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Rubrique Kiosque arabe

Violée et condamnée à mort !

Elle s'appelle Nora Hussein, elle a vingt ans au Soudan, pays de Omar Al-Bachir, un Président condamné par la Cour pénale internationale pour génocide, etc.,  mais «gracié» par ses pairs arabes. Il n'a jamais été aussi courtisé que depuis qu'il est sous le coup d'un mandat d'arrêt international, ignoré par les adhérents de la Ligue arabe, toujours solidaires quand il s'agit de l'un d'entre eux. Et comme s'il fallait montrer que le monde musulman est aussi avec Omar Al-Bachir, le Président qui se perd dans le décompte de ses mandats, a un nouveau meilleur ami, Erdogan. Ce dernier a obtenu en décembre dernier, de son ami Al-Bachir, lors d'une visite triomphale à Khartoum, la «location» pour 99 ans de l'îlot stratégique de Suakin, sur la mer Rouge. Ce n'est pas grand-chose, me direz-vous, pour un pays qui a déjà perdu sa partie sud, devenue indépendante, grâce aux politiques absurdes et racistes des dirigeants soudanais. Ce qui a eu pour effet de fâcher encore plus le voisin égyptien du nord, déjà confronté aux volte-faces et trahisons de l'homme fort de Khartoum dans le dossier des eaux du Nil. Nora Hussein qui rêvait d'un autre destin que celui qui est actuellement le sien est à l'image de son pays, violée, violentée, asservie et qui n'a d'autre alternative que la révolte ou la soumission.
Nora Hussein rêvait à l'âge de 16 ans de devenir institutrice et ne pensait pas du tout au mariage, passage obligé, mais différé, puisque l'argument des études tient encore la route au Soudan. Le pays amputé de sa population animiste ou chrétienne, et donc insoluble dans le califat échafaudé par Djaffar Nimeyri et consolidé par Al-Bachir, croyait en «l'indulgente Charia». C'est du moins ce que croyait Nora, puisque la Charia, au nom de laquelle gouverne Omar Al-Bachir, n'autorise pas à marier contre son gré une jeune fille de seize ou quarante ans. Seulement, les parents de Nora Hussein sont pénétrés de l'influence de cet Islam nouveau qui autorise les lectures sélectives et une casuistique excluant l'effort de réflexion personnelle. Ils ont donc décidé de passer outre les objections et les récriminations de leur fille en lui rappelant que sous la «jahilya», elle n'aurait pas vécu jusqu'à l'âge de seize ans. Nullement convaincue par cette vision de l'horreur d'être enterrée vivante, Nora s'est refusée à accepter l'idée d'être enfermée dans les fers d'un mariage dont elle ne voulait pas, du moins pour le moment. Comme elle n'est pas Shérazade et que le Soudan est loin d'être un pays de légendes et de contes merveilleux, se terminant en victoires, l'héroïne n'a pas été au bout de son combat.
Un jour de mai de l'année dernière, les deux familles, celle de Nora et celle de l'époux choisi pour elle, ont entrepris de la contraindre et de faire l'économie des falbalas de la noce en passant à l'acte. Au jour dit, on se saisit promptement de la fiancée, et comme elle offrait une certaine résistance, on la traita comme génisse, prête à saillir, et on l'offrit au «minotaure» qui piaffait d'impatience. Exit la Charia qui préconise un minimum d'intimité pour la consommation du «mariage» légal, exit la pudeur en famille, dont on se passe volontiers lorsqu'il s'agit des animaux de la ferme. Et c'est ainsi que Nora devint femme, sous les yeux de l'assemblée des mâles, témoins privilégiés ou participant à la saillie, qui maintenant la femelle, qui excitant le mâle. Ce dernier voulut hélas récidiver et remplir, si j'ose dire, ses devoirs conjugaux, cette fois-ci sans témoins, mais toujours sous la contrainte puisque «l'épouse» refusait de se soumettre. Ayant été à bonne école et ayant appris que le premier devoir de l'épouse est de satisfaire son époux légitime, l'infortunée aurait pu se résigner à son sort mais elle s'est ravisée. Elle s'est souvenue que l'histoire de l'Islam ne se résume pas aux harems médinois ou mecquois et que des femmes ont su brandir l'étendard de la liberté, même au prétendu âge d'or des islamistes.
Nora Hussein s'est donc résolue à se soustraire au viol conjugal, en s'emparant d'un couteau et en assénant plusieurs coups de l'arme mortelle à son mari violeur. Elle a comparu le mois dernier à Oum-Durman (la ville du fameux stade) devant un tribunal qui a rejeté l'argument de la légitime défense et l'a jugée pour homicide volontaire. Pendant le procès, quelques groupes de militants associatifs ont tenté de manifester devant le tribunal pour lui apporter leur soutien, mais ils ont été matraqués. On ne manifeste pas dans le Soudan du raïs Al-Bachir, sauf pour des démonstrations de liesse au passage du Président, surtout lorsqu'il est en compagnie d'amis étrangers comme Erdogan. Pour ajouter au malheur de Nora Hussein, la famille du défunt époux a refusé la «dya», ou le prix du sang qui permet à un meurtrier d'échapper à la condamnation. Et quand bien même la famille vindicative aurait consenti à accepter l'argent, où Nora aurait-elle trouvé l'argent, sachant que sa propre famille l'a abandonnée, après l'avoir plongée dans le
drame ? Finalement, et après un procès dont l'issue ne faisait aucun doute, dans un pays comme le Soudan, la jeune femme a été condamnée à la pendaison. Son avocat a fait appel du jugement, mais la sentence de mort risque d'être confirmée, s'il n'y a pas une mobilisation populaire suffisante.
De timides manifestations de soutien ont été organisées en Occident, et notamment aux Etats-Unis, à l'initiative de l'organisation Amnesty International, qui a protesté contre le verdict et demandé un procès équitable. Le silence est de règle, en revanche, dans les pays arabes, où Ghaza et la Birmanie monopolisent l'attention au détriment d'une femme qui risque de mourir pour avoir refusé le viol. La page «Justice pour Nora», lancée sur Facebook, n'attire pas un nombre extraordinaire de visiteurs et de commentaires, surtout en cette période de somnolence globale.
A. H.

 

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