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Rubrique Le Soirmagazine

Entretien / M. ADLEN BERKANI, FONDATEUR DU GROUPE UNICOORP, AU SOIRMAGAZINE : «La formation en ligne deviendra de plus en plus présente dans nos modes d’apprentissage»

Par Naïma Yachir
Fondateur du groupe UniCoorp, un projet de Digital Learning, dont l’objectif est la formation dans les grandes entreprises, à distance, Adlen Berkani, son directeur, nous éclaire sur cette nouveauté en Algérie et nous renseigne sur cette méthode de transmettre le savoir dans notre pays ; il explique de même comment elle est perçue par les apprenants.

Soirmagazine : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
Adlen Berkani : Je suis le fondateur d’UniCoorp, une start-up qui révolutionne la formation dans les grandes entreprises. J’ai fait mes études à l’étranger. Je suis ingénieur de l’Ecole polytechnique de Lausanne et de l’Université de Cambridge, et j’ai poursuivi ma formation en management et entrepreneuriat à HEC Paris et l’Université de Berkeley. J’ai débuté mon projet aux Etats-Unis, où nous avons été classés 2e dans le prestigieux incubateur de Berkeley et avons eu l’opportunité de lever des fonds auprès d’investisseurs reconnus mondialement. Cela fait maintenant plus d’un an que je suis revenu en Algérie pour continuer ce projet de Digital Learning et lancer l’entreprise UniCoorp. Mon équipe et moi-même sommes basés à Rouiba, à l’est d’Alger. Nous développons l’ensemble de notre produit (la plateforme technologique et nos cours) en Algérie.
Pourquoi avez-vous choisi spécialement ce créneau ? 
Comme vous pouvez le constater, vu mon éducation, je suis passionné par la formation. Lors de mon séjour à l’Université de Berkeley et durant mon incubation à The House, j’ai été très impressionné par l’impact des nouvelles technologies sur les apprenants. Le Digital Learning utilise les nouvelles technologies pour améliorer le système d’apprentissage actuel. L’objectif n’est pas de supprimer l’apprentissage en classe avec un professeur mais bien de rendre l’expérience plus intéressante pour l’apprenant. Je pense que le Digital Learning est une chance inouïe pour l’Afrique et l’Algérie. Nous pouvons effectuer un «leapfrog» et sauter une technologie pour arriver directement aux dernières avancées. En effet, les solutions de Digital Learning ne demandent pas d’investissements lourds tels que des bibliothèques ou autres infrastructures. Il suffit d’avoir une connexion internet et un appareil (ordinateur, téléphone ou tablette) pour pouvoir en profiter. De nos jours, il n’y a aucune raison qu’un employé à Béchar ne soit pas aussi bien formé qu’un employé à San Francisco. Nous avons tous accès au même contenu sur internet, il n’y a pas de frontière. Les besoins en formation en Algérie sont aussi très importants. Les formations aux niveaux primaire, secondaire et universitaire sont théoriques et ne préparent pas aux outils et compétences nécessaires dans le milieu professionnel. Bien souvent, les entreprises doivent donc pallier ces besoins en compétences avec des formations en interne. C’est aussi le cas avec les formations en langues. Nous avons des demandes croissantes pour des formations de français et d’anglais. Ce n’est pas un phénomène qui touche uniquement l’Algérie mais aussi d’autres pays d’Afrique. La maîtrise des langues étrangères est un atout réel pour être compétitif au niveau international et participer aux échanges mondiaux. Je pense donc qu’il existe une réelle opportunité avec le Digital Learning pour avoir un impact sur notre société et catalyser son développement.
Le choix de vous installer en Algérie pour promouvoir la formation online est-il raisonné ? 
Si je n’étais pas Algérien, je ne serais sans doute pas là. L’attrait familial et culturel a forcément joué dans ma décision de revenir. Cependant, cela ne veut pas dire que ce n’est pas un choix raisonné. D’un côté, l’Algérie est un marché important, l’un des plus grands en Afrique, et de l’autre, certaines barrières limitent la concurrence. En plus de cela, les besoins en formation sont grandissants en Algérie, ce qui en fait un marché attractif pour la formation en ligne. Je pense aussi que le digital est nouveau pour les Algériens, et je réalise qu’il est difficile de convaincre les décideurs et entreprises de se former en ligne. Comme partout il y a donc des challenges pour réussir mais le jeu en vaut la chandelle. Je suis rentré en Algérie en mai 2017. J’ai commencé par faire une étude de marché afin de développer une solution parfaitement adaptée au marché algérien, et j’ai aussi passé beaucoup de temps à faire toutes les démarches administratives afin de débuter le projet. Ce n’est qu’en janvier 2018 que j’ai lancé officiellement mon entreprise.
En tant que première expérience dans un pays nord-africain, que pensez-vous de la perception des Algériens s'agissant de la formation online ? 
La formation en ligne n’est pas un domaine nouveau. Ces technologies sont nées aux Etats- Unis dans les années 2000. Nos interlocuteurs et le public algérien ont donc déjà entendu parler de ces technologies, mais bien souvent n’ont jamais pu les expérimenter. Je pense que cela va changer aux cours des prochaines années. Avec les initiatives de la formation en ligne pour les jeunes, la population va devenir de plus en plus friande de ce type de formation. Cependant, aujourd’hui, il faut avouer qu’il est compliqué de convaincre les bonnes personnes d’adhérer à ce système. Nous avons souvent les excuses que l’Algérien n’est pas prêt culturellement, ou que la technologie — la connexion internet — n’est pas assez bonne. Je pense qu’il s’agit d’excuses liées à la peur du changement.
Depuis une année d'existence en Algérie, quel bilan dressez-vous de votre activité ?
Je dresse un bilan positif. Nous avons une équipe de jeunes, compétente et réellement passionnée par le projet. Notre technologie et nos partenariats nous différencient largement de la compétition. Cela nous permet de nous concentrer sur nos clients en sachant que nous offrons la meilleure solution disponible. Au niveau des clients, nous travaillons et sommes en discussion avec certains des plus grands groupes privés et publics. Nous allons aussi mener certaines actions avec des ministères. Le potentiel est énorme en Algérie mais aussi dans le reste de l’Afrique ou le Moyen- Orient.
Pensez-vous qu'en Algérie la formation via internet pourrait se généraliser à tous les genres d’instruction ?
Je pense que oui. La formation en ligne deviendra de plus en plus présente dans nos modes de formation. Elle n’est pas encore présente dans tous les domaines et même aux Etats-Unis toutes les formations ne sont pas digitalisées. Toutefois, je pense que la formation en ligne ne remplacera jamais entièrement les formations en présentiel. Cependant, elle pourra les accompagner pour améliorer l’apprentissage des utilisateurs. Une étude affirme que 85% des métiers de 2030 n’existent pas aujourd’hui, comment donc se former à ces nouveaux métiers ? Avec le Digital Learning ! Nous vivons une véritable révolution dans la formation, il n’est plus possible de se former uniquement à l’université. De nos jours, nous avons besoin de nous former tout au long de la vie pour anticiper les changements rapides de notre société.
Quels sont vos projets sur les court, moyen et long termes ? 
Sur le court terme, nous souhaiterions renforcer notre position de leader en Algérie. Nous devons continuer à améliorer notre solution technologique et à développer plus de formations pour notre catalogue. La clé de notre succès sera notre capacité à fidéliser nos clients et à en acquérir de nouveaux pour développer noter marque et devenir incontournable en Algérie. Notre objectif sur le long terme est d’exporter nos produits digitaux développés en Algérie à l’international. Nous travaillons à la recherche de nouveaux clients en Europe et dans le reste de l’Afrique pour valider notre modèle. Nous réfléchissons à lever des fonds pour accélérer notre développement à l’international.
Que pensez-vous de l’apprentissage par soi-même ? 
La formation est en pleine révolution grâce aux nouvelles méthodes de formation ainsi qu’aux nouvelles technologies. L’idée est de placer l’apprenant ou l’élève au centre, et de lui proposer une solution adaptée et à son rythme pour que chaque élève profite pleinement de sa formation. De nos jours, c’est impossible à réaliser avec le système classique de professeurs et de classes. Il faudrait un professeur pour chaque élève afin de proposer un tel apprentissage. C’est malheureusement irréalisable. C’est pourquoi de nombreux parents à travers le monde déscolarisent leurs enfants afin de leur donner eux-mêmes une formation adaptée. Je pense toutefois que l’environnement scolaire social où l’enfant se fait des amis et découvre notre société est important. C’est pourquoi, je pense que la solution serait que l’Etat investisse dans les nouvelles technologies de l’apprentissage et réforme le système scolaire pour l’adapter aux besoins de demain. Je pense qu’un mélange entre formation classique en classe avec des formations digitales serait idéal pour les niveaux secondaire et universitaire. Durant mes études à HEC Paris, par exemple, nous avions accès à des cours en ligne pour les modules théoriques et nous pouvions assister à des séances d’exercices pour poser nos questions aux professeurs. C’est un investissement conséquent pour l’Etat et un pari risqué sur l’avenir que de nombreux pays avec plus de moyens n’ont pas osé faire.
Le mot de la fin...
Je pense sincèrement que l’Algérie a d’énormes opportunités de développement dans le digital. Nous avons une population jeune qui maîtrise ces outils digitaux, mais aussi des jeunes bien formés en informatique. Pourquoi ne pourrions-nous pas exporter des produits digitaux (comme l’Inde ou l’Europe de l’Est) ? Il n’y a pas de frontières sur internet. Je trouve déjà cela très impressionnant que nous exportions des téléphones et autres produits ménagers à partir d’Algérie, et je pense que nous pouvons aller encore plus loin.

QUI EST UNICOORP ?

UniCoorp est une entreprise spécialisée dans la formation en ligne, ou Digital Learning, à destination des grandes entreprises. Nous les aidons à former leurs employés plus efficacement et à moindre coût. Notre solution permet aux départements des ressources humaines des entreprises de visualiser l’ensemble de leurs employés avec leurs fonctions et besoins de formation. Nous aidons donc en amont à identifier les besoins de formation des entreprises pour ensuite proposer nos formations en Digital Learning. Nous avons donc développé une solution technologique disponible sur ordinateur, tablette et téléphone grâce à nos ingénieurs informaticiens directement à partir de l’Algérie. Nous avons aussi conçu des formations dans des domaines variés, allant du management, leadership, à la relation client et à la vente, jusqu’aux langues comme le français et l’anglais. Nous avons développé toutes ces formations grâce à nos partenaires : l’Institut français d’Alger, In-Tuition, ou encore l’Institut de la formation bancaire. Avec notre solution, nous proposons une formation personnalisée pour chaque apprenant, avec des articles, des micro-vidéos, des cas concrets, et enfin des quiz pour valider leurs connaissances afin qu’ils progressent dans leur entreprise. L’avantage pour les entreprises est d’avoir une formation de qualité et adaptée aux besoins de chaque employé et de l’entreprise afin d’augmenter son efficacité. Il y a un réel retour sur investissement. Pour développer notre solution nous avons recruté, et travaillons avec une dizaine de collaborateurs en Algérie. Ce sont tous des profils très intéressants, issus des grandes écoles algériennes (ESI, Polytech Alger, EHEC ou encore l’université) qui maîtrisent parfaitement le français et sont réellement passionnés par le projet. Il est malheureusement compliqué pour nous, avec des moyens limités, de retenir ces talents surtout lorsqu’ils souhaitent émigrer vers l’Europe ou le Canada. Depuis notre lancement officiel début 2018, nous connaissons une croissance importante. Les premiers groupes avec lesquels nous travaillons sont courageux et mettent en valeur l’innovation. Parmi eux, il y a NCA Rouiba, le Groupe Chiali ou encore Amenhyd. Maintenant que nous avons prouvé que notre modèle marche en Algérie, nous sommes en discussion avec les groupes les plus importants du pays comme Sonatrach, Cevital ou encore Condor pour répandre nos formations dans leurs entreprises. Nous avons beaucoup d’ambition et souhaitons proposer de nouveaux produits en Algérie puis nous étendre à l’étranger. Pour cela nous souhaitons encore recruter des collaborateurs d’ici la fin de l’année.

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