Elle monte dans le bus, balaie de ses yeux exorbités l’engin, puis s’assoit aux premières loges près d’une dame d’un certain âge. Elle la regarde discrètement, puis entame d’emblée la discussion. «Moi, ce qui me fait peur, ce sont ces jeunes. Ils choisissent les sièges à l’avant pour être prêts à sauter après avoir commis leur forfait. En général, ce sont les téléphones portables qui les intéressent. J’ai assisté il y a à peine quelques jours à une scène de vol.» La jeune fille, 25 ans environ, les traits crispés, les mains serrées sur son portefeuille, ne baisse pas la garde.
Discrètement, elle jette un coup d’œil sur son mobile.
«Je viens d’envoyer un message à mon mari pour lui dire que je suis dans le transport. Je ne veux pas appeler pour ne pas attirer l’attention. C’est plus discret, surtout lorsqu’il me répond.» Elle chuchote en poursuivant son récit :
- Vous savez, les gens sont insensibles et d’une indifférence effarante. C’est pourquoi il faut être vigilant. Les voleurs, je les repère tout de suite. Il y en a deux juste derrière nous. J’ai la trouille.
Elle devient blême, mais fait mine de rien :
- Heureusement que je descends à la prochaine station. Je me prépare, mais avant je dois m’assurer qu’ils ne s’en iront pas en même temps que moi.
Elle tend l’oreille et poursuit la conversation, puis, rassurée, elle pousse un ouf de soulagement :
- J’ai de la chance, je quitte l’engin avant eux. Et vous ?
- Moi, mon arrêt, c’est le terminus.
- J’espère que vous ne les aurez pas sur le dos. Faites gaffe, ils sont capables de vous suivre.
- Pas de risque.
- Pour plus de précaution, je vous conseille de vous asseoir au fond.
La porte s’ouvre, la jeune fille, tel un éclair, dévale les marches après avoir lancé un ultime regard à ses «potentiels brigands».
