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Rubrique Kiosque arabe

Des séries aux normes d'Israël

Face au coronavirus, nom de code Covid-19, tout le monde n'est pas logé à la même enseigne, et j'en veux pour preuve l'écart terrible, aux conséquences dramatiques, entre la France et l'Égypte. Alors qu'en France le fameux gel hydroalcoolique, tueur de virus, est aussi introuvable dans les pharmacies que son complément, le masque en tissu préventif, les Égyptiens en ont à profusion. Le gel si rare dans un pays censé être développé, et membre de tous les clubs de riches, est disponible dans un pays «en voie de développement» comme l'Égypte, jusque dans les prisons. C'est ainsi que Chadi Habbache, auteur d'un clip satyrique, «Balaha», brocardant le président Sissi, et détenu depuis 2018, s'est tué lui-même, samedi 2 mai, en buvant du gel par erreur. C'est du moins la version donnée par les autorités, faute de croire que Chadi Habbache ait pu être assez naïf pour suivre à la lettre le conseil du président Trump et se soigner au désinfectant. D'où la préoccupation de pays avancés comme la France qui découvrent que le gel hydroalcoolique, introuvable dans leurs pharmacies, est à la portée de tous les détenus politiques en Égypte. Le pays est notoirement connu pour sa surpopulation carcérale, et l'état des prisons s'est davantage détérioré ces dernières années, avec les arrestations d'opposants politiques. En avril dernier, l'OMS avait appelé à libérer des prisonniers pour éviter une catastrophe sanitaire.
En dehors de cet incident dramatique, le Covid-19 a également eu des incidences sur le nombre et la qualité des traditionnels feuilletons égyptiens qui égrènent les nuits blanches du Ramadhan. Cela dit, même si la pandémie est une bénédiction pour certains, on ne peut pas lui imputer tous les autres malheurs, et notamment la médiocrité de certaines productions télévisuelles, ici et là. La semaine dernière, j'avais évoqué l'incomparable navet saisonnier commis par un réalisateur égyptien, et qui se voulait être une fiction scientifique futuriste anticipant la libération d'Al-Quds. Étonnamment, personne n'a protesté contre le gaspillage d'argent, de temps et d'énergie, pour arriver au résultat que diffuse la chaîne satellitaire ON TV : un patchwork de séries américaines.(1) 
On y voit des reprises de surveillance, et de trackins, des objets volants plus ou moins identifiés, et même un masque dissimuler la partie du visage disparue  chez l'un des méchants de la série. Mais qui a trouvé matière à redire, comme toujours ? C'est évidemment Israël qui ne veut même pas qu'il soit question de sa disparition en tant qu'État sioniste, même dans une série de fiction.(2) Il n'est même pas permis d'en parler comme dans la série Al-Nihaya, où la fin commence au début, si j'ose dire. En revanche, les médias israéliens ne tarissent pas d'éloges sur deux autres séries du Ramadhan non égyptiennes.
À tout seigneur, tout honneur, l'Arabie Saoudite, qui fait ami-ami avec Israël, en toute clarté, vu que son roi est le gardien des sanctuaires de l'Islam, et qu'il a l'omniscience et l'omnipotence. La série Makhradj 7 (Sortie 7) avec la star saoudienne Nasser Al-Qossabi  raconte l'histoire d'un père qui s'émeut de voir son fils adolescent se livrer à des jeux électroniques avec un Israélien. Plutôt bien accueilli par les médias arabes, le feuilleton diffusé par MBC a reçu un accueil chaleureux chez les Israéliens, et certaines chaînes lui ont consacré de longues séquences. Mais il a été très mal accueilli par les Palestiniens, à commencer par le plus réactif d'entre eux, Abd-Albari Attoine, le rédacteur en chef du journal électronique «Raï-Alyoum». 
Le journaliste met dans le même panier Makhradj 7 et Oum Haroun, feuilleton koweïtien, qu'il appelle les «deux jumeaux maléfiques», qui œuvrent à la normalisation avec Israël. À la longue, prédit-il, Israël finira par réclamer, et obtenir, le retour à Khaïbar, et sur les Lieux saints, notamment à La Mecque, et à exiger une part du pactole pétrolier, avec effet rétroactif. Oum Haroun raconte les aventures et la vie à Bahreïn d'une Juive docteur en médecine, dans les années quarante, c’est-à-dire avant la création de l'État israélien. Dans l'esprit de ses producteurs, il s'agissait de montrer comment Juifs et Arabes vivaient en bonne entente dans un des pays du Moyen-Orient, avant la spoliation de la Palestine. Mais les principaux concernés, à savoir les Palestiniens, n'ont pas eu le même regard. Notre confrère Mohamed Salama n'hésite pas à dire que ce feuilleton est une atteinte délibérée à une période importante pour la région arabe et pour la cause palestinienne en particulier. Oum Haroun est une image inversée des évènements, et ceux qui sont derrière son financement et sa diffusion n'ont pour objectif que de rendre service uniquement à Israël. Ce qui est sûr, c'est que les pays arabes peuvent encore rendre de signalés services à Israël, en continuant à produire des films et des séries bas de gamme, salués comme des chefs-d'œuvre.
A. H.

(1) Il y a quand même un confrère qui a encensé Al-Nihaya, et sans même s'être donné la peine de regarder au moins le 1er épisode, et c'est ce bon vieux Abd-Albari Attoine. Le super Palestinien, et hyper Arabe, ancien propriétaire du quotidien Al-Quds, cédé au Qatar, a salué Al-Nihaya, en ces termes : «Le feuilleton égyptien Al-Nihaya, qui est diffusé actuellement sur l'une des chaînes officielles égyptiennes, à l'occasion du Ramadhan, parle de la libération d'Al-Quds, et de toute la Palestine, ainsi que de la fuite des Israéliens vers leurs pays d'origine.» C'est un résumé que n'importe qui peut retrouver sur Wikipédia, et Abdelbari semble avoir cédé à cette facilité.
(2) De l'adaptation très orientée du roman de John Le Carré, La petite fille au tambour, à la série Fauda en cours sur Neflix, Israël a acquis une expérience et un savoir-faire indéniables en matière de valorisation de son image. Entre-temps, il y a eu le controversé Ange du Mossad censé prouver que le gendre de Nasser, Ashraf Marwane, célébré comme un héros en Égypte, était un agent double au service du Mossad israélien.

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