement subjugué par sa classe. On voulait le faire signer tout de suite. Mais il a temporisé». Et pour des raisons que l’on ignore encore, cela ne s’est jamais fait et le football algérien a peut-être perdu un de ses plus grands éléments. 
Un autre témoin croit savoir que le club d’El-Harrach le voulait à tout prix. Lui refusa de signer. On ne sait pas non plus pourquoi !
Outre ces talents, Mustapha excellait dans tous les jeux. Il était imbattable aux dominos et à la belote. Il était aussi le roi du poker. «On jouait pour des petites sommes, juste pour qu’il y ait un enjeu et que les joueurs s’impliquent», raconte un habitué. Un jour, un type qui n’arrêtait pas de perdre face à lui voulait absolument continuer. Mais Mustapha voyait bien que son adversaire s’entêtait dans la défaite et que ça pouvait aller loin. «Il est allé chercher un bijou de sa femme pour pouvoir continuer à jouer.» Mustapha lui rendit le bijou et l’invita à rentrer chez lui.
C’était tout cela, Mustapha. Un garçon béni, bourré de talents, attachant, intelligent, sportif, transformant en félicité tout ce qu’il touchait. Les plus jeunes regardaient ce jeune homme comme une légende. Ses congénères étaient fiers de l’avoir comme ami et certains, sans doute, le jalousaient. Il avait tout pour se forger un destin. Il passa les deux parties du bac avec facilité et succès. Mais voilà, il était trop doué pour échapper au «mauvais œil», comme l’avait pressenti un proche. Un jour, au début des années 1970,  il sortit marcher au bord de la route. Une R4 le percuta. Traumatisme crânien. Coma dont il se réveilla. Mais l’accident avait englouti tous ses dons et fracassé ses rêves. Mustapha mettra longtemps avant de se remettre à marcher, mais toujours assisté. Il se fatiguait vite. Lui qui était d’un calme olympien devint quelque peu nerveux. Voilà comment un chauffard brisa une vie d’artiste, un destin de légende.
Les jeunes de son quartier ont décidé de lui rendre hommage par un tournoi de football sur les terrains mêmes où il maniait le ballon comme un magicien sa baguette.
Ah, oui, on le surnommait Skandrani. J’ai demandé aux amis d’où lui venait ce surnom : «C’est probablement à cause du foot. Il utilisait le ballon comme l’autre son piano.»
On continue à admirer l’artiste fraternel !
A. M.

 

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