«La mémoire a un rôle essentiel dans toutes nos activités»
Dans cet entretien, Abdellah Fenni, doctorat h.c. en hypnothérapie, miami, USA, diplômé en psychologie, hypnothérapeute, nous explique ce qu’est la mémoire et son rôle dans la construction de notre personnalité. Il donne également quelques conseils pour la «fortifier».
Soirmagazine : Qu’est-ce la mémoire ?
Dr Abdellah Fenni : La mémoire est un processus biologique qui permet de stocker et de restituer des informations. Elle s'appuie sur des réseaux de neurones du cerveau. Au niveau du cerveau, il n'existe pas un centre unique de la mémoire, mais des réseaux neuronaux interconnectés qui travaillent de concert.
La mémorisation se fait grâce à une modification des connexions entre neurones, par le mécanisme de plasticité synaptique.L'activation répétée de certains réseaux tend à renforcer les souvenirs ; à l'inverse, si les réseaux ne sont pas sollicités, l'information correspondante risque d'être oubliée.
Des neurotransmetteurs comme le glutamate et le NMDA jouent un rôle dans la mémoire. Le sommeil permet de consolider la mémoire.
On évoque souvent différents types de mémoires...
oui, effectivement, il existe cinq types de mémoire majeurs impliquant différents réseaux neuronaux mais interconnectés :
• la mémoire de travail (mémoire à court terme). Elle fonctionne comme un espace actif qui permet de réaliser des traitements sur des informations maintenues ponctuellement en mémoire, par exemple : classer des mots dans l’ordre alphabétique…
• la mémoire sémantique. Elle nous permet de stocker des connaissances générales sur soi. Ces informations sont organisées selon un réseau sémantique.
• la mémoire épisodique. Elle a la capacité de stocker les informations concernant les événements vécus et leur contexte (le lieu, la date ou l’état émotionnel). Cette mémoire permet ainsi de voyager mentalement dans le temps et de se projeter dans le futur.
• la mémoire procédurale. Elle correspond à la mémoire des automatismes, des habiletés et des savoir-faire. La mémoire procédurale est dite inconsciente, car l’exécution des gestes habituels est automatique et ne demande pas d’effort mental particulier.
• la mémoire perceptive correspond à la mémoire des sensations ressenties grâce à nos cinq sens. Elle stocke des images (visages et lieux) ou des bruits (des voix) sans s’en rendre compte. C’est, notamment, elle qui est à l’œuvre lorsqu’une personne rentre chez elle par habitude, grâce à des repères visuels.
Parfois on perd la mémoire, non pas à cause de la maladie. Pourquoi ?
Il existe de nombreuses situations pouvant entraîner des pertes de mémoire :
• la prise de certains médicaments (dont les antidépresseurs, les myorelaxants, les somnifères, les anxiolytiques ou même les antihistaminiques contre les allergies) ;
• la fatigue et le manque de sommeil. C’est un phénomène connu : la fatigue, les apnées du sommeil ou le manque chronique de sommeil peuvent entraîner une baisse de la concentration et des pertes de mémoire ;
• le stress et la dépression, les événements traumatisants ;
• certaines carences alimentaires, notamment en vitamine B1 ou B12 ;
• la consommation de certaines drogues, d’alcool ou de tabac.
Lorsque l'on est conscient de ses trous de mémoire, c'est qu'il ne s'agit pas d'une maladie ! Ceux qui souffrent de réelles pertes de mémoire ne s'en rendent pas compte dans pratiquement 99% des cas. Il faut savoir que les trous de mémoire ne sont pas une information qui a disparu de notre cerveau, mais une difficulté à la retrouver. D'ailleurs, il est inutile de continuer à chercher s'il ne vous revient pas au bout d'une minute. Il vaut mieux arrêter et reprendre plus tard… ou attendre qu'il revienne tout seul ! En revanche, dans une maladie de la mémoire, l'information est manquante.
Quel est le rôle de la mémoire dans la formation de notre personnalité, dans notre vie ?
La mémoire joue un rôle dans toutes nos activités. Elle est essentielle à la création et au développement de notre personnalité. Elle est le témoin direct de notre passé (les souvenirs d'enfance sont ceux sur lesquels on se construit. Ils sont la garantie qu'on a un passé. Et quand on a un passé, c'est qu'on est sûr d'avoir une histoire et qu'on peut donc penser à un avenir (mémoire épisodique) et, aussi, des connaissances générales et de l'histoire (mémoire sémantique). Elle est donc à ce titre une des fonctions cognitives les plus cruciales dans la vie d'une personne.
Pourquoi a-t-on tendance à oublier, et à partir de quel âge ?
hormis les causes évoquées tout à l’heure et qui sont directement liées à la prise de certains médicaments, fatigue, stress, drogue…, de nombreuses maladies peuvent affecter la mémoire :
• tumeur au cerveau,
• infections du cerveau ou des méninges,
• manque d’oxygénation du cerveau,
• intervention chirurgicale importante,
• et, bien sûr, maladie d’Alzheimer et démence.
Les chocs à la tête (traumatismes crâniens) liés à un accident ou à la pratique d’un sport, par exemple, peuvent aussi endommager le cerveau et provoquer des pertes de mémoire.
D’après une étude réalisée en 2007 par des chercheurs américains sur des adultes sains, âgés de 18 à 93 ans, l'altération de la mémoire en vieillissant viendrait d'un dérèglement dans la coordination des différentes régions cérébrales. Celui-ci serait induit par la dégradation de la substance blanche, un tissu essentiellement composé d'axones (fibres nerveuses) responsable de la circulation des informations dans le système nerveux. Le déclin normal des fonctions cognitives reste minime, comparé à celui dont souffrent les personnes atteintes de démences séniles, comme la maladie d'Alzheimer. Cette dernière se manifeste souvent par des troubles du stockage, ou consolidation, des informations (création des souvenirs à long terme), dont se charge l'hippocampe.
Y a-t-il des exercices pour préserver notre mémoire ?
oui :
- la méditation est un moyen efficace pour entraîner la mémoire et aide à faire le tri. Elle améliore aussi la connectivité cérébrale ;
- la visualisation. Associer des mots à une image permet de mieux s’en souvenir. Cicéron en faisait déjà usage dans l’antiquité. La méthode dite de Cicéron, connue aussi sous le nom de «méthode des lieux», s’appuie sur le pouvoir des images en tant que support et des relations spatiales mémorisées pour retenir une information.
- Jouez pour améliorer votre mémoire
De nombreux exercices permettent d’améliorer la mémoire. Les jeux notamment la stimulent.. Il en existe qui favorisent la concentration ou la mémorisation :
• des mots fléchés
• des mots croisés
- La lecture, un excellent moyen pour travailler sa mémoire.
- Faites du sport. L’activité physique augmente le débit de sang dans le cerveau et améliore son fonctionnement. Le sport permet ainsi de stimuler les performances cérébrales et d’augmenter l’agilité mentale.
- Mangez sain et équilibré. Les fruits secs oléagineux, les abats ou encore les poissons gras (riche en oméga-3) stimulent la mémoire.
- Dormez. Ne pas faire l’impasse sur le sommeil car bien dormir est, effectivement, indispensable à la mémoire. Un bon sommeil réparateur est nécessaire à l’activité cérébrale de nuit qui permet aux neurones d’organiser et classer les informations reçues dans la journée. Sept heures de sommeil sont requises pour un fonctionnement optimal du cerveau, selon une étude américaine.
Un dernier mot ?
En règle générale, on peut dire que ce qui est bon pour le cœur est aussi bon pour le cerveau. Des recherches ont démontré que plus les gens ont de saines habitudes de vie, moins leurs problèmes de mémoire sont importants. Je terminerai enfin avec cette citation : «Il m'arrive de perdre la mémoire au point d'oublier que je suis vieux.» n
