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Rubrique Kiosque arabe

Parler de corde sans s’étrangler avec

Les médias égyptiens s’abstiennent de « parler de corde dans la maison d’un pendu », comme le veut le proverbe, et ils sont ultra-prudents dans le traitement de ce qui se passe en Algérie. Les commentateurs égyptiens veulent bien établir des comparaisons, mais sans se hasarder à traiter les questions de fond. Ainsi, lorsqu’ils parlent de Bouteflika, la comparaison avec Moubarak fait cliqueter le clavier, mais on ne se hasarde jamais à aller trop loin, et pourquoi se hasarder aussi loin ? Pour bien montrer qu’il s’agit d’un passé révolu, aussi bien pour eux que pour nous, nos confrères égyptiens aiment à rappeler que Moubarak aussi s’était engagé à ne pas se représenter. Il avait certes tenté d’imposer une succession de type dynastique, en mettant en avant l’un de ses fils les plus affairistes, mais il avait renoncé sous la pression de la rue. La comparaison entre les deux révolutions, celle du 25 janvier 2011 et celle du 22 février 2019, appelons-la ainsi en attendant mieux, se limite à la suspicion de la rue à l’encontre de deux hommes. La corde, qui peut étouffer en l’occurrence, c’est l’ambition des mandats présidentiels à vie, repoussée par la rue avec la même énergie, aussi bien pour Bouteflika que pour Moubarak. Le pendu, lui, se porte bien et même très bien, si j’ose dire, puisqu’il s’agit de l’actuel Président Sissi, qui menace de battre un record de longévité.
On peut comprendre, dès lors, la discrétion des journaux égyptiens qui ne se hasardent pas à trop insister sur les mandats de Bouteflika, alors que le Parlement prépare une rallonge pour Sissi. Et quelle rallonge, puisque la réforme constitutionnelle, ne parlons pas de chamboulement, prévoit même un « bonus » légal qui devrait permettre à l’actuel Raïs de le rester, pour 34 ans encore. Sachant que Sissi est âgé actuellement de 64 ans, cela devrait donner un âge assez raisonnable et correspondant à des normes algériennes, pour le moment, mais avec un avenir commun. La rallonge des mandats présidentiels reste toutefois un sujet d’actualité en Égypte, mais une actualité dissociée et même éloignée en termes de mise en page de l’actualité algérienne. Chronologiquement parlant, on peut se permettre d’aller au-delà de Moubarak, et même pousser jusqu’à Sissi en évoquant la lame de fond qui a balayé le « frère musulman » Morsi. On peut parler de soi, tout en montrant du doigt la voisine, un exercice propice aux exorcismes et autres abjurations qui ont toujours le don de rassurer à défaut d’offrir la solution. Et revoilà notre confrère du quotidien Al-Misri Alyoum, Suleimane Djawda, qui revient sur la composante des manifestations pacifiques du vendredi et nous fait part de ses soupçons.
Ces soupçons portent évidemment sur « la présence d’activistes islamistes infiltrés dans les marches et qui attendent le moment propice comme cela s’est passé chez nous, le 25 janvier 2011. Nous verrons, dit-il, mais le problème est qu’ils sont embusqués à l’arrière, comme ils l’ont fait ici et ailleurs dans la région, et qu’ils n’apparaîtront que dans le tableau final ». Comme cela s’est passé effectivement en Égypte où le mouvement des Frères musulmans a d’abord combattu la révolution du 25 janvier 2011, avant de l’utiliser pour accéder au pouvoir. Le journal saoudien Al-Watan relativise quelque peu le pessimisme de son confrère égyptien, et son éditorialiste Mohamed Al-Saïdi remarque l’absence de slogans islamistes.(1) Il observe que lors des manifestations, la jeunesse a scandé des slogans appelant à la démocratie et au respect de la Constitution, mais il n’a jamais été question de l’État islamique. Le journal rappelle les slogans de naguère qui revendiquaient l’application de la Charia et promettaient même « un Islam qui ne sera pas celui de l’Arabie Saoudite et qui sera enseigné en Orient et en Occident », ironise-t-il. Il s’étonne de ne plus voir tous ces slogans que brandissaient des islamistes, « empressés par ailleurs de lancer des injures à l’Arabie Saoudite, à son État, et à sa religion », et se demande où ils sont passés. « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Il faut que l’on sache comment la rue algérienne a abandonné le slogan de l’État islamique, pour demander une Constitution, la République, et la démocratie. C’est un grand retournement contre une idée qui dominait naguère l’opinion populaire, jusqu’à l’amener à donner 81% de ses voix au Front islamique du salut .» Mais tout en reconnaissant le rôle décisif des prêcheurs (wahhabites) dans la progression de l’Islam politique, Al-Watan admet que « l’Islamisme ne paie plus, tout en reconnaissant que les Algériens sont toujours attachés à l’Islam et qu’ils le resteront, Dieu merci. Tous ceux qui voient en l’Islam une religion complète ne font pas confiance aux partis et mouvements islamistes pour incarner l’Islam ou gouverner selon l’Islam. Aussi rejettent-ils ces partis et ces mouvements et non pas l’Islam en tant que religion». Un aveu implicite que trop de religion est souvent nuisible à la religion et surtout à ses prophètes autoproclamés. Voyons maintenant ce qu’en pensent les Qataris, en face, et dans le journal Al-Quds qu’ils ont racheté à son ancien propriétaire palestinien(2), et qui leur sert de support de propagande.
Dans sa rubrique actualité, le quotidien londonien accorde une large place aux tirs à l’arme lourde que le sieur Ahmed Ouyahia subit de la part de son frère Laïfa.(3) Ce dernier rappelle à son frère intra-utérin qu’il fait partie du problème et non de la solution, et qu’il devrait s’en aller, tout comme le système qu’il a servi fidèlement et trop longtemps . Il faut saluer cette déclaration de guerre « fratricide » qui marque les limites de la solidarité, quand une famille a identifié son ou ses moutons noirs. Un exemple dont devraient s’inspirer nombre d’Algériens qui ont des proches déjà enfoncés jusqu’au cou dans la gadoue.
A. H.

(1) Des internautes ont fait part de l’apparition de certaines banderoles islamistes et même des drapeaux turcs, ce qui reste à vérifier, mais le slogan « Dawla islamya harrachia » (État islamique harrachi) a été scandé, dans le quartier d’El-Harrach précisément.
(2) Abdelbari Atwane, fondateur du quotidien Al-Quds qui vient de déclarer à propos de Bouteflika que c’était « un mystique », détaché des plaisirs et des biens matériels de ce bas monde. On appréciera.
(3) Laïfa Ouyahia a tenu ces propos, diffusés aussi sur vidéos, dans le quotidien arabophone Al-Hiwar, du samedi 23 mars 2019.

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