Placeholder

Rubrique Kiosque arabe

L'égalité n'est pas une faveur !

Les Tunisiennes ont manifesté samedi dernier devant le Parlement de leur pays pour réclamer l'égalité avec l'homme en matière d'héritage. Qu'elles aient été des centaines ou un millier, selon les estimations de presse, ces dames n'étaient pas aussi nombreuses qu'elles devaient l'être. En Tunisie, comme partout ailleurs dans le monde, dit arabe et musulman, il y a aussi des opportunistes et des religieux, ou les deux réunis, qui poussent en sens inverse ou attendent que le fruit soit mûr. Mais les Tunisiennes, heureusement pour elles, ne prennent pas en compte ces considérations, et reviennent régulièrement à la charge pour arracher leurs droits. Cette fois-ci, il s'agissait de revendiquer un moratoire, sinon l'abolition, d'une disposition de la Charia qui accorde à la femme la moitié seulement de l'héritage, même si c'est elles qui l'ont fait fructifier. Or, il en faut du courage, par ces temps de religiosité frileuse, pour remettre en cause une instruction divine, puisque la succession est codifiée par des versets explicites. Bien sûr, me direz-vous, nos pieux coreligionnaires oublient souvent d'obéir à des injonctions divines, pourquoi sont-ils attachés à celle-ci ? La réponse est que les premiers musulmans et leurs ci-devant héritiers, ne s'y sont pas attachés, mais qu'ils s'y sont résignés, après avoir contesté, en vain.
En Tunisie, comme chez ses voisins, lorsqu'on manque d'arguments pour convaincre du bien-fondé religieux du port du voile, on n'hésite pas à interpréter le Coran ou à citer un hadith douteux. On peut faire mieux, a fortiori, s'agissant de biens matériels suscitant envie et convoitise et suggérant d'en priver l'autrui féminin, avec un petit coup de pouce du Ciel. Les opposants à l'égalité, dans ce cas, ont donc beau jeu de brandir, suivis par leurs épouses, souvent spoliées aussi, un exemplaire du Coran, ouvert à la bonne Sourate. Sachant pertinemment que la colère divine est si éloignée, et donc pratiquement improbable, ils n'hésitent pas à l'invoquer. C'est la bonne recette, en particulier pour le voile, et on a là-dessus tout un florilège, du genre «le hidjab ou le châtiment (de l'enfer)», au cas où il ne serait plus de tuer pour ça. Toutes ces simagrées, propres à influencer des populations en panne de réflexion et d'idées, n'impressionnent pas ces femmes tunisiennes, agissantes, bien que minoritaires. En effet, des sondages récents montrent que la majorité des Tunisiens, hommes et femmes, ne sont pas d'accord pour l'instauration de l'égalité en matière d'héritage. L'argument religieux, à savoir les prescriptions divines invoquées pour refuser cette égalité, ne tient pas la route, lorsqu'on voit les images de la manifestation de samedi dernier, avec de nombreuses femmes voilées.
Deux jours après la «fête» et le folklore habituel du 8 Mars, les Tunisiennes ont donc célébré à leur manière la Journée des droits de la femme, en revendiquant effectivement l'intégralité de ces droits. Des militantes des droits de l'Homme et des associations féminines connues, comme Sana Benachour, étaient en tête de la manifestation avec ce slogan sans équivoque : «La Tunisie est un Etat civil, ce qui te revient, me revient.» L'universitaire tunisienne qui conjugue avec ses activités politiques l'action humanitaire a fondé une maison d'accueil des femmes dans la détresse. Elle a répliqué aux adversaires de l'égalité que la législation sur l'héritage, fondée sur la Charia était l'une des «dernières citadelles de la société patriarcale». Et elle a ajouté : «Il faut que l'égalité en matière de droits se concrétise, comme le stipule la Constitution de la deuxième République, adoptée en 2014, au lendemain de la Révolution de 2011.» Le Président tunisien Caïd Essebci avait mis en place en août dernier une commission des libertés individuelles, chargée d'examiner l'élaboration d'une loi modifiant les modalités de l'héritage. La commission devait rendre public un rapport dans ce sens, en février dernier, mais sa présentation a été reportée à juin prochain, sans doute pour laisser plus de temps à la réflexion.
En fait, il s'agit surtout de ne pas heurter de front le courant islamiste, puisqu'il est désormais question d'avancer, mais à «petits pas», vers la réalisation de l'égalité dans ce domaine. Au lieu de contraindre les citoyens par une loi, la commission préconiserait de laisser les familles décider, en respectant le principe d'égalité. Ce qui ne va certainement pas calmer l'impatience des femmes tunisiennes qui proclament depuis 2011 que «l’égalité est un droit et non une faveur». C'est une réplique au message qu'on serine depuis 1962 aux femmes algériennes à qui les hommes ont consenti un régime de faveur, faveur d'aller et de mourir au maquis, faveur de retourner aux fourneaux. Puis la faveur des faveurs : étudier et travailler, aller au Parlement pour garder le silence, ou bien dire des bêtises, et «tendre» enfin vers l'égalité, si lointaine. A condition de «redoubler d'efforts», bien sûr.
A. H.
Placeholder

Multimédia

Plus

Les + populaires de la semaine

(*) Période 7 derniers jours

  1. Coupe du monde de gymnastique L'Algérienne Kaylia Nemour s'offre l'or à Doha

  2. Trafic de drogue Un réseau tombe à Oran

  3. Demi-finale aller de la Coupe de la CAF Le match USM Alger - RS Berkane compromis, Lekdjaâ principal instigateur

  4. Le stade Hocine-Aït-Ahmed de Tizi-Ouzou pourrait abriter le rendez-vous La finale se jouera le 4 mai

  5. KFC Algérie ferme deux jours après son ouverture

  6. CNR Les retraités appelés à utiliser la technique de reconnaissance faciale via "Takaoudi"

Placeholder