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Rubrique Kiosque arabe

Chagrins et délires du football

D’accord pour soutenir l’Australie contre la France, en souvenir de ce bateau qui devait tous nous y emmener, au pays des kangourous, loin de cette Algérie que nous essayons en vain de fuir. Dans ce réflexe cyclique anti-français, il y a évidemment la part de notre histoire qui nous fait oublier celle des autres, à savoir que l’Australie, c’est un colonialisme qui a réussi (comme dirait l’inoxydable Kamel Daoud). Mais l’Arabie Saoudite ? A l’unanimité, tout ce qui parle l’Arabe, de l’est à l’ouest, surtout à l’ouest, a jubilé après la défaite cuisante des Saoudiens face aux Russes. Côté marocain, chacun des cinq buts encaissés par l’équipe saoudienne est passé comme une gorgée de miel, avec un arrière-goût de revanche aussi douce. La veille, en effet, plusieurs pays frères et même très frères, pour ce qui concerne le royaume voisin, ont commis la plus infâme des trahisons footballistiques, en votant contre le Maroc. Ce dernier présentait un nouveau dossier de candidature à la Fifa pour l’organisation de la Coupe du monde de 2026, et il avait une petite chance, toute petite, de l’emporter contre la coalition américaine. D’aucuns parmi nous ont dénoncé avec une rare promptitude la traîtrise des monarchies du Golfe, tout en déplorant l’absence d’une candidature commune au Maroc et à l’Algérie.(1)
Appel du pied aussitôt ignoré, voire suivi d’un coup de pied, si j’ose dire, avec l’instruction royale enjoignant aux responsables marocains de revenir à la charge et à postuler pour l’année 2030. Nos responsables, en général, et ceux de notre football, en particulier, ont encore gâché une occasion de se taire, suivant ce qui semble être devenu un réflexe conditionné. Quant au peuple des citoyens, supporters de tribunes et de salons réunis, on devine derrière le soutien indirect aux Russes des motivations qui ne doivent rien au football. Les démocrates de gauche, libéraux, plus ou moins laïques, se sont rangés derrière l’équipe russe par phobie du wahhabisme (hâtivement assimilé à l’islamophobie) ou pour le soutien de Poutine à la Syrie.(2) C’est d’ailleurs dans cette catégorie que se recrute une bonne partie des candidats au pèlerinage à La Mecque, lorsqu’il faut jouer les prolongations avec les jambes lourdes. Il y a, enfin et surtout, le bon peuple sous influence qui regarde vers la Palestine, pour ne pas voir Ferhat Mehenni, et qui croit encore que le califat a de beaux jours devant lui. Ce bon peuple, pieux et taillable, voit l’Arabie Saoudite comme un allié d’Israël et de l’islam providentiel des Frères musulmans, ce qui ne l’empêche pas de se ruiner pour un pèlerinage.
Quant aux causes de la défaite saoudienne, on a su dès la fin du match, auquel a assisté le prince Mohamed Ben Salmane à la mine déconfite, que la faute incombait principalement aux joueurs. Le président de la fédération saoudienne, Adel Ezzat, a annoncé des sanctions contre certains éléments, «coupables d’erreurs techniques» injustifiables au vu des moyens mis à leur disposition. Il a rappelé à cet égard la nomination en novembre dernier du «meilleur staff technique du monde», dirigé par l’Argentin Juan Antonio Pizzi, qui a remporté la Coupe des confédérations avec le Chili, en 2016. Adel Ezzat aurait pu ajouter l’énorme cerise sur le gâteau qu’a constituée la fatwa exceptionnelle autorisant joueurs, accompagnateurs et supporters à ne pas jeûner. En dépit de cela, certains joueurs saoudiens ont paru harassés par le jeûne, en ce dernier jour de Ramadhan, et on a vu quelques-uns s’effondrer au moindre contact avec un adversaire. On en saura plus dans les prochains jours sur la réalité de ces «erreurs techniques» commises par les joueurs, mais ces derniers souffrent de la comparaison avec les joueurs égyptiens. Certes les «Pharaons» ont joué le jour de l’Aïd, et même s’ils ont perdu in extremis, ils ont quand même mieux résisté physiquement, face à une équipe d’Uruguay réputée pour sa rugosité.
Les Égyptiens aussi avaient été autorisés à s’alimenter au cas où les Saoudiens auraient décidé de nous faire célébrer l’Aïd le samedi contre toute attente, mais sans trop le crier sur les toits. A quelques jours du Mondial, un imam retraité, ancien président du comité de la fatwa d’Al-Azhar, avait provoqué un certain émoi dans les vestiaires, en annulant une fatwa locale. Le cheikh Abdelhamid Al-Atrache a été très loin en affirmant que tout joueur qui romprait le jeûne se mettrait hors de l’Islam et s’exposerait à être condamné à mort pour apostasie. Alors que la question du jeûne des footballeurs fait l’objet d’un grand débat, le mufti de la république, Chawki Allam, a finalement tranché en autorisant les joueurs de l’équipe d’Égypte à s’alimenter. Autorisation tout à fait théorique, puisque l’équipe nationale égyptienne n’est entrée en lice que le vendredi, jour de l’Aïd, en vertu de l’apparition attestée du croissant lunaire. Le quotidien Al Misri Alyoum s’est ému de cette prise de position extrémiste qui met l’imam retraité sur la même ligne que Daesh ou d’autres factions terroristes du même genre. Le chroniqueur Yasser Ayoub évoque à ce sujet le cas de la star Mohamed Salah qui s’était alimenté durant trois jours avant la finale de la Ligue des champions, perdue par Liverpool, face au Real de Zidane. Si on se place du point de vue de cet ancien cheikh d’Al-Azhar, il faudrait considérer Salah comme un apostat et le traiter en tant que tel, en attentant à sa personne, ajoute-t-il.
Au reste, Abdelhamid Al-Atrache n’en est pas à sa première sortie du genre puisqu’il avait déjà demandé en avril dernier de reporter le déroulement de la Coupe après le Ramadhan. En 2016, lors d’une polémique sur le couronnement d’une reine de beauté égyptienne, il avait affirmé que ce genre de manifestation était «haram», et devait être prohibée. Auparavant, il avait proféré d’autres inepties comme celle qui consiste à dire oui à la réforme du discours religieux, mais à condition de ne pas toucher aux constantes (thawabite) comme le Coran et les hadiths. Or, c’est précisément aux hadiths qu’entend s’attaquer l’Arabie Saoudite, à l’initiative du prince héritier, pour en extirper tout ce qui peut inciter à la violence et au terrorisme. Devant ce délire collectif, et en attendant que le surérogatoire devienne essentiel et tâche d’envergure nationale, il est vain d’attendre une solution de celui qui a créé le problème.
A. H.

  1. Je vous recommande vivement de lire au sujet des chances de l’Algérie d’organiser un jour une Coupe du monde, la chronique de notre confrère Meziane Ourad, sur lematin.dz.
  2. Comme nous sommes confrontés à l’alternative du pire, il nous faut choisir entre le maintien d’une dictature dans un pays debout et l’espérance illusoire de l’avènement d’une démocratie sur un champ de ruines
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