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Rubrique Ici mieux que là-bas

Président légitime, c’est qui, c’est quoi ?

C’est ainsi. L’Histoire, dit-on, est écrite par les vainqueurs. Le présent, lui, est écrit par les puissants. Ils se la jouent démocrates, égrainent le chapelet des droits de l’omme, mais quand leurs intérêts sont en jeu, ils changent de partition. Quelques exemples sont venus remettre dans l’actualité cette antique évidence.
Macron est-il légitime ? Le premier exemple, c’est le voyage d’Emmanuel Macron en Égypte. Le Président français a beau fustiger le pouvoir autoritaire et antidémocratique du Maréchal Al-Sissi, face aux enjeux commerciaux, les beaux principes ne font pas le poids. Sans doute, Emmanuel Macron pense-t-il s’en tirer à bon compte en attirant l’attention sur la nécessité de respecter les libertés démocratiques dans une déclaration officielle en présence du Maréchal Al-Sissi ? Sans aller jusqu’à relever le peu de respect que lui-même accorde à la liberté de manifester, joyeusement accueillie à coups de flash ball éborgneurs, la simple ambivalence entre la dénonciation d’un régime autoritaire et le fait de commercer avec ce même régime, ventes d’armes notamment, prend la dimension d’une incohérence, voire d’une forfaiture.
Maduro est-il illégitime ? La forfaiture est encore plus grande à l’égard du Président Maduro élu par le peuple vénézuélien. Il n’échappe à personne que le fait de s’inscrire dans le sillage de Chavez, celui de la défense  des intérêts des plus démunis contre les appétits de l’Empire, le désigne comme ennemi public numéro 1 de l’Occident. Vu ses positions anti-impérialistes, il se ferait élire à 100% des voix que cela ne suffirait pas à le légitimer.
Il y a quelque chose de presque caricatural à lire la presse occidentale mainstream sur la crise de Caracas. Les «éléments de langage», comme on dit, laissent croire aux gogos que le malaise vient de ce que Maduro serait un dictateur qui s’impose par la force aux Vénézuéliens. Partant de là, ces mêmes gogos avalent le fait que les États-Unis de Donald Trump, la première démocratie au monde, comme chacun le sait, docilement suivis par l’Union européenne en tant qu’institution et par les Etats européens, soutiennent Juan Guaido, cette marionnette qui veut prendre le pouvoir par l’insurrection.
Gbagbo. Même si ça n’a rien à voir, ça fait penser au rôle de la France dans le dégommage de Laurent Gbagbo en Côte d’Ivoire en 2011. On se souvient que pour mettre Ouattara à sa place, on avait traîné Gbagbo devant le Tribunal pénal international. Le 15 janvier dernier, il était acquitté. La chambre d’appel a décidé qu’il restera en liberté conditionnelle délesté du droit de s’exprimer et de circuler.
Quand on relit les papiers incendiaires de la presse mainstream de l’époque, on est sidéré par l’unanimisme de la condamnation définitive qui était faite à Laurent Gbagbo.
Pareil aujourd’hui pour Maduro. On croirait qu’il y a quelque part un gourou qui fixe les mots par lesquels la presse doit le désigner. Les observateurs relèvent que la situation au Venezuela et dans la région a empiré depuis que la présidence du Brésil est squattée par un militant d’extrême droite. Trump trouve des appuis de proximité. Ce n’est pas un hasard si le Brésil et la Colombie furent parmi les premiers alliés latino-américains des États-Unis à reconnaître officiellement, après Donald Trump, Juan Guaido comme «Président par intérim du Venezuela».
Le Venezuela devient la ligne de démarcation. Puisque attaqué et «puni» par les États-Unis et leurs alliés européens, notamment par la volonté de l’administration  Trump de lui «couper les fonds», Nicolas Maduro, le Président élu, peut compter sur un large front constitué de la Russie, la Chine, Cuba, la Corée du Nord, la Turquie et l’Iran.
Ali Ghediri. Un mot tout de même pour ce phénomène incroyable cristallisé autour de l’annonce de la candidature d’Ali Ghediri. Les réseaux sociaux s’enflamment pour ce général à la retraite de 63 ans, un jeunot parmi les gérontes agrippés au pouvoir. Ancien officier, doté de bagages intellectuels solides, dit-on, il ose défier le système, selon ses termes.
Comme le disait Djamel Zenati dans un article retentissant paru dans El Watan il y a quelques semaines, ceux qui savent ne parlent pas, ce sont ceux qui ne savent pas qui se répandent en bavardages. Je crois que ça s’applique à cette candidature surprise. Ali Ghediri avait commencé par publier son opinion dans les journaux. Dans l’histoire de l’Algérie indépendante, ce n’est pas la première fois qu’un général à la retraite s’exprime publiquement sur la situation politique du pays. Pour pugnace que fut son ton, il n’annonçait pas qu’Ali Ghediri irait plus loin que des simples contributions dans la presse. Et voilà que le candidat messianique avance maintenant dans la lumière, adoubé par différents cercles politiques civils, proches des démocrates, et sans doute par d’anciens militaires moins visibles. Le fait que Tliba le critique est une sorte d’homologation par le pouvoir. On ne tape que sur ceux qui nous font de l’ombre.
L’entrée en lice de Ghediri a enflammé les commentaires autour de la présidentielle. On oublie tout le reste, on ne parle que de lui. On oublie même que, quelles que soient ses qualités et celles de ses soutiens visibles et invisibles, ce n’est pas par une élection — même, miraculeuse — que l’on redresse un pays atteint dans ses fondements les plus profonds et qu’on soigne une société malade de son pouvoir et d’elle-même. Bertholt Brecht disait : «Celui qui se bat n’est pas sûr de gagner. Mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu». Mais tout de même, il y a se battre et se battre… Pour qui ? Contre qui ?
A. M.

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