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Rubrique Le Soirmagazine

Enquête-Témoignages Bébés mort-nés, quand la joie se transforme en deuil…

«Je suis rentrée à la maison les mains vides !» 
Ce n’est pas une simple phrase, mais le constat d’un désarroi, d’une amertume de ne pas entrer avec son bébé dans les bras. Soirmagazine vous propose dans ce numéro le témoignage de parents ayant vécu la lourde expérience d’avoir un mort-né. Ou lorsque la fête se transforme en deuil…

Hassiba, 45 ans, maman d’une petite fille : «Mon ventre était son tombeau»
«C’est une expérience que nulle maman l’ayant vécu ne peux oublier. On a beau dire qu’il faut avancer dans la vie,  ne pas regarder en arrière et penser que la douleur va s’atténuer, elle reste là, au fond de notre cœur. Pour ma part, j’ai perdu mon fils il y a de cela 15 ans et je pense à lui assez souvent. Sans que je me rende compte, je l’imagine au lycée. Il se prénommait Ilyes et je l’attendais comme une promesse à une vie meilleure. Ma grossesse s’est très bien passée. Mon mari faisait attention à moi et j’allais régulièrement chez ma gynécologue. Pour notre génération, l’échographie entrait petit à petit dans nos mœurs. Je continuais à travailler normalement. Je me rappelle que mes collègues étaient aussi très attentionnés et cela me touchait énormément. Je peux vous dire que la grossesse d’Ilyes était pour moi un vrai moment de plénitude. J’adorais mon ventre qui s’arrondissait. J’aimais me voir  ainsi. Je faisais très souvent des gestes circulaires sur mon ventre. Pour moi, mon bébé était dans l’endroit le plus sûr au monde. Et c’est à quelques jours de mon accouchement que je me suis rendue compte que quelque chose n’allait pas. Je faisais tourner ma main sur mon ventre et je ne ressentais rien durant plusieurs minutes. J’ai commencé à paniquer et j’en ai parlé à mon mari. Le lendemain, je me suis rendue chez ma gynécologue qui a confirmé mes appréhensions. Mon bébé était mort à quelques jours de mon accouchement. 
Le cordon ombilical l’avait asphyxié. C’était un choc immense et le plus dur  c’était qu’il fallait qu’il reste dans mon ventre le temps de programmer une intervention. Mon ventre était son tombeau. Psychologiquement et émotionnellement, c’était horrible. Il était resté dans mon ventre durant deux jours, mort. Vous imaginez? Je dormais, je mangeais, je marchais et mon bébé avec moi mais mort. Le personnel médical et mon époux m’ont soutenue durant ces deux jours. Mais c’était affreux. En plus, c’était une césarienne. Y repenser me fait toujours mal,  quinze ans après. Pour mon deuil, personne n’a pensé à me présenter des condoléances. Hormis quelques personnes de ma famille. Comme j’ai repris le travail assez rapidement, mes collègues n’ont pas abordé le sujet ni de près ni de loin. Avec le recul, je me dis qu’ils n’ont pas trouvé les mots et qu’ils ne voulaient pas me blesser. Mais à cette époque-là, je l’ai très mal vécu. J’en pleurais  souvent. Je me disais qu’ils ne se rendaient pas compte que mon fils est mort et que pour moi il a existé. Ce n’était pas un bout de chair seulement mais mon bébé. Quinze après, je dis et  affirme que j’ai deux enfants. Je ne veux pas que les gens l’oublient. Quand je présente ma fille, je précise que c’est mon second enfant et que mon aîné est décédé. Pour moi, cette reconnaissance est importante et légitime !»

Dalila, 27 ans, employée, maman d’une petite fille : «La foi en Dieu !»
«Je ne sais pas pourquoi mon fils est mort. Ce que je sais est que je ne l’ai pas entendu crier, ni pleurer. J’étais très fatiguée et je pensais que la gynécologue et la sage-femme s’occupaient de lui normalement.  Ma grossesse était difficile. Dès le quatrième mois, je devais rester alitée et ne pas travailler. Toutes les consignes, je les ai respectées et j’ai pu arriver à terme. Mon accouchement a été compliqué et le personnel médical a dû recourir au forceps. Cela a duré des heures et je n’en pouvais plus. Je ne sais pas si je me suis évanouie. Je ne me rappelle plus très bien. Ce dont je me souviens c’est que j’ai pu voir la gynécologue prendre mon bébé. Je l’ai vu de loin avant que je ne perde connaissance et que ce sont les cris du personnel qui m’ont réveillée en disant qu’il faut appeler le papa. Je n’ai pas pu voir  mon fils. Comme j’ai accouché vers dix heures, dès qu’ils ont constaté le décès, mon mari a fait toutes les démarches administratives rapidement pour qu’il soit enterré quelques heures après. Je voulais le voir, le toucher mais on ne m’a pas laissé le choix. Lorsqu’ils m’ont déplacée dans la salle de travail, j’étais à moitié morte et entendre les autres bébés pleurer était pour moi insupportable. Ces cris étaient des lames qui transperçaient mon cœur. 
J’ai demandé à sortir le jour-même ou bien être dans une chambre seule. Et comme je n’ai toujours  pas eu le choix, j’ai dû passer la nuit dans cette chambre et pleurer seule dans mon coin. Les visites étant interdites, je devais me contenter du regard froid des infirmières. Le lendemain, j’ai pu sortir après un contrôle médical. De retour chez moi, à défaut d’avoir pu voir mon fils, je voulais prendre ses vêtements. Un autre choc m’attendait, ma belle-famille avait tout ramassé : berceau, jouets et vêtements. J’ai su après qu’ils les ont cachés pour me protéger et apaiser ma souffrance. Mais c’était tout le contraire. J’avais l’impression qu’on me disait que je n’avais pas le droit au deuil parce que cet enfant n’existait pas. Alors que si, pour moi, il avait été en moi. Il avait vécu et grandi en moi. Je n’ai pu résister plus longtemps, il fallait que je puisse soulager ma peine et crier ma douleur. Le lendemain, soit le troisième jour de mon accouchement, je suis partie me recueillir sur sa tombe. J’ai pu pleurer et lui promettre que je ne l’oublierai pas. Heureusement que nous avons la foi et l’islam qui prévoit l’enterrement même des fœtus parce que pour les parents, c’est important. Aussi, savoir que je pourrais le voir au paradis et qu’il m’y attend me console tous les jours.   

Kamel, 35 ans, papa de deux enfants : «Je n’avais pas le droit au deuil»
«Je ne peux comprendre les gens qui pensent que les papas n’ont pas le droit au deuil. En tout cas, c’est ce que j’ai vécu avec le décès de mon premier enfant. Moi, j’attendais à l’extérieur et je priais. Et puis, il y a une femme, infirmière ou sage-femme, je ne sais plus qui me dit simplement : ‘‘Votre bébé à la naissance ne respirait pas. Dans quelques minutes, nous allons vous le donner. Il faut faire les démarches administratives avec cet agent.’’ Pour eux, ce n’était qu’une formalité. Le pire était que lors de l’enterrement, je n’étais qu’avec deux proches de ma famille. 
Personne n’a pensé que c’était important de venir. Mon épouse était  entourée par toutes les femmes de nos deux familles. Elles ont fait en sorte qu’elle vive pleinement son décès et qu’elle puisse rester entourée. Ce qui n’était pas le cas pour moi. On aurait dit que je n’avais pas perdu ma fille. Moi aussi, je l’espérais et   l’attendais. C’est ce que je voudrais faire passer comme message, même le papa souffre. Je n’ai pu exprimer mon ressenti que lorsque mon épouse était enceinte de notre second enfant. Là  j’ai dit à tout le monde que moi aussi j’ai peur et j’ai besoin de parler de mon premier enfant. Cela a été incompris au départ, mais pour moi cela m’a soulagé.» 

 

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