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Rubrique Kiosque arabe

Un duo pas si intouchable que ça

Feu le calife de Mossoul, né Baghdadi, avait certainement à sa disposition une panoplie de Hadiths, à l'authenticité douteuse ou contestée, pour justifier ses meurtres et ses destructions. On suppose que son successeur en a hérité, lui qui surpasse en mégalomanie son ancien maître, puisque, en plus du nom de guerre habituel, il se réclame de sa parenté avec le Prophète. Il se dit Abou Ibrahim, juste pour nous dire qu'il a engendré un mâle, mais il en fait plus en faisant remonter son ascendance à la Maison des Hachémites et à la tribu de Koreïche. En toute humilité, bien sûr. Mais non content d'être plus titré que son prédécesseur, Abou Ibrahim Al-Hachimi, Al-Koreïchi promet d'être encore plus méchant que lui, surtout contre  les Américains. Dans le langage coloré habituel, il annonce à Trump que la potion amère que lui faisait avaler Al-Baghdadi ressemblera à de l'hydromel, à côté du calice qu'il lui fera boire jusqu'à la lie. La réponse du Président Trump ne surprendra pas grand monde, puisque, dès vendredi dernier, il a affirmé que les États-Unis savaient exactement qui était le nouveau chef de Daesh. Comment ne pas le croire lorsqu'on sait que les milliers de détenus des prisons irakiennes sont sortis tout équipés de leurs cellules, avant de se lancer à la conquête de Mossoul.
En attendant que Trump nous en dise plus sur le nouveau calife et ses accointances avec la CIA, on sait qu'il était le juge principal de «l'EI», et qu'il officiait uniquement selon la Charia. Ce qui donne à penser qu'il jugeait et condamnait à la potence en toute indépendance, et surtout sans se sentir tenu de rester collé à son iPhone, pour y attendre le prononcé du verdict. Les prévenus, présumés coupables jusqu'à la preuve irréfutable de leur innocence éventuelle, auront, au moins, la consolation de mourir selon la Charia et non sur un coup de téléphone. Entendons-nous bien : je parle des présumés coupables qui ont eu le double malheur d'être nés musulmans et de se trouver à proximité géographique ou à portée de la faucille de justice de Daesh. Quant aux non-musulmans, Américains ou autres, ils n'auront qu'à suivre l'exemple d'Abou-Soufiane, père de Mu'awya le fondateur de dynastie, qui s'est converti in extremis. Les Américains, en particulier, connaissent bien la filière, puisque la plupart des chefs intégristes sont passés par leurs officines où on leur a enseigné les bases religieuses du terrorisme. Ceux des dirigeants qui auront survécu au massacre, et il y en aura certainement, pourront sortir hors de leurs bunkers en brandissant la plus controversée des références de Daesh.
Il s'agit du fameux hadith qui fait dire au Prophète qu'il lui a été ordonné de combattre les gens jusqu'à ce qu'ils récitent la profession de foi de l'Islam et qu'ils la mettent en pratique. La traduction trouvée sur un site religieux donne ceci : «Il m'a été ordonné de combattre les hommes jusqu'à ce qu'ils témoignent qu'il n'est d'autre divinité qu'Allah et que Mohammed est son envoyé, qu'ils accomplissent la prière rituelle, qu'ils acquittent la Zakat. S'ils exécutent ces choses, ils seront, à mon égard, garantis quant à leurs personnes et à leurs richesses, à moins qu'ils ne transgressent ouvertement la loi de l'Islam, mais Dieu réglera le compte de leurs intentions vraies.» Ce hadith a été rapporté par Abdallah Ibn Omar, fils d'Al-Khattab, deuxième calife bien guidé, autant que par Abou Horeïra, et il a été authentifié par Boukhari et son élève Muslim. C'est ce type de hadith belliqueux qui va à l'encontre des sempiternelles déclarations des musulmans bien-pensants qui protestent de leur pacifisme originel, après un attentat terroriste. Quoi qu'on pense d'eux, les Saoudiens ont l'air de vouloir s'attaquer à certains hadiths qui contredisent les professions de foi pacifiques, même s'ils sont estampillés Boukhari et Muslim. Au reste, il s'agit beaucoup plus de montrer leur contradiction avec le Coran, que de mettre en doute leur authenticité.
Éviter que les hadiths ne viennent contredire le Coran, c'est l'argument essentiel avancé par le Prophète de l'Islam et plusieurs de ses califes après lui, pour interdire leur transcription. Au risque de s'en prendre directement à Boukhari et Muslim, qui sont quasiment regardés comme des prophètes, le quotidien saoudien Al-Madina évoque cette contradiction. Le journal énumère certains versets du Coran avec lesquels le hadith, cité plus haut, «il m'a été ordonné...» est entré en contradiction. Il cite ainsi ces versets en précisant leur sourate et le rang qu'ils y occupent. 
1- «Si ton Seigneur l’avait voulu, tous ceux qui sont sur la terre auraient cru. Est-ce à toi de contraindre les gens à devenir croyants ? Il n’appartient nullement à une âme de croire si ce n’est avec la permission d’Allah. Et Il voue au châtiment ceux qui ne raisonnent pas.» (Younès 99-100).
2- «Et si ton Seigneur avait voulu, Il aurait fait des gens une seule communauté (24). Or, ils ne cessent d’être en désaccord. Sauf ceux à qui ton Seigneur a accordé miséricorde. C’est pour cela qu’Il les a créés. Et la parole de ton Seigneur s’accomplit : ‘’Très certainement, Je remplirai l’Enfer de djinns et d’hommes, tous ensemble’’». (Houd 118-119).
3- «Nulle contrainte en religion !» (La Vache 256).
4- «Ce n’est pas à toi de les guider (vers la bonne voie), mais c’est Allah qui guide qui Il veut». (La Vache 272).
5- «Tu ne guides pas celui que tu aimes : mais c’est Allah qui guide qui Il veut. Il connaît mieux cependant les bien guidés». (Le récit 56).
Le journal souligne que malgré ces contradictions avec le Coran, il y a des concepteurs de programmes éducatifs qui continuent à intégrer ce hadith dans les manuels d'enseignement. Il note que même l'imam Malek l'a retiré de son corpus, parce qu'il contredisait le Coran. «Maintenant, si les spécialistes du hadith s'entendent pour ne pas prendre en compte cette contradiction, c'est qu'ils sacralisent beaucoup plus Boukhari et Muslim que le Saint Coran», conclut le quotidien saoudien. C'est un bon signe qu'un pays intégriste comme l'Arabie Saoudite s'en prenne aux intouchables Boukhari et Muslim, le tour de ses régimes satellites viendra peut-être.
A. H.

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