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Rubrique Le Soirmagazine

C’est ma vie La triste fin de Hamou

Hamou, de son vrai nom Smaïl, est né au début des années 50. 
Sa famille  et tous ses proches découvrent très vite qu’il était doué d’une intelligence et d’une clairvoyance extraordinaires. 
Il était capable de se sortir tout seul de situations plus que périlleuses, et ce, sans la moindre égratignure. Son père, Arab, n’arrivait presque jamais à le prendre en défaut quoiqu’il sache très bien qu’il n’était pas toujours aussi sage et obéissant qu’il le laissait paraître. Il évitait ainsi reproches et punitions.
Au lycée, ses professeurs aussi avaient détecté ses capacités intellectuelles qui lui permettraient d’avoir un glorieux avenir s’il le souhaitait. Son prof de sport était du même avis. Il lui prédisait  une illustre carrière sportive. Son corps d’athlète lui permettait de pratiquer n’importe quelle discipline. Malheureusement, il mettra fin à ses études juste après avoir eu, haut la main, son brevet, à la grande déception de son père et tous ses enseignants.
Ayant acquis la liberté d’agir à sa guise après l’abandon inexpliqué de ses brillantes études, il s’en donne à cœur joie à ses hobbys :  pêche, cinéma, théâtre et lecture de bandes dessinées, Blek le Roc, Kiwi, Nevada, Rodéo…
Il suivait les aventures de ses héros en achetant chaque semaine ces illustrés chez Mme Margot qui tenait à l’époque un kiosque face à l’église de Souk El Khémis, devenue aujourd’hui mosquée.
 Son autre passion, c’était le foot. Il aimait aussi se rendre au stade afin de supporter son équipe fétiche le Mo Béjaïa, il lui arrivait même de la suivre en déplacement et, quelques années plus tard, il deviendra membre dirigeant du club durant une longue période.  
N’ayant jamais succombé à la tentation de l’alcool ou de la drogue, il préservera toujours un mental d’acier et un physique de sportif de haut niveau.
Ses copains de l’époque acceptaient de le suivre sans poser de questions. Ils avaient une confiance aveugle en lui.  Hamou avait la tête sur les épaules. Quand il était parmi eux, ils se sentaient  en sécurité. Son courage, son agilité et sa lucidité lui ont permis à maintes reprises d’accomplir des actes de bravoure mémorables. Laissez-moi vous en raconter l’une des actions que nul ne peut oublier.   Un petit loubard de quartier qui résidait près du port voulut s’en prendre à lui le jour où Hamou a choisi un emplacement au hasard pour pêcher sur le quai. Il ignorait que c’était le lieu de prédilection du jeune aux gros bras qui considéra cette intrusion comme un défi. Il voulut donc chasser l’intrus qui a eu le culot de s’assoir là où il ne fallait pas. Il s’est donc mis à vociférer afin que tout le monde l’entende.
- Tu vas vite changer de lieu espèce de sans-gêne venu de je ne sais où ! C’est ma place !
Nullement impressionné par les cris de l’énergumène, Hamou lui répondit calmement :
- Ici, on n’est ni au théâtre ni au cinéma, les places ne peuvent être réservées, elles appartiennent au premier qui s’y installe.
Se sentant offensé devant ce refus cinglant et humiliant, et ce, devant plusieurs curieux qui le regardaient s’époumoner sans que cela ait l’air d’effrayer Hamou, il  continua de taquiner le poisson avec l’intention de ne pas bouger d’un iota tant que son adversaire hurlait. Mais quand il le vit s’approcher d’un peu trop près, il se leva et se tint sur la défensive. Le malabar voulait démontrer à tous les présents qu’il est toujours le maître des lieux. Il décida donc d’infliger une correction bien méritée à celui qui osait lui tenir tête dans son fief. Il se rua sur Hamou qui, voyant venir  cette fulgurante attaque, s’était rapproché en douce du bord du quai, sans que la brute s’en rende compte, il esquiva la charge puis, d’un coup d’épaule, il envoya son agresseur dans la flotte,  1,50 m plus bas.
L’assaillant s’est mis à patauger dans l’eau et à supplier à tue-tête :
- je ne sais pas nager,  aidez-moi,  je vais me noyer. Tout le monde s’est mis à rire jusqu’aux larmes.  On le sortit de cette mauvaise posture hoquetant, les jambes tremblantes. Lui qui jouait au despote un instant avant s’en alla sans demander son reste, ni jeter un regard à Hamou qui venait de le ridiculiser.
L’autre qualité indéniable que tous lui reconnaissaient, c’était sa brillance  dans tous les jeux de société. Ses partenaires  étaient sûrs de dominer leurs adversaires si Hamou intégrait leur équipe. Au milieu des années 60, le jeu le plus prisé des jeunes et moins jeunes durant les longues nuits du mois de Ramadhan c’était «Djîb El Khâtem» (le jeu de la bague).
Ce jeu consiste à ce que deux groupes composés chacun de 8 à 12 membres, et même parfois plus, se retrouvent assis face à face le long de tables assemblées en longueur, on joue à pile ou face pour déterminer l’équipe qui doit détenir en premier une petite bague ou, à défaut, une petite pièce qui ne déforme pas une poignée  fermée.
Ceux qui détiennent l’anneau mettent toutes les mains sous la grande table ainsi formée en prononçant «djîb el khâtem et râd el khâtem» (donne la bague et rend la bague), les deux formules magiques qui animent et créent une ambiance indescriptible, puis ils sortent tous ensemble les poings fermés qu’ils posent devant eux. Les joueurs en face doivent deviner dans quelle main se trouve l’anneau. Ils ont deux options, soit dire «casse» s’ils pensent que la poignée est vide ou dire «donne» s’ils soupçonnent que la bague s’y trouve. Avoir Hamou comme coéquipier était un atout non négligeable. Il devinait presque toujours qui détenait le petit objet rien qu’en scrutant les visages de ses adversaires. Redoutable, il se trompait rarement. Il raflait les tablettes de chocolat qui servaient d’enjeux à tous les coups, à la grande satisfaction de ses coéquipiers.
Il aura l’occasion de mettre en pratique ses dons divinatoires plus tard lorsqu’il intégrera l’école de police de Soumaâ, d’où il sortira comme motard.
Il a très rapidement appris à reconnaître les chauffards et les soulards du premier coup d’œil. Il devenait alors dur et intraitable avec eux, et ce, malgré leurs supplications, excuses et pleurnicheries. Plusieurs de ces futurs tueurs  sont devenus de simples piétons après avoir eu affaire à lui. Ce qui a peut-être sauvé la vie de plusieurs usagers de la route. Toujours clément avec les conducteurs qu’il juge honnêtes et qui commettent des petites infractions au code de la route sans aucune gravité pour les autres, cela lui valut l’estime des vrais routiers ainsi que de ses supérieurs hiérarchiques.
Il sillonnera durant des années les routes de trois wilayas différentes, au gré de ses affectations : Béjaïa, Bouira et Jijel. Lui et son collègue Messaoud ont,  à plusieurs reprises, été choisis comme   éclaireurs sur les trajets de déplacement  de feu le président Houari Boumediène. Leurs états de services exemplaires leur permirent d’être promus au grade de  brigadier-chef.
Ce sont des soucis de santé qui obligèrent Hamou à mettre un terme à sa belle carrière. Courageux, il a essayé de dissimuler ses souffrances afin ne pas alarmer sa femme, ses enfants et les autres membres de sa famille. Il ne laissait rien paraître du mal qui le rongeait à petit feu. Il gardait le sourire et agissait comme si de rien n’était.
En vérité, son artère coronaire était obstruée. Il lui fallait l’implantation d’un autre vaisseau pour détourner le sang par une autre voie. A l’époque, ce genre d’opération délicate n’était  pratiquée qu’à l’étranger.
Confiant, il s’attendait à obtenir une prise en charge assez rapidement. Au niveau de la Caisse de sécurité sociale, il reçut des promesses rassurantes, son dossier était sur le point de recevoir un avis favorable. Il fallait   patienter un peu.
Il prit son mal en patience et se résigna à faire confiance aux décideurs.  Sa vie était entre leurs mains. Mais durant cette interminable attente,  son état se détérior. Il souffrait le martyre sans trop l’afficher. ll fut  hospitalisé à plusieurs reprises pour des soins palliatifs, sans aucune véritable amélioration de  son état général qui continuait à se dégrader.
S’accrochant de toutes ses forces, il continua à lutter, il gardant toujours l’espoir de recevoir enfin le fameux sésame qui mettra un terme à sa longue agonie. 
On le berça d’illusions sur une hypothétique prise en charge qui n’arrivera jamais. Etant épuisé par les va-et-vient incessants à l’hôpital, il s’est résolu à rentrer chez lui, où il s’éteindra entouré des siens, restés à son chevet jusqu'à l’ultime adieu.

 

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