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Rubrique Kiosque arabe

Ibn-Taymia et l'oiseau sur sa branche

Clap de fin pour les séries arabes du Ramadhan, en attendant les rediffusions des jours sans et les suites judiciaires pour Al-Nihaya, au scénario largement inspiré d'un roman de Waciny Laredj. Comme promis, l'auteur de 2084 - L'histoire du dernier Arabe, a attendu de voir le dernier épisode du feuilleton égyptien, diffusé la nuit du doute, afin de dissiper éventuellement les siens. Le plagiat n'avait pas d'odeur comme les pièces d'argent de Vespasien, mais les emprunts au roman original du romancier algérien étaient tellement criants que le doute n'était plus permis. Mardi 26 mai, Waciny Laredj publiait sa première riposte officielle dans le quotidien londonien Al-Quds auquel il collabore régulièrement, et il revenait sur les soupçons émis par ses lecteurs. Il annonçait également qu'il avait pris certaines dispositions, notamment avec son éditeur libanais, et qu'il avait élaboré un dossier concernant le plagiat, afin de rétablir ses droits d'auteur. Il ne s'agit plus d'emprunts plus ou moins limités ou d'inspirations suscitées par des passages du livre, mais de plagiat manifeste et intentionnel, jusqu'à faire du roman la matière vive de la série. C'est ce qu'a réaffirmé vendredi dernier l'écrivain lorsqu'il est revenu sur le sujet, lors d'un échange avec les internautes, animé en direct sur sa page Facebook, et qu'il a dénoncé la spoliation.
Waciny Laredj a finalement bien fait de suivre Al-Nihaya jusqu'au dernier épisode puisqu'il a eu le loisir de découvrir que l'auteur de la série, Youssef Cherif,(1) avait suivi le roman jusqu'à la fin. Ce n'est pas la première fois, du reste, que le cinéma et même le théâtre plein de vitalité de l'Égypte emprunte aux œuvres étrangères et principalement aux films produits en Occident. Qui n'a pas vu, au moins une fois, la magnifique pièce de théâtre égyptien Madrassat Al-Mouchaghibine (L'école des cancres), portée par une pléiade d'acteurs.(2) Tout en dénonçant la plagiat dont il a fait l'objet, Waciny Laredj s'est abstenu de porter un jugement sur la qualité de la série elle-même, se contentant de relever les similitudes avec son roman. Toutefois, Al-Nihaya a échappé aux foudres de la critique, simplement parce qu'il a évoqué comme une certitude, et par la voix d'un maître d'école, la disparition de l'État sioniste d'Israël. En revanche, la fin apocalyptique de la série, réplique exacte du cataclysme nucléaire, décrit dans le roman 2084- L'histoire du dernier Arabe, n'a pas ému grand monde. Elle aurait dû pourtant interpeller nos confrères égyptiens qui s'opposent, avec la dernière énergie, à la normalisation des relations avec Israël, un Etat avec lequel l'Égypte a des relations diplomatiques. Pourquoi donc se donner la peine de faire disparaître Israël, par l'arme nucléaire, si c'est pour en finir, ensuite, avec l'humanité ?
Il faut dire qu'en suivant les chaînes de télévision égyptiennes ou consacrées à l'Égypte, on voit bien que l'ennemi principal du moment n'est pas Israël, mais le terrorisme, au Sinaï et en Libye. Braqués sur ce feuilleton agitateur, frauduleusement et mal adapté du roman d'un écrivain algérien, les téléspectateurs des pays arabes ou considérés comme tels n'ont pas vu Le Choix. Al-Ikhtiar, une série à la gloire des soldats d'élite égyptiens qui se battent contre le terrorisme islamiste dans le Sinaï, avec comme personnage principal un officier martyr de la «Saiqa», Ahmed Al-Mensi. Le film semble avoir bénéficié d'une mansuétude particulière de la part des autorités, puisque certaines scènes de bataille sont émaillées d'images prises sur le vif et en temps réel par des militaires. Il faut dire qu'à ce niveau, l'armée égyptienne et le gouvernement entretiennent un véritable culte des martyrs, même si, dans les images diffusées çà et là, le maréchal Sissi nous fait des clins d'œil. Nonobstant l'image idéalisée du pharaon, les Égyptiens ont édifié de véritables mausolées à leurs officiers, soldats, et policiers, tombés dans la lutte contre le terrorisme pratiqué par les islamistes. Aucun terroriste, encore en vie ou repenti, n'aurait l'outrecuidance de se vanter publiquement d'avoir tué de ses propres mains un soldat d'élite ou un conscrit, cela est inconcevable en Égypte et surtout actuellement.  
L'Égypte, qui menace sans ambages d'intervenir directement en Libye, semble s'y préparer médiatiquement en entretenant la mémoire des martyrs et en diffusant des passages de l'Ikhtiar.
Mais comme dans tous les pays arabes, où tout bon dirigeant soucieux de se maintenir et de durer invoque, à tout bout de champ, l'Islam, les réalisateurs du feuilleton ont cédé à la tentation. Non contents de nous montrer des exemplaires du Coran, traînant dans quelque bureau ou salle de garde, ou de filmer des scènes de prière avant la bataille, ils en ont rajouté, et ça fait des couacs. Comme cette idée saugrenue de montrer le sermon d'un cheikh célébrant les mérites d'Ibn-Taymia, alors que le théologien est connu comme l'un des inspirateurs de ce qu'il y a de plus violent dans l'Islam politique. Des voix se sont élevées contre cette glorification a contrario du théologien, vénéré comme «cheikh de l'Islam» par les intégristes, un «cheikh capable d'excommunier un oiseau sur sa branche».(3) Quant aux défenseurs d'Ibn-Taymia, je pense que je ne vous apprendrai rien en vous disant que ce sont des cheikhs d'Al-Azhar, pour la grande majorité d'entre eux. La seule fois où Al-Azhar n'a pas suivi Ibn Taymia, c'est lorsque son recteur a refusé d'excommunier Al-Qaïda, et c'est en son nom que les terroristes égyptiens tuent en Égypte. 
A. H.

1) Un nom, celui de Youssef Cherif, ou plutôt le pseudo de l'acteur vedette de la série, présenté comme l'auteur de «l'idée» d'Al-Nihaya, apparaît invariablement au générique de chaque épisode. De son vrai nom, Mohamed Ismail Nadji, l'acteur a déjà à son actif un rôle principal dans le dernier film de Chahine, Hia Fawdha (C’est le chaos), réalisé avec son élève et assistant, Khaled Youssef. Selon Sahrt Essayagh, sa partenaire et son épouse dans la série, Youssef Cherif a introduit dans son contrat d'acteur une clause qui lui interdisait tout contact physique avec ses partenaires féminines.
2) La pièce a été jouée la première fois en 1973, avec, entre autres, Adel Imam, toujours bon pied bon œil, et les regrettés Ahmed Zaki, Said Salah, et Younes Chalabi. L'auteur de la pièce, l'écrivain satirique Ali Salem, a reconnu lui-même qu'il s'était inspiré du film britannique Les Jeunes fauves (1967).
3) Remarque entendue dans le film  et de la bouche d'un libre penseur, Yahia Tidjani, qui ressemble étrangement, au physique et au moral, au scénariste du film, Ibrahim Aïssa. Le film est disponible sur YouTube, mais si vous pensez que le voile est une prescription divine, inutile de vous déranger.  

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