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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie Djelloul, le sage

Djelloul Medjbar, un philanthrope qui aime semer le bien autour de lui, arrive parfois seul à se substituer à nos sages d’autrefois. Son parcours n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, c’est peut-être cela qui a forgé son esprit de mansuétude envers les autres.    
Du temps de nos grands-parents, les conflits familiaux n’arrivaient que très rarement devant les tribunaux, nul besoin de se ruiner en frais d’avocat, d’huissier  et autres auxiliaires de justice pour les régler. Il suffisait de réunir les sages du village qui faisaient office de juges.
Le plaignant(e) avait le droit de s’exprimer librement et sans crainte, et ce, quel que soit le rang social ou le sexe de l’adversaire. La parole est donnée ensuite à la personne incriminée qui, elle aussi, pouvait parler sans être interrompue, les témoins cités par les deux parties sont convoqués et écoutés attentivement.
 Une enquête est diligentée pour vérification des dires des uns et des autres avant qu’une décision juste et équitable ne soit prise ; cela ne dure qu’un laps de temps très court ne dépassant pas quelques jours, les sentences annoncées sont respectées et exécutées à la lettre ; les rares récalcitrants qui veulent tergiverser sont vite ramenés à la raison. Ils savent qu’ils risquent la mise en quarantaine ou carrément le bannissement du douar dans les cas extrêmes.
De nos jours, on ne fait plus appel aux sages, pour un oui ou un non, on dépose une plainte, et c’est la justice qui se charge de résoudre la majorité des conflits, mais cela peut parfois prendre des années avant que le problème ne soit réglé vu les milliers de dossiers à traiter.
Djelloul Medjbar, un philanthrope, qui aime semer le bien autour de lui, arrive  parfois seul à se substituer à nos sages d’autrefois. Il a connu l’ingratitude et la mise à l’écart de la part de personnes en lesquelles il avait une confiance aveugle, et ce, juste au début de sa vie active.
Un jour, deux de ses amis vinrent le solliciter pour qu’il devienne leur troisième associé pour la création d’une petite entreprise de menuiserie. Le hangar qui devait servir de lieu de travail était une très ancienne huilerie désaffectée, abandonnée depuis des dizaines d’années. La tâche pour ce changement d’activité s’annonçait titanesque.   
Il faut préciser que le propriétaire des murs et premier associé a essayé vainement, durant des années, d’obtenir l’autorisation pour la conversion de son local délabré en ébénisterie moderne, d’où son intérêt à faire appel à Djelloul. Il a misé sur l’érudition et l’intelligence du nouveau venu pour réussir là où lui a  lamentablement échoué. Après avoir accepté d’intégrer le petit groupe, Djelloul s’est attelé à la harassante besogne. Il a, lui aussi, beaucoup peiné pour l’obtention de tous les documents nécessaires pour la création du projet. Après cette victoire administrative, il a pris contact avec un importateur pour l’achat des machines et l’outillage de l’étranger, ce qui n’était pas chose aisée à l’époque où les importations se faisaient au compte-gouttes. Quand tout fut installé, il a retroussé les manches et a montré ses compétences et son savoir-faire dans le domaine de l’ébénisterie. Chambres à coucher, armoires, commodes et autres meubles qui sortaient de cet atelier n’avaient rien à envier à ceux importés. C’était une parfaite réussite commerciale.
Malheureusement pour ce travailleur hors pair, à force de soulever des panneaux en bois assez lourds, il eut un terrible mal de dos qui l’empêcha de se rendre sur son lieu de travail pendant quelques jours. 
Quand ses deux associés vinrent lui rendre visite à son domicile, il croyait et espérait qu’ils étaient venus s’enquérir de son état de santé et le réconforter.
Balivernes ! Ils étaient là uniquement pour le traiter de tire-au-flanc, de simulateur qui veut se la couler douce et vivre en parasite à leurs dépens. Ils lui ont annoncé, toute honte bue, qu’ils étaient décidés à l’évincer de la petite entreprise, et ce, en un temps record.
A sa souffrance physique s’ajouta celle morale qui est beaucoup plus destructrice. Il n’en revenait pas d’une telle cupidité. Comme il y a toujours une punition divine, l’associé qui s’était montré le plus vindicatif et le plus virulent s’est fait à son tour virer manu militari par son acolyte. Il n’y connaissait rien en menuiserie. Il est  devenu un vrai boulet pour le propriétaire des lieux.    
Djelloul ne se laissa pas abattre après cette vile ignominie. Il releva la tête trouva un emploi comme cadre au sein d’une unité de Sonitex à Béjaïa. Toujours égal à lui-même, il aimait rendre service à son prochain. Il suffisait de lui passer commande pour qu’il vous ramène un costume, un pantalon ou tout autre vêtement de votre choix. A chaque fois c’est une bonne surprise pour l’acquéreur puisqu’il paye l’article de son choix beaucoup moins cher que dans n’importe quel magasin en ville.
Quelques années plus tard, il fut recruté comme chef de service du personnel dans une entreprise de wilaya. Les travailleurs, voyant en lui un homme honnête et intègre qui pouvait défendre leurs droits, l’élurent comme président du syndicat. Il accomplit cette nouvelle tâche comme un bon père de famille et gagna l’estime de tous. Le conseil de discipline ne se réunissait presque plus. Il arrivait toujours à calmer les esprits avant que les litiges ne deviennent ingérables. Il a sauvé d’un licenciement et peut-être de la prison un jeune standardiste écervelé qui s’amusait à téléphoner en composant des numéros au hasard. Quand il tombait sur une voix féminine, il commençait alors la drague, croyant que son numéro ne s’affichant pas sur les anciens téléphones à cadran, qu’il était à l’abri, et que l’on ne pouvait pas remonter jusqu'à lui.
 Il se trompait car un beau jour deux policiers débarquèrent à l’entreprise et demandèrent à être reçus par le directeur, ils l’avertirent qu’un employé indélicat travaillant chez lui s’amusait à ennuyer des femmes mariées ; ils lui apprirent aussi que plusieurs plaintes ont été déposées. Une enquête interne est vite diligentée et le coupable est vite démasqué, mais grâce à l’intervention de Djelloul, le pire a été évité. Cependant, Djelloul ne se gênera pas à lui passer un savon et l’avertit que s’il récidive, il ne doit s’attendre à aucune clémence.
Durant la période où Djelloul cumulait les deux fonctions de chef service et de président du syndicat d’entreprise, nul besoin d’intervention pour être recruté. Seules les compétences comptaient. Le jour de son départ à la retraite, se sentant libre de tout engagement, il décida de mettre des bâtons dans les roues à tous les scribouillards qui se prétendent écrivains publics et qui n’hésitaient pas à arnaquer les gens. Ces aigrefins vous promettent la lune en contrepartie de sommes assez conséquentes. Il a alors décidé de rédiger les courriers administratifs aux retraités et autres bénévolement, afin qu’ils ne tombent pas entre les griffes d’individus à l’appétit vorace. Le domaine où il excelle et où il accepte de bon cœur de répondre présent, c’est arbitrer entre les membres d’une ou plusieurs familles dans un problème d’héritage.
Il a le don de dénouer n’importe quel conflit en essayant de raisonner les plus vindicatifs et les plus cupides, il sait que ce sont eux la source du problème et qu’il doit d’abord essayer de les convaincre pour espérer arriver à un compromis qui contenterait toutes les parties.
Pour cela, il essaie, comme le faisaient les vieux sages des villages, d’apaiser les tensions en réunissant toutes les parties autour d’une table. Il donne la parole à chacun en priant les autres de ne pas interrompre la personne qui s’exprime, après avoir entendu tous les intéressés, il donne son avis pour le règlement du conflit, et ce, afin de leur éviter des attentes interminables et des dépenses faramineuses en frais d’avocat, d’huissier de justice, d’expert… Il n’a jamais été influencé par l’autorité, la notoriété ou la richesse de ceux qui pensent pouvoir l’intimider.
Plusieurs familles peuvent témoigner de son intégrité et son impartialité, mais il arrive que certains gourmands, faisant fi des arrangements équitables et bénéfiques de Djelloul, décident de porter l’affaire en justice. Ils reviennent presque tous déçus de n’avoir rien de plus que ce qui a déjà été accordé par Djelloul lors du règlement à l’amiable. Il arrive aussi à Djelloul d’aider et de réconforter ses proches à l’exemple de cet ami qui a été jeté en prison car trop naïf.  Caissier au sein d’une petite société étatique, il remettait de l’argent de la caisse à son chef hiérarchique sans exiger des justificatifs pour se couvrir. Le jour où sa caisse fut contrôlée, on découvrit un énorme trou dans les comptes, il a innocemment avoué la vérité, mais personne ne voulut le croire. Bien entendu, son responsable nia avoir reçu le moindre centime de la part de son subalterne, la justice décida d’incarcérer le pauvre caissier ainsi que son chef. 
Djelloul, qui connaît cet ami de longue date, savait qu’il disait vrai. Il demanda donc à son oncle qui était gardien de prison de prendre soin de lui. A la fin de son emprisonnement, qui ne dura pas longtemps, l’homme était totalement brisé et démoralisé. Il ne retrouvait le sourire qu’en compagnie de Djelloul qui faisait tout son possible pour le réconforter afin de lui faire oublier les moments difficiles qu’il a traversés durant son incarcération.
Il n’y avait pas que cet ami à qui il a volé au secours, non rancunier et pardonnant très vite, même à l’homme qui l’a évincé honteusement de la menuiserie, avant d’être lui aussi éjecté, oubliant sa méprisable forfaiture ; il vient souvent quémander l’aide de Djelloul au moindre petit souci et il repart toujours satisfait. Sans oublier Youyou, Mohamed, Fatah et tous les autres, y compris ceux qui l’ont trahi et blessé.
Chez lui aussi, grâce à sa sagesse, Djelloul a su faire régner une parfaite harmonie familiale, même après le décès de son père et de sa mère. Ses frères et sœurs le vénèrent. Aucun nuage ne vient jamais assombrir la parfaite entente qu’il a su instaurer.   Sa fille unique, qui a eu son doctorat en mathématiques et qui enseigne à l’université de Béjaïa, et sa femme une enseignante, qui n’exerce plus, peuvent être fières d’avoir un mari et un père de la trempe de celui qui mérite d’être surnommé le sage du XXIe siècle.

 

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