Les mains crispés sur son volant, le visage rouge, il tente de deviner le tracé de la longue et interminable autoroute Est-Ouest. Il est 23h et il fait nuit noire. Il roule à 70 km, ses feux de detresse allumés. Il a l’impression qu’il conduit les yeux bandés. Son épouse lui sert de guide. Elle est blême, la bouche sèche et a du mal à articuler.
- Attention, roule légèrement à gauche, tu as failli heurter la glissière.
- Je ne vois rien.
- Suis le véhicule qui est devant toi.
La route devient de plus en plus sombre, les plaques de signalisation sont invisibles et le trajet s’allonge, s’étire à ne plus en finir. Juste à temps, elle devine à peine des cônes en plein milieu de la chaussée annonçant des travaux. Elle crie de toutes ses forces en se couvrant le visage :
- Attention, ralentit !
- Oh ! m.... j’ai failli leur rentrer dedans. Mais ce n’est pas possible. Il faut être des assassins pour livrer une route dans cet état !
Son front ruisselle.
Sa fille éclate en sanglots.
Sa maman la rassure.
- ça y est, on va bientôt sortir de ce noir.
Le père tente tant bien que mal de maîtriser sa peur et de garder son sang- froid. Il roule sans savoir ce qu’il l’attend au bout. Son épouse prie Dieu qu’ils arrivent sains et saufs à bon port. Et tous ces camions qui le devancent comme des bolides. Après plus de trente minutes d’une traversée périlleuse, une faible lueur apparaît au loin. Nos passagers reprennent des couleurs, leur petite lance un ouf de soulagement.
- ça y est papa, enfin de la lumière ! On y est presque.
Le conducteur, médusé, ne prononce pas une parole. Les lampadaires éclairent enfin de leurs feux la route. Ils sont sortis de l’enfer.
Le silence emplit la voiture. Il rentre dans la cité. Il gare le véhicule, éteint le contact, puis de ses deux mains frappe le volant en criant : «C’est faux, il n’y a pas que l’excès de vitesse qui tue, l’état de nos routes en est aussi responsable. On a failli mourir à cause de ça !»