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Rubrique L'APRÈS-VENDREDI

Il est temps de brandir les articles 7 et 8 !

Tomber de rideau sur le 15e vendredi de mobilisation pour un changement radical de la vie politique dans le pays. Pour plus de démocratie et de justice. Pour une participation active et déterminante du peuple à la prise de décision sur son présent et son avenir. Mais ce 15e vendredi avait une couleur particulière, le noir du deuil après la mort du militant Kamel-Eddine Fekhar dans des conditions troublantes que la justice indépendante devrait éclaircir et en sanctionner les responsables. Par leur inconscience, certains ont offert une nouvelle motivation à une foule qui s’agrippe aux moindres signes de dignité émanant de ces hommes qui portent haut l'étendard de la liberté et de la justice et vont jusqu'au sacrifice suprême! De la souffrance naît un immense espoir : comme jadis, il y a des hommes prêts à mourir pour leurs idées! Les Algériens sont sortis plus nombreux encore parce que beaucoup parmi ceux qui n'étaient pas dans les rues le 14ème vendredi ne voulaient pas rater une marche qui, dans son ensemble, s'est voulue un hommage solennel au nouveau martyr. Les femmes sont revenues au premier rang !
De çà et là, nous parviennent quelques signes de réprobation qui nous reprochent notre positionnement sur les idées «séparatistes» de Fekhar. D'abord, nous n'avons pas connaissance d'un quelconque projet de séparatisme d'une région parmi les plus attachées à son algérianité et c'est justement cette appartenance profonde à ce qui fait notre identité réelle qui est défendue par des militants comme Fekhar. Notre article traite du dernier emprisonnement de Fekhar suite à une vidéo postée sur internet. Il ne concerne pas son premier procès pour la bonne et simple raison que ce n'était pas le sujet du jour. Si à chaque fois qu'un Algérien remet en cause une certaine idée de l'arabo-islamisme imposée par les milieux réactionnaires affiliés à l'Arabie Saoudite et qu'il revendique son identité réelle, on le marginalise en le plaçant dans la case des «indépendantistes», cela ne risque pas de régler le problème mais de le compliquer. 
La justice algérienne gagnerait à s'appuyer sur des faits et actes réels et précis au lieu d'envoyer en prison toute personne qui exprime une idée ou produit un écrit jugés «subversifs». Nous avons déjà abordé ce sujet à propos du MAK en soulignant que, jusque-là, ce mouvement auquel nous pouvons reprocher beaucoup de choses n'avait pas versé dans la violence, du moins directement, ce qui rend ridicule sa comparaison avec les groupes terroristes. Un pouvoir fort et intelligent ne met pas en prison les gens qui avancent des idées, même les plus inacceptables par la majorité. La liberté est à ce prix. L'interdépendance des connexions internet crée un immense réseau au niveau planétaire et s'il faut surveiller chaque écrit, chaque dessin, on ne s'en sortirait jamais ! Un tel pouvoir agirait sur les causes et comprendrait les pulsions profondes de la société.
Il y a une multitude de cultures et de langues en Algérie. C'est une richesse et la meilleure manière de l'exploiter n'est pas de lui substituer une standardisation imposée par le haut et malheureusement à caractère importé : dans les nouveaux us et coutumes, dans la culture, dans l'habillement et même dans le parler de tous les jours, ce sont des valeurs étrangères qui coexistent avec des lambeaux de notre algérianité. Et c'est justement parce que la Kabylie, le M'zab, le Hoggar, les hauteurs des Aurès, le Chenoua, Béni Snous et tant d'autres régions continuent de s'accrocher à ce qui fait notre différence avec le reste du monde qu'il faut les encourager dans cette voie et non les combattre ! 
Ces signes réprobateurs via les messages reçus se disent étonnés que cet hommage à Fekhar vienne de quelqu'un qui défend l'armée. Franchement, nous ne voyons pas le lien ! Notre position par rapport à l'ANP fait partie de notre culture, de notre formation depuis l'enfance, de nos convictions patriotiques. Donc, elle ne date pas d'aujourd'hui. Elle ne subit pas les aléas des événements conjoncturels. Elle a aussi son explication : né dans le combat armé et la violence révolutionnaire, le mouvement politique algérien des années 50, composé essentiellement de maquisards, a eu dès le départ beaucoup de difficultés à s'émanciper du commandement militaire. Et quand la direction de la révolution décida la création d'une armée professionnelle pour l'après-guerre, elle savait très bien que ce n'est pas pour que ses soldats aillent bronzer sous les parasols laissés par les colons ! 
A l'indépendance, les élites politiques s'étant montrées incapables de s'entendre et, devant les périls qui s'annonçaient, l'ANP s'est sentie interpellée. Elle choisit son camp et imposa Ben Bella. Mauvais choix puisque c'est cette même armée qui le déposera peu de temps après. Sa prise en main des affaires installa une longue étape de stabilité et de développement considérée comme la meilleure période de l'indépendance malgré une attitude musclée contre l'opposition. En 1991, et après un ratage monumental dans l'entrée en démocratie, l'armée dut intervenir pour préserver le caractère républicain du régime en s'opposant au terrorisme islamiste aveugle. Mais l'erreur fondamentale de cette armée fut d'accepter et de soutenir Bouteflika ! Et c'est parce que ce dernier a été le plus mauvais Président et celui qui a joué avec les Constitutions pour durer que le peuple s'est soulevé massivement le 22 février.
La position de l'armée en a surpris plus d'un. Il n'était pas prévu que l'ANP se désolidarise du Président et de son clan. Premier acte positif. Les forces armées se proposent non seulement d'accompagner le mouvement mais aussi de le protéger. Bouteflika résiste. L'armée lui intime l'ordre de partir. S'ensuit la libération de la justice qui produit des arrestations en cascade. On en rêvait ! L'armée l'a fait. Les grands noms de cette oligarchie prédatrice qui a privatisé de grands secteurs de notre économie, chassé les travailleurs par centaines de milliers, volé les banques et fait fuir de grosses fortunes en devises à l'étranger, ces grands noms sont dans les geôles de la République, prêts à être jugés pour leurs sinistres crimes.(*) Certains trouvent à redire sur cette action salvatrice. Difficile à comprendre : non, il ne fallait pas attendre plus car tout le monde sait que l'argent ouvre les portes les plus hermétiques. Et le meilleur exemple est la fuite de Chakib Khelil et Bouchouareb ! Sans parler des autres.
C'est pourquoi, certaines attaques contre l'armée ne sont pas fondées notamment celles qui prennent un caractère outrancier. Le droit à la critique ne doit pas autoriser certains à brandir des pancartes où le chef de l'ANP est traité de "traître" ! Et ce ne sont pas seulement quelques extrémistes - probablement envoyés par des mouvements minoritaires pour perturber les marches - qui sont à plaindre. 
Certains chefs de l'opposition devraient calmer leurs ardeurs et mesurer des paroles qui ne cadrent pas avec le langage politique coutumier et s'inscrivent dans un tout autre registre : celui de l'insulte gratuite. Qu'ils se calment car ils ont besoin de toutes leurs énergies pour apporter leurs précieuses contributions dans les débats qui s'annoncent. On ne construit pas la deuxième République et le nouvel ordre démocratique avec de tels propos qui n'ont jamais été prononcés avec une telle envergure et une telle virulence contre le Président déchu et son clan de voleurs !
L'ANP n'est pas exempte de critiques, loin de là, mais cet acharnement contre elle n'est pas un signe qui rassure quant à l'avenir immédiat. Déjà ciblée par les services marocains via les mouches électroniques visant une guerre civile et la presse française et turque notamment, l'armée algérienne qui reste jusqu'au moment où j'écris ces lignes, aux côtés du peuple, a besoin de notre soutien pour aller, ensemble, plus loin sur la voie voulue par les masses. 
Certes, elle agit parfois dans la précipitation quant elle pense limiter l'ampleur des marches dans la capitale par des stratagèmes sécuritaires d'un autre temps. Certes, elle fait  durer les temps morts en refusant de souscrire à une courte période de transition pour tout revoir et repartir sur de nouvelles bases. Mais cela ne justifie nullement ces attaques qui touchent à l'honneur et la dignité des personnes.
En vérité, les militaires commettent une grossière erreur en s'accrochant à une Constitution dont ils savent pertinemment qu'elle n'a aucune valeur. Sinon Saïd Bouteflika n'aurait pas dirigé le pays durant de longues années. Sinon, Fekhar n'aurait pas subi un traitement inhumain dans une geôle et un hôpital algériens ! Des exemples peuvent être cités à l'infini. Si les révolutionnaires du 1er Novembre s'étaient accrochés à la Constitution française en vigueur à ce moment-là ou même aux «ordres» de leur parti, ils n'auraient rien fait. Et si Boumediène n'avait pas violé la Constitution en sauvant le pays de la folie «islamo-communiste» de Ben Bella pour le faire entrer dans une ère de stabilité, de construction de l'Etat et de progrès économique et social, nous en serions encore à faire «fondre la graisse des bourgeois» dans les... discours !
Le légalisme à lui seul ne peut convenir à toutes les situations, surtout les plus compliquées. Que cette armée retrouve encore un peu de cet esprit révolutionnaire qui a toujours guidé ses pas et tout redeviendra clair. Car cet esprit n'est pas absent : n'est-ce pas lui qui a présidé à la décision historique et capitale de ne pas réprimer le mouvement populaire et de s'aligner sur les positions du peuple ? C'est Novembre qui a parlé ce jour-là, c'est l'armée du peuple qui a tourné le dos au clan prédateur pour soutenir le camp de la liberté. 
Avec intelligence, la direction de l'ANP a su trouver la combinaison gagnante entre l'urgence des décisions répondant aux vœux du peuple et le passage obligatoire par la grille constitutionnelle ! Et pour sauter le dernier verrou, qu'elle continue sur cette voie en s'appuyant sur des articles cités déjà par M. Gaïd Salah : les fameux 7 et 8. 
Mais pour que tout ce fragile édifice tienne la route, il est nécessaire de tenir compte de deux facteurs : primo, personne n'ira à un débat sous les auspices des deux «B» comme cela a été refusé auparavant. Secundo, il est fort possible que les représentants du Hirak et certaines figures de l'opposition et de la société civile refusent de s'asseoir à la même table que les partis ayant soutenu le cinquième mandat et constitué la base politique des oligarques.
Équation difficile mais du dialogue jaillit toujours la lumière. Cependant, il faut faire vite car des événements imprévus comme la mort de Fekhar ou l'incendie d'une brigade de gendarmerie peuvent annoncer des tempêtes. Personne n'y gagnerait et chacun, aujourd'hui et dans la sérénité, devrait mesurer sa responsabilité et agir pour calmer la situation et rapprocher les solutions au lieu de les éloigner par le jeu puéril de la provocation des uns ou l'attentisme périlleux des autres.
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(*) : Faut-il souligner que l'emprisonnement de certaines personnes âgées et malades comme M. Rebrab et le général Benhadid qui vient d'être admis à l'hôpital pour une cassure, pose un problème moral aigu d'autant plus que leurs crimes semblent «légers» par rapport aux énormités commises par les oligarques du clan et leurs soutiens dans le gouvernement ?
Le dossier de M. Rebrab se limite à des dépassements du code des douanes et à des surfacturations qui auraient pu être sanctionnés par de lourdes amendes. Quant au général Benhadid, il a exprimé des idées et simplement des idées et son sort inquiète car il a besoin d'accompagnement dans sa vie de tous les jours.
Enfin et pour Louisa Hanoune, grande combattante de l'oligarchie devant l'Eternel, répondre à une invitation pour parler en tant que représentante d'un mouvement politique ne nous semble pas justifier cet emprisonnement. A moins que l'on ne nous dise pas tout.

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