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Rubrique Ici mieux que là-bas

Œil de lynx

Le bon côté du carême, c’est qu’il aiguise les sens. Celui de l’observation – parfois –  compris. On remarque des choses qui, en temps ordinaire, passent à l’as. Tiens, par exemple, il me revient ce souvenir du temps où on était môme. Dans le quartier, une demi-heure avant la rupture du jeûne  annoncée à voix nue par le muezzin, tous les mecs traînaient comme des âmes en peine sur l’esplanade, à côté du Café des Amis en attendant le coup de gong salvateur. Délivrance. Libération, même. Lorsque celui-ci tonnait, il y avait trois types de réactions des adultes que nous, les mômes,  avions appris, postés sur nos gués d'observation, à décoder et à interpréter.
Il y avait, à l’époque, une toute petite minorité qui courait à tout berzingue à la mosquée accomplir la prière du maghrib avant de penser à rompre le carême.  La foi les talonnait. Enfin... Sûrement !
 Venait ensuite une seconde catégorie, plus speed dirait-on aujourd'hui, celle des affamés ostentatoires qui, dès les premières notes de l’appel du muezzin, se précipitaient, incontinents, sur la table garnie, à l’issue d’une journée entière de préparation, par les femmes de la maison. Ils avaient aussi la foi, mais assortie de la chorba dans un ordre de priorité que nous n’étions pas en mesure de déterminer.
 La troisième catégorie, la plus sympathique à observer pour nous, était celle de ces pseudo-jeûneurs placides, les Flaflia, qui ne se précipitaient ni à la mosquée, ni  vers la chorba. Ils continuaient à traîner, flegmatiques, mine de rien,  sur l’esplanade, plusieurs minutes après l’appel à la rupture du jeûne. Eux, on les soupçonnait de ne pas observer le Ramadhan. D’ailleurs, remarquions-nous, ils n’avaient pas cet air hagard caractéristique de ceux qui se privent de nourriture et d’eau toute une journée. Ils avaient, au contraire,  la mine sereine des gens rassasiés. Sans doute avaient-ils, eux aussi, la foi, mais à leur manière, c'est-à-dire une foi différée.
Je me souviens encore que nous avions passé des années à parfaire ce système d’observation et de classification. Inutile de dire qu’aujourd’hui, ce système est obsolète car les gens, pour dire les choses vite et simplement, ne sont plus dans l’être spirituel mais dans le paraître religieux. De cet apprentissage méthodologique qui pose le Ramadhan comme un condensé de ce que nous sommes, il reste toujours quelque chose.
J’avoue que l’œil d’enfant continue à faire ses travellings latéraux et à ramasser sa moisson d’observations infimes mais qui, mises bout à bout, nous disent quelque chose des actes que nous sommes capables de commettre. Par exemple, cet œil d’enfant attardé a capté avec effroi cette nouvelle. Deux personnes en ont tué une troisième parce qu’elle avait bu un café pendant le Ramadhan. Sans connaître les circonstances exactes de cet odieux fait divers, on peut supposer qu’ils se sont autoproclamés détenteurs du châtiment divin à l’endroit d’un mécréant.
Inutile, évidemment, dans une telle situation, d’évoquer le droit de cette personne à ne pas observer le Ramadhan en vertu d’une disposition sacrée de la Constitution qui prescrit la liberté de conscience en Algérie. Une argumentation bien trop sophistiquée dans un pays qui roule à la vulgate salafiste. Et quand bien même ces tueurs auraient eu le sens de la loi, il suffit de constater que les autorités elles-mêmes, forces de sécurité en tête, violent la Constitution en jetant en prison ceux que l’on nomme depuis quelques années les dé-jeûneurs. Forts de ces exemples, les jeunes pourraient trouver normal de châtier à leur manière ceux qui n’observent pas le Ramadhan. A ce propos, cette année on n’a pas encore entendu parler de répression contre les dé-jeûneurs algériens. Etonnant ! Cette pratique s’est d’ailleurs exportée puisque, et là encore c’est mon œil du Ramadhan qui l’a capté, j’ai lu un truc de ce genre dans la presse tunisienne. Deux policiers ont interpellé un type qui fumait une clope. 
En France aussi, ça y va, le contrôle mais pas que ça. J’ai déjà raconté l’histoire de cet ami qui s’est fait alpaguer dans la banlieue parisienne parce qu’il avait un sandwich à la main. La petite frappe qui l’a épinglé était trop limitée pour imaginer que, même s’il n’en avait pas la tête – à supposer qu’il y en ait une –  mon ami n’était pas de confession musulmane. Ça s’appelle du délit de faciès à l’envers.
A. M.

 

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