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Rubrique Kiosque arabe

Al-Nihaya, rêve ou cauchemar ?

En 1994, le feuilleton égyptien Raafat El-Hagan a défrayé la chronique, contribuant, du même coup, à faire des séries du Ramadhan, produites en Égypte, l'élément essentiel d'un jeûne parfait. Le personnage avait réellement existé sous le patronyme de Rafat Ali Suleiman Al-Djamal, né à Damiette (Égypte), le 1er juillet 1927, et mort en exil en Allemagne le 30 janvier 1982. 
Le feuilleton raconte les aventures d'une taupe implantée en Israël par les Égyptiens, et qui avait joué un rôle décisif dans les premiers succès militaires remportés par l'Égypte contre Israël, en 1973. L'espion avait réussi à se frayer une place dans la société israélienne, sous plusieurs identités, et il avait ainsi donné des informations sur la ligne Bar-Lev, édifiée par les Israéliens sur le canal de Suez. Rafat Al-Heggane, réalisé par le cinéaste Yahia El-Eulmi, d'après un scénario de l'écrivain Salah Morsi, et porté par l'immense acteur disparu Mahmoud Abdelaziz, inaugurait la guerre des séries. 
Quinze ans auparavant, Israël et l'Égypte avaient signé un traité de paix, annoncé par les accords de Camp David, signés le 17 septembre 1978, côté égyptien par le Président Anouar el-Sadate. Le traité de paix égypto-israélien, unanimement dénoncé à son époque, alors qu'il se révèlera moins coûteux et moins préjudiciable que les accords Israël-Palestine conclus en 1993 à Oslo.
Par le traité de paix avec Israël, l'Egypte récupéra le Sinaï, occupé depuis 1967, alors que les accords d'Oslo réduisirent le territoire palestinien à la portion congrue, mais c'est Sadate qui fut tué. En 1994, un feuilleton comme Raafat El-Hagan illustrait parfaitement l'enlisement dans les relations entre l'Égypte et Israël, diplomatiquement en paix, mais toujours en guerre au cinéma. Côté égyptien, il s'est agi surtout de renforcer le front intérieur et d'entretenir un climat d'hostilité envers Israël, que les accords de paix et les échanges d'ambassadeurs n'ont jamais pu améliorer. Cette année, l'Égypte a frappé fort avec Al-Nihaya, du réalisateur Yasser Sammy, une série de 30 épisodes qui fait sans doute plus de bruit que Raafat El-Hagan, parce que son titre renvoie à une «fin», celle d'Israël. Comme les feuilletons du Ramadhan commencent souvent au réveil, on y voit un jeune couple endormi dans une chambre à coucher, tout ce qu'il y a de plus normal, puisque réservée au sommeil. Ce qui est d'autant plus réel, et sans doute moins vraisemblable, c'est que l'époux sort discrètement du lit, pour ne pas réveiller sa femme, assoupie, et dont on ne voit que les cheveux tressés. Les choses se compliquent dans la salle de bains, où le miroir et le robinet d'eau restent muets au survol, mais notre homme a de la ressource, et il sort de son cartable une cassette-fusible.
Grâce aux progrès de la domotique, tout s'allume, y compris dans la chambre à coucher où la dame, qu'on découvre enceinte, et près du terme, est subitement réveillée par l'afflux de lumière. Salle de bains : le miroir s'allume  et une voix annonce qu'on est le mardi 7 août 2120, brossage électrique des dents, puis la dame fait sa toilette à son tour avant de s'occuper de la lessive. Tout est automatisé, puisque nous sommes en 2120, et que le maître d'école, qu'on a aperçu sur un plan furtif au début, est de retour et raconte à ses élèves comment l'État israélien a disparu. La énième guerre israélo-arabe a abouti, puisque la ville d'Al-Quds a été libérée, et que l'immense majorité des citoyens juifs a fui la région pour rejoindre principalement les pays d'Europe. Pourquoi? Tout simplement parce que les États-Unis sont inhospitaliers à cause d'une guerre civile qui fait rage, et qui marque le début du dépérissement de l'empire américain. Donc, nous sommes à Al-Quds qu'un pays arabe a libérée, après avoir fait usage de l'arme nucléaire, on ne nous dit pas qui est ce pays, mais il suffit de regarder, et surtout d'écouter. Tout est parfait donc, puisque l'ennemi juré, comme dit le commentaire, n'est plus et que les Arabes peuvent, enfin, construire le paradis qu'ils se promettaient et que contrariait un seul obstacle, Israël. Mais le rêve va vite virer au cauchemar.
Une milice armée débarque dans l'école qu'on vient de voir et qui est en réalité une école clandestine qui fonctionnait à l'insu des autorités qui ne sont pas celles qu'on pouvait croire. La milice, habillée d'uniformes noirs, abat froidement un enfant qui essayait de s'enfuir  et lance un avis de recherche relayé par drones sur un mystérieux enseignant. On commence à comprendre que ce n'est pas l'arrière-petit-fils d'Abou Mazen qui dirige tout, mais un pouvoir tyrannique qui veut imposer ses règles et ses méthodes d'enseignement. On découvre aussi, que l'intelligence artificielle a aussi fait des progrès puisque le bon Dr Frankenstein a fait école, et qu'on peut acheter des pièces de rechange en boutique. On apprend, enfin, que face aux uniformes noirs qui sont les méchants, et ils en font assez pour nous en persuader, il y a des hommes en blanc, surgis directement de la saga Star Wars. Ce sont les gentils en apparence, mais pas si gentils que ça, puisqu'on découvre dans le troisième épisode que le personnage principal qu'on a vu au saut du lit découvre qu'il a été drogué. Entre-temps, la dame qui cherchait des pièces de rechange pour l'homme qu'elle aime l'a reconstitué, et il ressemble comme un clone à notre héros, interprété par Mustapha Cherif. Au quatrième épisode que j'ai pu suivre de bout en bout, j'ai commencé à y voir un peu plus clair : deux groupes industriels se disputent l'ingénieur électronicien, mais ce sont les blancs, qui détiennent le vrai alors que les noirs, côté obscur de la force, n'ont mis la main que sur le clone.
Le seul moment où Israël est évoqué, c'est au tout début par le récit d'un enseignant qui raconte un fait d'histoire à ses élèves, à savoir la disparition de l'État d'Israël et la libération de Jérusalem. D'où la difficulté à comprendre la réaction indignée des Israéliens qui ne veulent même pas admettre qu'une série de science-fiction, ainsi est classifiée Al-Nihaya, évoque la fin de leur État. Le seul résultat qu'ils ont obtenu est d'attirer plus de téléspectateurs vers la chaîne satellitaire qui diffuse le feuilleton, alors qu'en dépit de tous les poncifs, et trouvailles, empruntés ici là, il reste très ordinaire. 
Le scénario est tel qu'on peut se demander si le rêve arabe, la libération d'Al-Quds, ne s'est pas transformé en cauchemar. Malgré tout, les gens, comme les Égyptiens et les Palestiniens, ont le droit de rêver par eux-mêmes puisque personne ne rêve pour eux, comme c'est le cas pour Israël, qui veut même nous dire de quoi rêver. 
A. H.

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