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Rubrique Kiosque arabe

Daesh derrière le bouclier d'Erdogan

Les Algériens qui s'opposent aux tenants de l'Islam politique sont aussi hostiles au voile, considéré, à raison, comme l'un des emblèmes de l'influence et de l'emprise des islamistes. Après l'élection de Kaïs Saïed, comme Président de la Tunisie, des internautes algériens ont fait part de leurs inquiétudes, fondées si l'on s'arrête au soutien que lui a apporté Al-Nahdha. Ajoutons à cela l'étiquette de conservateur que les médias étrangers, principalement français, lui ont collée, sachant qu'au sens commun conservateur peut signifier aussi fondamentaliste. Il est vrai qu'avec sa dégaine austère et son physique à l'avenant, personne n'a pensé au Medjnoune Laïla, le Roméo arabe, dont ses parents lui ont attribué le prénom Kaïs. Bien sûr l'idée a circulé sitôt que les premières photos de la nouvelle Première dame de Tunisie ont circulé sur les réseaux sociaux, mais, ô surprise, Madame la Présidente n'est pas voilée ! Toute idée d'une vieille romance entre Ichrafi ou Achrafi (c'est le prénom de Mme Saïed) et Kaïs écartée, les internautes ont manifesté leur joie devant le portrait de la dame dévoilée. Cette joie, annonciatrice du soulagement qui suit une grosse frayeur, vaut tout de même reconnaissance implicite du rôle dominant que jouent les épouses tunisiennes. Toutefois, et jusqu'ici, rien n'est venu étayer cette séduisante théorie.
Plutôt démagogique que romantique, Kaïs Saïed nous a fait le coup de « Medjnoune Falastine », en faisant du vieux avec Choukeiri et en marquant la rupture avec Bourguiba. Cela dit, il ne faut pas perdre de vue que les Tunisiens sont d'aussi furieux Palestiniens que les Algériens, et qu'ils n'ont jamais oublié l'assassinat d'Abou Iyad par les Israéliens à Carthage.(1) Reste à savoir ce qu'il va faire de certaines avancées de la Tunisie, concernant les droits des femmes, et en particulier le projet révolutionnaire de Caïd Essebci, en matière d'héritage.
Certains réseaux sociaux ont fait dire aussi au nouveau Président tunisien qu'il soutenait l'invasion militaire turque en Syrie, qui vise théoriquement à mettre fin à la présence kurde.(2) Certains internautes sont sans doute allés à des conclusions hâtives et des théories, suscitées à la fois par le soutien d'Al-Nahdha à Kaïs Saïed et par les échos favorables en Turquie. Si elle était la position du chef de l'État tunisien, elle irait à l'encontre de l'opinion dans les pays arabes qui voit dans l'offensive turque une résurgence des ambitions du califat ottoman. D'ailleurs, ni Erdogan, ni les autres responsables politiques turcs qui le soutiennent ne cachent leur rêve de reconstituer l'ancien califat ottoman, aboli le 1er novembre 1922, par Kemal Atatürk.
Les dirigeants turcs ont d'ailleurs des objectifs bien précis concernant aussi bien l'Irak que la Syrie, et qui ont été récemment exposés par le ministre de l'Intérieur à des réfugiés de Syrie. Il a affirmé que 62% des exilés syriens en Turquie venaient du « Misak'i milli » (Charte nationale), c’est-à-dire la wilaya ottomane d'Alep et non le gouvernorat syrien actuel d'Alep. La wilaya ottomane revendiquée englobe l'actuel Alep, Idleb, des portions du gouvernorat de Raqa et Dir Ezzour, ainsi que toute la bande frontalière actuelle entre la Turquie et la Syrie. Le ministre a encore indiqué que l'opération militaire turque en cours n'avait pas des objectifs limités puisque toute une armée était engagée, avec ses équipements terrestres et aériens, ainsi que sa logistique. Il a surtout précisé que l'accord d'Ankara de 1926/1927 entre la Turquie, d'un côté, la Grande-Bretagne, et la France de l'autre, octroyait à la Turquie le droit d'annexer les wilayas d'Alep et de Mossoul. Ceci au cas où les territoires de la Syrie et de l'Irak seraient menacés de scission et de morcellement en plusieurs mini-Etats. Or, c'est très probablement ce qui risque d'arriver dans la situation actuelle puisque l'île de l'Euphrate, par exemple, a des revendications séparatistes, outre la présence d'une milice turque. Or, cette portion de territoire syrien, où cohabitent plusieurs ethnies, est justement située dans le gouvernorat de Dir Ezzour, cité comme cible potentielle par le ministre turc.
En attendant que le rêve de l'Empire ottoman se réalise, le rêve de grandeur et de conquête de Daesh se confirme puisque la résurgence de l'organisation islamiste n'est plus une théorie. En septembre dernier, le « calife » de Mossoul, Al-Baghdadi, qui compterait sur 15 000 combattants, selon des sources américaines, se prépare à la contre-offensive. D'ores et déjà, des centaines de terroristes et leurs familles se sont enfuis des camps de détention, tenus par les Kurdes, profitant des opérations militaires lancées par la Turquie. En septembre dernier, Al-Baghdadi a lancé un appel à ses combattants prisonniers en Irak et en Syrie, leur demandant de s'enfuir des camps, où les conditions sont assez souples. Il faut sans doute rappeler que c'est à partir des prisons irakiennes que Daesh s'est lancé en 2013 à la conquête de Mossoul et d'une partie notable de l'Irak et de la Syrie. Depuis 2014, ils n'ont trouvé face à eux que les combattants kurdes qui leur ont repris une à une leurs principales places fortes, mais la Turquie, alliée providentielle, a repris sa place dans le jeu. On dira plus tard comment Daesh est reparti en guerre grâce au bouclier d'Erdogan.
A. H.

(1) Salah Khalaf, Abou Iyad de son nom de guerre, l'un des fondateurs du Fatah, a été assassiné le 14 janvier 1991 à Carthage par un commando israélien.
(2) Certainement une de ces fake-news, ou informations truquées, très courantes sur Facebook et sur les réseaux sociaux, et qui sont souvent reprises et diffusées sans autre souci de vérifier leur authenticité.
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