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Rubrique Kiosque arabe

Ghannouchi, pour regretter Saddam

Il y a à peine quelques semaines, une Algérie fraternelle, comme elle doit et comme elle sait si bien l'être, envoyait de l'oxygène à la Tunisie voisine, submergée par une nouvelle vague de la pandémie. Samedi dernier, le journaliste algérien d'un quotidien parisien m'informe qu'un meeting de solidarité avec l'Algérie avait lieu l'après-midi à Paris et à la Maison… de la Tunisie. Je n'ai pas été étonné, puisqu'un jeune cousin m'avait annoncé auparavant qu'une association de mon village natal avait déjà conclu l'achat d'un extracteur pour l'hôpital de Boghni. La vie est ainsi : on peut être riche le vendredi et même s'émouvoir des malheurs d'autrui, et se retrouver dans une situation de catastrophe le dimanche, faute de beaucoup de choses. Alors que l'Algérie cherchait son souffle, la Tunisie, elle, retrouvait le sien, comme par miracle et exprimait sa vitalité en remportant une médaille d'or aux Olympiades et en s'offrant un Président. Il était temps, pourrait-on dire, au spectacle de Kaïs Saïed, Président élu au suffrage universel, et donc légitime de ce point de vue, s'ingéniait à croire qu'il devait libérer la Palestine. Ainsi, pendant qu'il regardait vers le Moyen-Orient, et s'appliquait à lui faire admirer son arabe littéraire, un certain Ghannouchi, star d'Al-Jazeera, resserrait sa prise sur la Tunisie. 
Réveillé en sursaut par les craquements inquiétants dans la structure du vaisseau amiral, et par les miasmes de la corruption s'étendant de la cale au mât de misaine, Kaïs Saïed a donc repris la barre. Du coup, les porte-voix du parti islamiste tunisien qui tissait tranquillement les mailles de la toile intégriste à travers le pays, se sont évertués à crier à la dictature, toute honte bue. Bien entendu, il n'a pas fallu longtemps pour que leurs «frères» d'ici et d'ailleurs prennent le relais et crient à la dictature, sans crainte du ridicule, leur ambition étant justement d'asseoir la leur. Pardon, messieurs, mais vous utilisez votre lorgnette par le mauvais bout, vous devriez réfléchir à regarder, enfin, ce qui se passe sous votre balcon, comme vient de le faire Kaïs Saïed! Un autre coup d'œil aux étages supérieurs serait le bienvenu, et vous montrerait sans doute ce qui se passe sur les hauteurs auxquelles vous aspirez, en prélude au paradis que vous espérez. Jusqu'à ce sursaut que je ne qualifierais pas de salutaire ayant déjà été échaudé, je voyais plutôt Kaïs Saïed comme un islamiste frileux, en proie à des irruptions d'images de Saladin. Mais là, je suis agréablement étonné par ce retour plutôt brutal à la réalité, et cette décision d'un Président jusque-là velléitaire d'assumer enfin les missions pour lesquelles il a été élu.
Quant au chef du parti Al-Nahdha, Ghannouchi, ce coup d'arrêt à ses ambitions démesurées et à son coup d'État rampant a fait quelques malheureux, à Alger comme Mokri, et à Doha. Mais laissons de côté Istanbul et ses «frères musulmans», ce qui nous ramènerait encore à l'Égypte, et je ne veux pas contrarier certains de mes lecteurs qui ne voient ce pays que par Chechnaq. En dehors de la poignée de mécontents, et qui le font savoir, il serait intéressant de connaître les réactions de certains de nos confrères arabes, et je me suis arrêté à celle d'Ali Sarraf. Ce chroniqueur irakien, exilé à Londres comme opposant au régime défunt, mais regretté parfois de Saddam Hussein, pose d'entrée la question : «Comment les médias qui ont fabriqué un homme (Ghannouchi) peuvent échouer en fin de compte à le sauver ?» Ou le titre éloquent «Ghannouchi et le génie de l'échec», de l'article paru dans le quotidien londonien Al-Khabar, et qui met en relief l'échec des médias, Al-Jazeera en tête. Et il en revient à cet incident aussi scandaleux qu'inhabituel, sur lequel des médias arabes et internationaux ont observé un silence aussi inhabituel, voire complice. «Comment est-il possible, s'interroge notre confrère, qu'un député islamiste se lève tranquillement et aille asséner des coups de poing à une collègue, sous les yeux du président du Parlement ?» 
«Parce que, dit-il, c'est la vision qu'ont les islamistes d’un travail parlementaire, et le ring de boxe est quelque chose de naturel dans la culture de Ghannouchi. Ce comportement scandaleux n'est qu'un des aspects de cette culture au nom de laquelle le peuple tunisien n'a cessé de recevoir des coups de poing.» Pour Ali Sarraf, la culture de la prédestination, de la fatalité, voire du châtiment divin inévitable, a révélé son échec, même aux yeux de ceux qui ont donné la présidence du Parlement à Ghannouchi. «S'il est vrai que certains succès ont besoin de génie, l'échec aussi obéit parfois à des coups de génie. Et force est de reconnaître qu'il y a du génie dans la gestion de Ghannouchi, selon qu'il ait été au premier plan ou à l'arrière-plan, le génie de l'échec qui a mené la Tunisie au bord de la faillite», conclut le journaliste irakien. Il me reste à vous dire quelques mots concernant notre confrère dont j'ai découvert un article de 2006 qui a constitué un revirement par rapport à tout ce qu'il avait écrit par le passé. Au lendemain de la condamnation à mort de Saddam Hussein, après un procès expéditif et son exécution pour le moins étrange, Ali Sarraf avait dénoncé les conditions du procès. 
Il avait évoqué sobrement ce qu'avait été l'Irak de Saddam l'autocrate, notamment la nationalisation du pétrole, l'école obligatoire, avec ce qu'il était devenu avec la «démocratie». Il avait conclu qu'aux yeux de ceux qui l'ont condamné, Saddam méritait effectivement la mort puisqu'ils se sont empressés de revenir aux luttes de factions, aux enfants vendant des cigarettes dans les rues au lieu d'aller à l'école, etc. C'est vrai que dans nos pays, chaque nouvelle étape parvient à nous faire regretter la précédente, tant nos gouvernants s'acharnent à nous faire oublier la noirceur de leurs prédécesseurs.
A. H.

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