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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Chef d’entreprise en Algérie, il est devenu vendeur de fripe aux «puces» de Montreuil

Par Omar Haddadou
Corolaire observable, la disgrâce statutaire des jeunes Algériens, gage de crédibilité dans les discours officiels, a toujours été un non-évènement, ne méritant ni focus ni marge d’observation. Brisé dans son étincelant élan par des pratiques iniques, Mehdi, le plombier de Tizi-Ouzou, n’a pour ultime salut que l’exil.

L’Algérie peinant à s’affranchir pleinement des scories de la gabegie, des carcans annihilateurs, de sa lourdeur administrative ramifiée face à l’esprit d’entrepreneuriat et de bonnes volontés, Mehdi n’a d’autre  dérivatif  que de mettre la clé de sa jeune entreprise sous le paillasson.                                        
Son destin basculera par manque déplorable d’appréciation et de valorisation, sous le poids d’une fiscalité éborgnée.                                                                                                                   
En 2013, à Tizi-Ouzou, Mehdi se fie à ses compétences de plombier et lance sa petite entreprise de 5 salariés : «A aucun moment l’idée du départ vers l’étranger ne m’a effleuré l’esprit, admet le patron de la boîte. Conscient de mes aptitudes professionnelles, j’ai toujours préféré travailler dans mon pays. Pour ce genre de métier, on n’a pas besoin d’étude de marché dans un pays appelant davantage à l’investissement qu’au montage financier.»                                                                                                                                                  
Engagé dans une aventure professionnelle prometteuse, l’artisan savoure le bonheur de s’établir à son propre compte et s’attaque à des chantiers de moindre envergure. L’entreprise amorce son rythme de croisière avec un chiffre d’affaires et un management augurant une viabilité concluante. 
Les employés (ées) se sentent pousser des ailes quand les primes d’investissement, consignées sur les bulletins de paie, tombent en fin d’année. C’est un segment de l’économie locale qui fait preuve de sa politique participative florissante, en tenant un cahier des charges de plus en plus nourri. La bonne santé de l’entreprise se fête dans un restaurant à plusieurs reprises, autour d’un repas convivial, des échanges dignes d’une ambiance familiale, jusqu’au jour où le percepteur du Trésor public de Tizi-Ouzou s’invite à venir jouer sa propre partition.                                                                                                                            
L’épée de Damoclès s’abat alors sur Mehdi, sans rémission. Le fisc, fort de ses prouesses prédatrices et du rectilignement de son texte, l’achève par des rappels d’insolvabilité et des mises en demeure incessantes. Acculé jusqu’à la déprime, l’artisan de Tizi-Ouzou dépose le bilan, la mort dans l’âme. «J’ai tout laissé tomber ! s’offusque le plombier. J’aurais aimé participer à l’essor de mon pays, mais on m’a brisé par un matraquage de facturation épouvantable, une bureaucratie dévorante. El hamdoullah, on est vivant !  Moi, je ne suis pas venu en France pour l’argent. Ce qui se passe aujourd’hui au bled, ce n’est qu’un juste retour des choses, une justice des oubliés.»                                                                   
Tel un paria sommé à l’éloignement, le patron prend le chemin de l’exil. Il n’affrontera la brutalité des débuts de sa chute qu’après avoir quitté son espace d’investissement en Algérie, cinq mois plus tard. Le doute de persévérer dans son domaine s’installe, quand lui et son épouse prennent connaissance de la procédure dédaléenne française à développer sa propre activité professionnelle. Ses ressources en devises s’amenuisant au bout du cinquième mois, la prise en charge de l’hébergement par un cousin en banlieue devient de plus en plus pesante. Leurs hôtes préméditent des scènes de ménage récurrentes violentes, leur annonçant qu’ils sont encombrants. Mehdi et sa jeune épouse sont totalement désemparés : «Je savais qu’on allait subir le parcours du combattant, mais pas au point de penser être éjectés, en pleine détresse, par la famille, déplore-t-il. Pour elle, l’invité c’est comme la sardine. On s’en débarrasse à la moindre odeur !»                                                                                                                                
une revanche inopinée avec 800 euros par jour, le nez dans les frusques à prix de griffes, aux prises avec l’inclémence d’une galère quotidienne, le couple appelle les proches au bled. De l’autre côté de la Méditerranée, la famille prend acte du besoin criant des expatriés et cherche activement les solutions dans son répertoire téléphonique. Mehdi est mis en relation avec un voisin du village qui consent à le prendre sous son aile à Paris, en l’engageant comme assistant-vendeur de nippes à Montreuil. Une mine d’or insoupçonnée sur le plus ancien marché d’Europe, qui fait le bonheur des bourses maigres et fins connaisseurs de grandes marques.                                                                                                   
Dévié de sa trajectoire, Mehdi découvre un créneau au flux financier ahurissant. Il se résout à apprendre le métier, observant son tuteur à l’œuvre des mois durant, acceptant les scolies désobligeantes et la pénibilité hivernale. Le temps passe sous bon parrainage ! Mehdi s’adjuge par sa pugnacité et sa patience le titre de patron. Il doit à son protecteur une fière chandelle : «Ould bladi aaouni*, je le remercie de tout cœur ! Il m’a initié aux secrets de ce business. Comment et où acheter la marchandise, la revendre avec plus-value, à prix cassés. Certains filons ne sont pas à dévoiler, il me les a communiqués. Comme par exemple les adresses des usines où je dois m’approvisionner à Paris, en Province. Comment repérer la contrefaçon, etc. Cet homme ne m’a rien réclamé, sauf de ne pas trahir le serment d’un vrai argaz !                                                                                                                      
Le temps du pied à l’étrier révolu, Mehdi, en grand négociant avisé, volera de ses propres ailes, en fidélisant les clients (es) de tout bord et les touristes par des remises attractives sur les articles de marque à 5 euros, cédés à plus de 100 en boutiques. Ses transactions s’effectuent aujourd’hui par téléphone.  Une réussite bien méritée, aucunement manifestée par quelque signe de richesse extérieur.         
De sa recette journalière, tenue secrète, le fripier n’entend pas faire des messes basses. On a beau tenter le mitonner. En vain. Reste à improviser une réplique soulignant la bénignité de sa réponse et l’aspect méritoire de gagner dignement sa journée, sans piocher dans les caisses de l’Etat.
«Je gagne entre 700 et 800 euros par jour !» finit par confesser le jeune homme. Ça fait combien par mois ? dites-vous, sans terminer la lecture.          Ça fait habiller le peuple de marques, à prix même pas coûtant.     
Si l’argent s’engorge de sa posture de nerf de la guerre, la probité de sa source vaut tous les bonheurs ! 
* Enfant du patelin, de la dechra

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